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Kronik KC Ranzé
Prescriptions non-gratuites…
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Kronik KC Ranzé
Prescriptions non-gratuites…

Il a été élu à la tête de l’alliance du changement le 11 novembre dernier et assermenté le 13. Et nombre de ses partisans ont sans doute revu, en flashback, ces images de l’arrestation de Navin Ramgoolam au domicile de son père, à la rue Desforges, au début de 2015, les cheveux ébouriffés, la chemise partiellement ouverte, devant une foule et des caméras qui avaient été rameutés par avance, pour générer un maximum de dividendes politiques. S’ensuivait le spectacle dramatisé d’une grue qui déposait deux coffres-forts aux Casernes, apres la dénonciation intéressée d’un ‘carapate’, qui s’achetait ainsi les bonnes grâces des nouveaux princes du pays. Ces images pour bouleversantes qu’elles furent n’ont, semble-t-il, pas été retenues comme admissibles pour prouver un crime, par un jury constitué… de l’électorat mauricien tout entier ! Ça compte ! La justice des juges décidera cependant indépendamment.
Deux commentaires sont de circonstance. D’abord, il est temps de reconnaître que le financement des partis politiques doit impérativement être revu pour que règnent enfin la transparence et l’équité. L’affirmation de Ramgoolam que l’argent de ses coffres appartenait au parti pour financer les campagnes électorales ou pour donner un coup de neuf au quartier général, est largement crédible. Les autres partis reçoivent aussi du gros argent qui, selon les lois électorales extrêmement restrictives, ne doit que financer leurs candidats à hauteur de Rs 150 000 individuellement. Ce plafond totalement absurde depuis longtemps déjà, a été établi dans la Representation of the People Act de…1958, révisée pour la dernière fois en 2011. C’est dire si nous sommes à la page !
La mascarade ne s’arrête pas là ! Les partis politiques ne publient pas leurs comptes au Registrar comme les autres entités légales du pays ; corporations, PME, ONG, associations, coopératives et autres ! Pourquoi l’exception ? Pourquoi la cécité de circonstance ? Les partis sont-ils des entités légales ou pas ? S’ils ne le sont pas, comment ont-ils pignon sur rue et comment ont-ils des comptes en banque ? Suffirait-il vraiment d’ajouter le mot ‘Trust’ pour se mettre à l’abri ? Pourquoi les partis n’auraient pas un devoir de transparence comme les autres ?
La clause 56 de la Representation of the Poeple Act de 1958 pousse encore plus à l’absurde puisque l’agent principal de chaque candidat est tenu, avant 6 semaines après les élections, à soumettre un ‘full statement’ des dépenses encourues par son candidat qui doit, quant à lui, (sous-section 5(a)) jurer devant un magistrat que cette déclaration identifie toutes les dépenses qu’il a autorisées «fully and accurately». Autrement dit, TOUS les politiciens de nos partis principaux sont, semble-t-il, invités, par la loi, à mentir conjointement ; un candidat ‘important’ dépensant, est-il estimé, entre Rs 500 000 et Rs 3 millions, selon le cas. La pénalité prévue pour les candidats qui ne déclarent pas leurs dépenses électorales est, tenez-vous bien, de… Rs 1 000 !
Il nous faut absolument et au plus vite sortir de ces inepties. L’opposition des 10 dernières années ayant systématiquement refusé de voter les lois proposées par le gouvernement sortant, au motif que ces propositions étaient mal ficelées, (ce qui est probablement vrai) et que l’on pouvait mieux faire, est aujourd’hui au pied du mur : Ayant bien réfléchi depuis 10 ans, il a sûrement quelque chose de déjà prêt au four ? Alors, allons-y, d’autant que s’il faut, en parallèle, modifier positivement la Constitution, le mandat de 60-0 existe ! Il est temps, messieurs, dames, de s’affranchir du grotesque et de l’incohérent…
Quelques suggestions : Les partis doivent obligatoirement publier leurs comptes annuellement. Financement partiel des partis par l’Etat, proportionné aux résultats des trois dernières élections (% du vote national) plus un volet pour les ‘petits ‘ partis en fonction du nombre de candidats aux élections courantes. Plafond autorisé maximal de contribution aux partis politiques de Rs 0,5 m par individu et de Rs 5 m pour les compagnies. Par an et non cumulatif. A rendre public. Plafond absolu de dépenses de Rs 1 m par candidat aux élections. Pour faire pendant à une Fiscal Responsibility Act, obligation aux partis de quantifier leurs propositions électorales et d’en expliquer le financement en détail, au moins 30 jours avant les élections.
Ensuite, je suis, comme de nombreux citoyens, très impressionné par la retenue de Navin Ramgoolam face à son adversaire battu et pas souvent loyal, son harceleur constant qui ne s’arrêtait pas à grand-chose pour l’accuser et l’accabler. Les partisans travaillistes à sang chaud s’attendaient probablement à un règlement de compte rapide et sans ménagement. Ramgoolam a choisi la mesure et la sagesse. Son tourmenteur a pu tranquillement quitter le pays, avec sa famille, par exemple. En mode VIP. Pas de ‘charges provisoires’ intempestives, pas de tentatives de lynchage public, malgré ce qui a dû être la tentation, vu ce que lui avait été personnellement administré. Cette pondération aide grandement à apaiser le pays dans un moment qui sera sans doute difficile à affronter et qui doit absolument faire l’économie d’une fringale de règlements de compte. En effet, la foule qui lynche(*) réfléchit peu, perd conscience de ce qui est vraiment pertinent et n’entrevoit surtout pas les conséquences, notamment pour l’image du pays.
Ce qui ne veut aucunement dire que les autorités appropriées ne doivent pas agir si des lois ont été transgressées. Mais il faut des faits, pas des supputations.
Ce choix délibéré d’une approche tempérée et respectueuse de l’état de droit est au crédit de ce nouveau gouvernement. C’est un bon début. Comme pour la plupart des nominations faites jusqu’ici. Mais finir avec seulement deux femmes au cabinet ministériel n’est, par contre, pas une réussite… ni un changement !
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La situation économique est très grave, mais la grosse majorité de nos concitoyens, y compris de larges tranches de nos décideurs, baignent encore dans l’euphorie et l’illusoire. Faut-il vraiment faire comme si le paiement du 14ᵉ mois est sans conséquence ? Que les promesses électorales se financeront d’ellesmêmes ? Que l’absence de devises en banque ne reflète pas le problème fondamental que l’on vit au-dessus de nos moyens ? Que l’on peut encore dépenser et laisser venir pire ?
Ce qui nous mènera immanquablement à l’inflation que l’on n’arrête plus et qui s’autoalimente ? Aux billets de banque de plus grosses coupures et que l’on imprime avec avidité ? A la sanction de Moody’s et une dette nationale qui coûtera plus cher? A la cessation de paiements caractérisant la banqueroute ? Comme au Sri Lanka ou en Argentine !
L’argument principal de ceux qui sont contre la consolidation financière, l’austérité, les sacrifices et la réduction du train de vie de l’Etat et du pays est que, dans le passé, le même genre de mise en garde non respectée n’a, jusqu’ici, PAS mené à la catastrophe et que nous pouvons donc, extrapolant du passé, ‘continuer pareil’. Pourtant, chaque alerte passée qui n’aura mené à aucune réforme, ni freinage, nous a définitivement RAPPROCHE de la catastrophe ! Et comme le proverbial personnage qui marche vers le précipice sans écouter ceux qui lui conseillent de changer de direction, tout va excellemment bien … jusqu’au dernier pas de trop !
Ernest Hemingway le résumait fort bien dans The sun also rises. “How do you go bankrupt ?” était la question. “Two ways. Gradually , then…suddenly !” fusait la réponse. Les syndicats, quant à eux, disent que les autorités «jouent le film de ‘Squelettes dans le placard’». Jouent un film? On l’aurait tellement souhaité ! Les squelettes, malheureusement, sont bien réels ! Et vont mordre !
M. Reza Uteem aura eu le mérite d’inviter son prédécesseur, M. Callichurn à une passation de responsabilités à son ministère. Il faudrait, pareillement, inviter M. Padayachy à expliquer comment les Rs 78 milliards de promesses électorales de son parti allaient être financées avec tous les ‘trous’ qui existent déjà et les autres que l’on découvre, chiffres manipulés compris. Il avait peut-être des tiroirs cachés qu’il révèlera en tant que patriote ? Ou se berçait-il déjà au doux clapotis des vagues de dollars imaginés, s’échouant sur les plages de Diégo ?
14ᵉ mois, compensation salariale, baisse des taxes sur l’essence, 24 ministres, 10 juniors, exonérations diverses d’impôts, pension à Rs 21 500, transport gratuit, Rs 10 milliards de subventions des achats quotidiens, médicaments subventionnés, internet gratuit coutant, a-t-on estimé, Rs 48 milliards; ça ne pourra se goupiller, tout cela, qu’avec de la forte croissance productive ou …la pierre philosophale (***) !
Quant à l’audit financier en cours, il n’y a qu’une seule et unique opportunité de tout déballer aux dépens des responsables politiques sortant. C’est MAINTENANT ou jamais! Toute tentative de «gérer» le problème, comme cela a été le cas jusqu’au 11 novembre, fera inévitablement du gouvernement actuel des héritiers (et des responsables…) de plein droit !
Devinez qui va en rire de plaisir…
(*) Youtube l stoned for saying jehovah (life of brian)
(**) Un ami bienveillant me signale une incohérence dans ce que j’écrivais à propos des voitures électriques (EV) la semaine dernière. C’est vrai que ma phrase prêtait à confusion parce qu’elle voulait trop dire à la fois, à propos des émissions de gaz et de la réduction de notre note pétrolière nationale. Je le cite: «EVs (Electric Vehicles) are cleaner than ICEs (Internal Combustion Engines) over their lifetimes (from manufacturing to end of life) even if the grid is 100% coal powered. EVs in Germany, UK or US emit one-third of the emissions of ICEs. In China, EV emissions are only one-half of those of ICEs, even as the grid is heavily coal powered» (Source: https://www.bbc.co.uk/programmes/w13xtvb6 )
(***) Vous savez…cette pierre d’alchimiste qui aurait permis de transformer le plomb en or !
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