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Membre du jury

Quand des citoyens sont appelés à rendre justice

1 octobre 2023, 21:00

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Quand des citoyens sont appelés à rendre justice

Les noms jury et juré sont issus du domaine du droit, où ils font tous deux référence à des citoyens choisis au hasard pour participer à un procès. Ils ont toutefois des sens différents : jury désigne le groupe de personnes appelées à juger l’affaire en question, tandis que juré désigne chacun des membres de ce groupe.Être juré à Maurice, c’est faire partie d’un panel de neuf citoyens qui doivent se prononcer sur la culpabilité ou l’innocence d’une personne accusée d’avoir commis un acte criminel, notamment un meurtre ou un assassinat. À Maurice, le jury est régi par la Jury Act, qui a été amendée en 1990 pour permettre également aux femmes d’en faire partie.

Par ailleurs, le procès intenté à Kevin Pascal Lisette, accusé d’avoir tué son père, Christian, le 2 septembre 2019 à Madame Lolo, Rose-Belle, se déroule actuellement devant les Assises. Le jeune homme ayant plaidé non coupable, un panel de jurés composé de cinq femmes et quatre hommes a été constitué pour trancher sur cette affaire. La décision du panel du jury doit être prise à la majorité des voix. Être juré n’est pas une mince affaire et constitue une lourde responsabilité car celui-ci est en fait un «juge des faits», non un «juge du droit». Les jurés se laissent guider par les directives du juge siégeant sur le procès et rendent leur verdict en se basant uniquement sur les preuves et témoignages présentés lors du procès. Ils ne sont pas appelés à appliquer les lois ou encore moins à décider de la sentence en cas de verdict de culpabilité.

Sélection

Les procès avec jury se déroulent uniquement devant les Assises dans des cas de meurtre où les accusés plaident non coupable. Ceux qui souhaitent se faire enregistrer sur la liste des jurés ont jusqu’au 30 juin de chaque année pour s’inscrire auprès de la Cour suprême. La liste officielle est ainsi publiée dans la Government Gazette. Avant 2020, 5 000 noms au total étaient placés dans une boîte pour un tirage au sort un mois avant que la date du procès ne soit fixée. Parmi les 5 000 noms enregistrés, 75 seront tirés au sort, au hasard donc par le Master and Registrar de la Cour suprême. À l’ouverture du procès, ces 75 personnes assignées doivent se présenter en cour. Et ce sont uniquement neuf personnes qui seront choisies pour constituer le panel de jurés.

Lors de cette démarche, l’avocat de la défense et celui de la poursuite peuvent chacun récuser sept jurés sans devoir fournir d’explications, signifiant ainsi qu’ils ne souhaitent pas que telle ou telle personne serve comme juré. Une fois le panel constitué, le juge donne des directives concernant les responsabilités, et les neuf membres prêtent alors serment. Une fois cette étape passée, les membres du jury se retirent pour désigner un porte-parole, le «foreman». Toute communication avec le juge se fera par le biais de cette personne et aucun autre membre du jury ne sera autorisé à parler ou à communiquer avec le juge ou toute autre personne. Dans les cas où les jurés sont isolés, ils sont autorisés à rentrer chez eux pour prendre leurs effets personnels. Ils ne seront pas autorisés à y retourner tout au long du procès. Dans le cas contraire, le procès se poursuit avec l’«opening speech» de la Poursuite.

En 2020, le système de sélection des jurés devant les Assises a connu une nouvelle ère avec les dispositions de la loi qui préconisent qu’un plus grand nombre de citoyens soient amenés à assumer cette responsabilité, avec l’apport de l’Electoral Supervisory Commission (ESC), pour fournir la liste des électeurs enregistrés sur son système. Ce nouveau système de sélection vise à s’assurer autant que possible d’une meilleure représentativité des jurés à un procès, garantissant ainsi à l’accusé un procès équitable devant un tribunal impartial. Désormais, les procès devant les Assises avec jurés tiennent compte des nouvelles dispositions de la loi en vigueur sous les Supreme Court (Jury lists and panels) Rules. Avec le soutien de l’ESC, le Master and Registrar de la Cour suprême sera en possession de la liste contenant les noms de tous les électeurs, compilée et mise à jour régulièrement par la commission. La sélection ne se fait plus avec un groupement traditionnel de 5 000 noms mais par un plus large groupement de 800 000 noms obtenus par la liste des électeurs soumise par l’ESC.

«Un individu tentant d’influence un juré, en lui offrant des pots de- vin ou par tout autre moyen, encourt une peine de prison pouvant aller jusqu’à deux ans.»

Ce que dit la loi

Les neuf individus choisis pour agir comme jurés dans un procès devant la cour d’Assises sont soumis à certaines règles pendant la tenue du procès jusqu’au jour où le juge qui le préside rend son verdict. Les lois qui régissent un «trial by jury» se trouvent sous les dispositions de la Criminal Procedure Act. Selon la sous-section 3 de l’article 10 et l’article 57 de cette loi, tout citoyen de la République de Maurice ayant résidé sur le territoire mauricien pendant plus d’un an et se situant dans la tranche d’âge de 21 à 65 ans peut ainsi faire partie du panel des jurés. Les neuf individus désignés doivent avoir un casier judiciaire vierge. Le juge, quant à lui, a le pouvoir de retirer une personne assignée comme juré si celle-ci ne remplit pas les qualifications requises. Si le juge estime que l’individu n’est pas suffisamment familier avec l’anglais ou s’il souffre de problèmes mentaux ou physiques, il peut alors être récusé par la cour. Une fois son assignation rejetée, le nom de l’individu en question est retiré du «jury book» aussi longtemps que le juge le souhaite. Une personne assignée à comparaître en cour pour la constitution des jurés et qui est absente ou a délibérément décidé de se retirer risque une amende de Rs 500, sauf si elle explique à la cour les raisons pour lesquelles elle ne peut faire partie du panel. Un individu tentant d’influencer un juré, en lui offrant des pots-de-vin ou par tout autre moyen, encourt une peine de prison pouvant aller jusqu’à deux ans. Le juré qui accepte le pot-de-vin risque également une peine de prison d’une durée maximale équivalente.

Isolement

L’un des principaux aspects d’un «trial by jury» est que les jurés sont souvent isolés pendant tout le procès jusqu’au verdict. Cependant, l’isolement des jurés avant le délibéré semble, depuis un certain temps, devenu exceptionnel, le dernier cas datant de 2013. Les avocats soulèvent des interrogations sur la nécessité de cette pratique, qui vise à protéger les personnes concernées de toute influence extérieure et à les mettre à l’abri de tentatives d’intimidation ou de corruption. Bien qu’il n’y ait aucune loi obligeant l’isolement des jurés, un juste équilibre est constamment recherché pour assurer le bon déroulement du système judiciaire. La décision d’isoler les jurés a de nombreuses implications, alors que ne pas le faire comporte plusieurs risques. Si les jurés sont isolés, cela signifie qu’ils devront mener une vie très stricte pendant toute la durée du procès. Le jour de la constitution du panel de jurés, ils ne sont plus autorisés à rentrer chez eux et doivent rester éloignés de toute influence extérieure. C’est pourquoi ils sont généralement surveillés de très près et confinés dans un endroit où ils n’ont aucun contact avec l’extérieur et ne peuvent parler à d’autres personnes. Les controverses entourant l’organisation d’un procès devant un panel de jurés ont fait que la cour d’Assises opte de plus en plus pour un panel de jurés autorisés à rentrer chez eux avant les délibérations.

Cas exceptionnels

Il existe des cas exceptionnels dans lesquels une personne peut être exemptée d’effectuer son rôle de juré, notamment si elle est trop âgée, malade ou si elle a déjà été poursuivie pour un crime. Dans des cas plus extrêmes, ceux ayant des antécédents dans des affaires de terrorisme, de violence en gang ou impliquant l’«Official Secret Act» peuvent également être exemptés. Cependant, ceux ayant commis un délit mineur peuvent toujours être sélectionnés comme jurés, selon la décision des avocats. La Law Reform Commission (LRC) avait fait état des propositions pour revoir les modalités en vue de proposer un système plus efficace. La LRC avait notamment préconisé la présence de deux jurés de réserve pour remplacer, le cas échéant, un juré au cours d’un procès, une amende plus sévère pour un juré potentiel absent le jour de son assignation à comparaître, ou encore la nécessité de «séquestrer» les neuf jurés pendant le procès.