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Quand Franklin rejoint Nono à La Réunion

18 mars 2024, 09:00

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Cela aurait pu être le titre du feuilleton à rebondissements. Jean Hubert Celerine, alias Franklin, n’est toutefois pas une fiction, mais une réalité bien de chez nous, qui est potentiellement révélatrice des dessous de l’économie parallèle qui brasse des milliards au nez et à la barbe de nos institutions. Franklin est un enfant du système pourri, qui nourrit d’autres pourris.

Alors qu’il contestait la décision, en date du 12 janvier 2024, de la magistrate Shavina Jugnauth de l’extrader, alors qu’il voulait être libéré sous caution «parce qu’il est innocent dans tout ce qui touche à la drogue», Franklin, arrêté par l’ICAC – pour soupçon de blanchiment d’argent – , et détenu depuis le 6 février 2023, en a eu marre, nous disent ses avocats, de manger, se doucher et dormir à la prison de Melrose. Il se dit désormais prêt à faire face à la justice réunionnaise qui l’avait condamné par contumace. Les conditions, y compris la nourriture, là-bas seraient-elles meilleures, ou est-ce qu’il a été gentiment encouragé à se faire oublier de la scène médiatique, un peu comme Navind Kistnah, qui vit cloîtré aux Casernes centrales depuis sept ans, sans que l’on sache pourquoi ?

Retour en arrière, en février 2023. Dans une plainte servie à l’express, Jean Hubert Celerine affirme qu’il est, selon la formule consacrée, «a person of good character, honour and reputation». Le même jour, il sera condamné par la cour de Bambous pour agression. Conseillé par Mᵉˢ Mahendranath Soobhug (avoué) et Yatin Varma (avocat-politicien), qu’il paie rubis sur l’ongle, Franklin poursuit notre journal, et réclame des excuses et des dommages de Rs 25 millions ! Notre seule faute : avoir révélé ses démêlés avec la justice réunionnaise alors qu’il se faisait passer pour «Mr Propre», ici à Maurice, pour tenter d’incriminer Bruneau Laurette dans une affaire de blanchiment, qui faisait campagne contre le régime.

Joint au téléphone, Franklin a alors essayé d’intimider nos journalistes quand on le confrontait aux infos que nos confrères réunionnais nous fournissaient, et selon lesquelles il était loin d’être un enfant de choeur. Mais Franklin pensait qu’il pouvait, malgré ses actes illicites, se la couler douce dans l’Ouest, en faisant du jet-ski à Rivière-Noire, et que ses complices, et lui étaient intouchables parce que certains policiers et politiciens mangeaient dans sa main, ou dans son fast-food.

Dans la plainte contre notre journal, il est stipulé que «plaintiff avers that in truth and in fact (A) He is not involved in any drugs (sic) dealing or trafficking (B) To the best of his knowledge, Plaintiff has never been convicted to undergo any prison sentence in Reunion Island». Qui de Soobhug ou de Varma conseille à Franklin d’affirmer noir sur blanc que «to the best of his knowledge», il n’a pas été condamné ?

Mais ses hommes de loi lui ont sûrement appris qu’il y avait 11 prévenus, des centaines de kilos de zamal cultivés à La Réunion et une revente à plus de deux millions d’euros à Maurice. Qu’il s’agissait d’un trafic juteux réalisé entre 2017 et 2018. Neuf d’entre eux ont été jugés devant le tribunal correctionnel de Saint-Denis. Ne manquait que deux Mauriciens à la barre, «Franklin» et «Nono», qui avaient un mandat d’arrêt au-dessus de leur tête. Le jugement correctionnel émis le 2 juillet 2021 par la cour d’appel de Saint-Denis – et désormais public – rappelle que le mandat d’arrêt avait été émis dès le 13 juin 2019. Le tribunal de Saint-Denis a condamné Franklin et le skipper Jérémy Désiré Décidé (alias Nono), à sept ans de prison dans un jugement prononcé en leur absence.

Questions sans réponse : pourquoi le PMO, l’Attorney General et la police n’avaient pas coopéré avec la commission rogatoire et les autorités réunionnaises ? Vu le contenu du jugement que l’express a révélé, l’avoué Soobhug et l’avocat Varma ne sont-ils pas complices de faux, d’où leur silence ? Quels sont les politiciens de l’Ouest qui ont été financés par Franklin ? Qu’est-ce qui explique le silence quelque peu gêné de l’opposition sur cette affaire ? Combien de personnes ont été arrosées par Franklin ? Qui est le premier bailleur de fonds de Franklin ? Ces questions demeurent sans réponse. Les autorités réunionnaises qui ont déjà une partie du puzzle pourront désormais le reconstituer avec l’arrivée imminente de Franklin...

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Franklin a eu son moment de gloire au Parlement le 28 mars 2023. On pouvait sentir la crispation de la majorité qui ne pouvait plus faire comme si Jean Hubert Celerine et son réseau n’existaient pas. Le speaker avait beau essayer de casser l’élan du leader de l’opposition en évoquant le fait que la PNQ était déjà dans les journaux du matin, personne n’avait pris Sooroojdev Phokeer au sérieux. Sur les conseils de ses stratèges en communication, Pravind Jugnauth a tenté, ce jour-là, de faire d’une pierre deux coups : relier la PNQ et les autres interpellations du PMQT sous une même thématique : drogue et mafia. Il avait pris 70 minutes au total pour expliquer que son gouvernement avait mis sur pied la commission Lam Shang Leen et avait aussi mis en application le rapport Parry sur les courses hippiques, bref qu’ils sont sérieux dans leur combat contre la drogue et la mafia.

Sauf que tout ne s’était pas déroulé comme prévu. À un moment, quand le Premier ministre a évoqué la commission rogatoire, il a perdu son calme quand il a entendu le leader de l’opposition parler d’une «invisible hand» qui protège Franklin des autorités réunionnaises. Plus tard, il devait perdre sa cool attitude quand on lui a brandi des photos de lui avec des prête-noms de Franklin, ou celle de lui avec Dewdanee. Il a alors choisi d’évoquer des photos (qu’il n’avait pas sous la main), dont celle des dirigeants travaillistes avec des trafiquants présumés (il n’a pas nommé Bruneau Laurette) ou celle de la candidate mauve Jasmine Toulouse avec le dénommé Franklin. Pravind Jugnauth parlait à visage découvert, mais, à côté de lui, Alan Ganoo et Steven Obeegadoo avaient choisi de cacher leur expression faciale derrière des masques sanitaires, de même que Maneesh Gobin derrière lui.

Dans le fond, le Premier ministre a quand même avoué que la France avait réclamé, «les 21 et 22 février 2023», l’extradition de Franklin et de Nono. Pourquoi maintenant, s’est étonné Pravind Jugnauth ? Réponse immédiate de Xavier-Luc Duval : «C’est grâce à la presse !» En effet, l’express avait révélé, dès la mi-janvier 2023, les antécédents juridiques de Franklin, (ce qui nous a valu des réclamations de Rs 25 millions de la part du condamné du tribunal de Saint-Denis). La longue tirade du Premier ministre a, du reste, confirmé le lourd dossier de Franklin et les zigzags de nos agences gouvernementales dans ce feuilleton national...