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Affaires en suspens

Quand la justice se perd dans l’attente

6 avril 2024, 19:00

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Quand la justice se perd dans l’attente

De nombreuses affaires sont devant la Cour suprême depuis plus de dix ans.

L’adage «justice retardée, justice refusée» trouve un écho profond dans le paysage judiciaire actuel, reflétant une réalité souvent amère face à laquelle citoyens et juristes sont impuissants. Malgré un ancrage constitutionnel, notamment à travers l’article 10 qui stipule clairement le droit à un procès équitable et rapide, le système judiciaire peine à traduire cet idéal en pratique.

Cette réalité se manifeste à travers les interminables délais de traitement des affaires et l’attente, souvent désespérée, des jugements. Dans certains cas, le verdict est rendu avec tellement de retard qu’il perd toute pertinence. Il y a aussi les cas d’accusés qui attendent parfois plus longuement que la peine de prison elle-même pour les crimes commis. Malgré des appels répétés et la reconnaissance de ce problème à tous les niveaux du système judiciaire, une réforme effective se fait toujours attendre. Revenons sur certaines de ces affaires qui attendent toujours un dénouement...

Contestation du renvoi des municipales : aucun verdict jusqu’à présent

La Cour suprême a examiné, le 16 novembre, soit cinq mois après la déposition de la première plainte constitutionnelle, la contestation de la validité de la Local Government (Amendment) Act 2023, relative au report des élections municipales, notamment celle de Rajen Valayden. Cinq mois après, le verdict sur cette affaire de portée constitutionnelle, qui relève tout de même d’une urgence, est toujours attendu.

La Cour suprême a examiné une deuxième demande le mois dernier, celle d’Ashley Ramdass, et le jugement a aussi été mis en délibéré. Les demandes déposées par le Mouvement militant mauricien et Linion Pep Morisien en sont toujours au stade des échanges de documents devant la Masters Court.

Le mandamus déposé par le pandit Vivek Pursun le 15 septembre dernier, pour obtenir l’autorisation de demander une révision judiciaire dans l’affaire de l’octroi du bail de 733 arpents de terres de l’État à l’Eco Deer Park Association, est autre affaire qui se fait attendre. Devant être fixée pour être entendue sur le fond depuis le premier trimestre, l’affaire a finalement été renvoyée au 25 septembre pour des débats sur d’autres points préliminaires.

Le bureau DPP sous celui de l’AG : une bataille juridique depuis 2015

En juin 2015, le Directeur des poursuites publiques (DPP) d’alors, Me Satyajit Boolell, Senior Counsel, avait déposé une plainte pour contester la mise sous tutelle de son bureau par celui de l’Attorney General (AG), en vertu d’une décision du Conseil des ministres le 27 février 2015. Neuf ans après, cette affaire, qui relève une fois de plus des pouvoirs constitutionnels et de l’indépendance du bureau du DPP, est remise en question et elle n’a toujours pas été examinée par la Cour suprême. Me Satyajit Boolell a eu le temps de prendre sa retraite. Son successeur, Me Rashid Ahmine, a signifié son intention de poursuivre l’affaire mais il se heurte toujours aux objections de l’État et de l’AG qui, lors d’une audience, se sont opposés aux amendements proposés par le DPP pour ajouter la Financial Crimes Commission à sa plainte. Alors que la Cour suprême est appelée à trancher sur les pouvoirs constitutionnels du DPP après plusieurs affaires déposées par le commissaire de police (CP), Anil Kumar Dip, cette importante affaire est toujours en suspens.

Onze ans après : statu quo dans la bataille juridique sur la carte biométrique

Cela fait 11 ans que Me Neelkanth Dulloo s’est lancé dans une bataille juridique contre l’État pour contester la constitutionnalité de la carte d’identité biométrique introduite en 2013. Plus d’une décennie après, le judiciaire n’a toujours pas pu se prononcer sur cette affaire qui relève des droits constitutionnels d’une personne alors que le gouvernement s’apprête à introduire une nouvelle carte d’identité. L’affaire est toujours au stade des débats sur des objections préliminaires. Au final, pendant 11 ans, cette affaire s’est limitée à des plaintes amendées et à des objections soulevées par l’État à tous les niveaux. Après toutes ces années, la contestation de Me Neelkanth Dulloo verra-t-elle une suite ou l’avocat finira-t-il par retirer sa demande, avec la possibilité qu’elle ne soit plus valide avec l’introduction d’une nouvelle carte d’identité ?

L’affaire Sun Tan : toujours pas résolue

Le 22 juin 2017, Me Satyajit Boolell avait obtenu l’autorisation de la Cour suprême de recourir à une révision judiciaire de la décision de l’Independent Commission against Corruption (ICAC) de le convoquer pour un interrogatoire dans l’affaire Sun Tan. Six après, en mai 2022, après que les défendeurs ont déposé leur premier affidavit, l’ex-DPP avait formulé une motion. Il avait réclamé que l’ICAC fournisse des explications «précises et complètes» des faits qu’il avait détaillés dans un affidavit le 29 juin 2017. La cour n’avait pas accédé à sa motion. Cette affaire a pour origine, une enquête de la commission anticorruption sur les irrégularités alléguées entourant le loyer que devait payer la compagnie Sun Tan Hotels Pty Ltd, dont l’ex-DPP était l’un des directeurs. Elle n’a toujours pas été examinée sur le fond après six ans et sera appelée le 21 mai devant la Cour suprême.

Rapport de la commission d’enquête sur la drogue

Douze personnes avaient contesté les conclusions du rapport de la commission d’enquête sur la drogue présidée par l’ancien juge Paul Lam Shang Leen. Ce dernier avait pour assesseurs l’ancien ministre Samioullah Lauthan et l’Acting Director, Health Services, Ravind Kumar Domun. Plus de six ans après, deux avocats sont toujours dans l’attente que la Cour suprême statue sur leurs cas respectifs. Il s’agit de Me Shameer Hussenbocus et de Me Vikash Rampoortab.

L’«Immigration Act 2022» au centre d’une contestation Dans le cadre de la campagne contre les contraintes du droit de se marier, de fonder une famille et de vivre dans un pays d’où vient l’un des couples mariés, Lindsey Collen a déposé en Cour suprême en octobre 2022 une contestation constitutionnelle des nouvelles dispositions de l’Immigration Act 2022, notamment celles concernant la Citizenship Act. La décision concernant la plainte constitutionnelle a été mise en délibéré l’année dernière et le verdict est toujours attendu. Lindsey Collen demande à la Cour suprême de déclarer nulles les clauses de l’Immigration Act de 2022 et de la Mauritius Citizenship Act.


Ces autres cas récents qui traînent

Par ailleurs, il existe aussi d’autres cas déposés devant la Cour suprême il y a un an qui attendent toujours un dénouement en dépit de leur importance. Le CP a déposé en mars dernier la demande de révision judiciaire contre la libération conditionnelle accordée à Bruneau Laurette. S’en est suivie la plainte constitutionnelle contre les pouvoirs du DPP. Ce n’est qu’un an après que la Cour suprême a examiné la demande de révision judiciaire déposée par le CP, cela, pour établir dans un premier temps si sa demande n’a pas été faite hors du délai prescrit par la loi. Lors des débats, les pouvoirs constitutionnels du CP et du DPP ont été mis en avant alors qu’une décision de la cour est aussi attendue. Il importe de souligner que cette affaire a aussi été examinée après un an. Les jugements sont toujours attendus. D’autre part, les autres demandes de révision judiciaire concernant les affaires d’Akil Bissessur, de Sherry Singh et de Chavan Dabeedin n’ont toujours pas été examinées sur le fond.

D’autres procès devant la Financial Crimes Division (FCD), notamment celui du fils du CP, Chandra Prakashsingh Dip, qui n’a toujours pas démarré après plus d’un an alors qu’après dix ans, Navin Ramgoolam fait face à un nouveau procès pour paiement excédentaire devant la FCD. Il lui est reproché d’avoir accepté Rs 63,8 millions en espèces en six ans, soit du 31 janvier 2009 au 7 février 2015. Navin Ramgoolam avait fait face à un premier procès dans l’affaire devant la cour intermédiaire sous les mêmes 23 accusations de paiement excédentaire. Cette instance les avait rayées et avait conclu qu’elles étaient «vagues et incertaines». Encore un procès qui pourrait durer encore des années