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Énergie

Quand la STC et le CEB utilisent la loi à leur guise

26 septembre 2023, 19:00

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Quand la STC et le CEB utilisent la loi à leur guise

En n’étant pas soumis à la «Public Procurement Act», le CEB et la STC n’ont pas à passer par le Central Procurement Board.

La «Public Procurement Act» n’est pas applicable pour les achats de carburant et d’énergie solaire, disent respectivement la State Trading Corporation et le Central Electricity Board. Pourtant, ils l’ont bien utilisée, puis l’ont laissée tomber pour des raisons obscures…

Si, si le Central Electricity Board (CEB) et la State Trading Corporation (STC) ne sont pas tenus de se soumettre à la Public Procurement Act (PPA), c’est juste pour leur permettre de ne pas passer par le Central Procurement Board (CPB). Cependant, rien ne les empêche de faire le choix du meilleur soumissionnaire en ayant recours à des appels d’offres, comme ils viennent de le faire, mais en allant jusqu’au bout, en respectant toutes les règles contraignantes de la PPA; bref, en agissant comme l’aurait fait le CPB. Car les appels d’offres servent à assurer la transparence lorsqu’il s’agit des fonds publics.

C’est ce qui avait été convenu depuis le fameux jugement de la Cour suprême dans l’affaire STC vs Betamax. Et feu le ministre du Commerce Ashit Gungah l’avait annoncé lui-même, le 16 juillet 2019, au Parlement en réponse à une PQ d’Aadil Ameer Meea (B/656) : «… on 31 May 2019, the Supreme Court, in the case of STC v/s Betamax Ltd, set aside the award of the Singapore International Arbitration Centre and provided guidance on the application of the Public Procurement Act (PPA). Subsequently, STC sought the advice of the State Law Office on the procurement proceedings that should be followed by the Corporation. As per advice obtained, the procurement procedures set out in the Public Procurement Act (PPA) have to be followed by the STC.»

Le 15 septembre 2022, la STC lance un appel d’offres pour l’achat de produits pétroliers et reçoit cinq offres. Cependant, elle décide – on ne sait pas exactement quand – de porter son choix sur MMG, un fournisseur qui n’a pas pris part à l’appel d’offres. Pour justifier ce contournement de l’appel d’offres, la STC avance, entre autres, que de toute façon, elle n’était pas tenue de se conformer à la PPA. Contredisant ainsi elle-même, l’ex-ministre Gungah et la Cour suprême.

Idem pour le CEB. Il lance le 18 mars 2022 un appel d’offres et choisit Qair et Corex Solar pour la fourniture d’énergie solaire. Lorsque Corex Solar change une de ses propositions après avoir obtenu le contrat, le CEB accepte, même si en ce faisant, il aura faussé le jeu surtout vis-à-vis des autres soumissionnaires. C’est en tout cas l’avis du Senior Counsel Ravind Chetty. Toutefois, pour justifier l’acceptation de la nouvelle condition de Corex Solar (changement de site d’opération), un second avis légal sollicité se souvient alors que l’institution n’était pas obligée de se conformer à la PPA. Ici aussi, le CEB aura mal compris le jugement de la Cour suprême. En excluant (mal) la PPA, le CEB et le ministre Lesjongard continuent cependant à invoquer l’appel d’offres effectué en vertu de la PPA (mais sans l’implication du CPB) en rappelant que Corex Solar et Qair étaient les «lowest bidders». «It’s getting the best of both worlds», commente la députée du MMM Joanna Bérenger.

Mais il y a plus. Pourquoi avoir lancé un appel d’offres pour ensuite le contourner ? Dans le cas du CEB, il semble que c’est «l’imprévisible» demande de changement de site d’exploitation de la part de Corex Solar qui aurait provoqué ce désistement, après coup, de la PPA. Et pour l’appel d’offres lancé par la STC, pourquoi l’avoir renié pour choisir MMG ? Selon la STC, elle s’est rendu compte surtout que les prix offerts ailleurs – notamment par MMG – étaient inférieurs à ceux offerts par les cinq soumissionnaires.

Mais pour le député travailliste Ehsan Juman, il se pourrait que la STC ait lancé l’appel d’offres juste pour connaître les prix et autres conditions offerts sur le marché pour ensuite se rabattre sur un autre fournisseur. Bref, la stratégie de la STC était préméditée selon lui et destinée dès le départ à contourner l’appel d’offres par des moyens qui, s’ils ne sont pas actuellement illégaux, devraient l’être à l’avenir, nous dit un avocat.

Joanna Bérenger nous rappelle que presque le même schéma dont parle Ehsan Juman a été utilisé pendant le Covid-19 : on utilisait Kistnen qui cotait plus cher pour permettre à des amis et copines de rafler les contrats. Ehsan Jumanse pose une autre question : Qui a négocié? On ne le sait, ni le prix payé, ni d’autres conditions. L’appel d’offres qui allait fournir toutes ces informations n’aura été donc qu’un écran de fumée. «Qui nous dit que les soumissionnaires et autres, y compris MMG, n’auraient pas révisé leur prix et autres conditions de paiement ?», se demande Ehsan Juman. «Pourquoi ne pas avoir relancé l’appel d’offres avec les nouveaux critères ?»

La PPA et le jugement Betamax de la Cour suprême du 31 mai 2019 auront donc permis à la STC et au CEB de faire des choses encore plus graves en leur accordant la liberté d’utiliser l’appel d’offres ou non, ou plus grave, en utilisant la PPA pour ensuite la rejeter ou en appliquant la PPA partiellement. Rappelons-nous des procédures d’urgence justement évoquées par l’ex-ministre Gungah pour accorder le contrat de fourniture de carburant de mauvaise qualité à Vitol Bahrain. Il y aurait donc une autorité supérieure à nos lois mais agissant dansl’ombre qui dicte s’il faut suivre jusqu’au bout l’appel d’offres ou le rejeter in toto ou partiellement. Et cette autorité, c’est le conseil d’administration de ces institutions, cette entité impersonnelle, parfois floue qui échappe presque toujours aux poursuites.

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Intérêt national

Pour justifier le recours à MMG, Rajiv Servanisgh avançait comme autre argument l’intérêt national «et pas nécessairement celui de la STC» avec la possibilité de payer MMG en roupies. Et qu’ainsi, la STC aurait libéré le marché de l’achat par elle d’environ 15 millions de dollars. Si le CEB, lui, avait «contourné» l’appel d’offres comme la STC en accordant le contrat de production d’énergie solaire aux entreprises locales à la place de Qair et de Corex Solar, il aurait pu lui aussi plaider l’intérêt national, car les devises étrangères seraient restées au pays et non rapatriées par l’opérateur étranger Corex Solar. Or, le CEB ne l’a pas fait. Pourtant, il n’hésite pas à parler d’intérêt national pour «sauver» le contrat avec Corex Solar.

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International Arbitration Act: une loi ôtant notre souveraineté juridique

Il faut noter que la partie du jugement STC vs Betamax de la Cour suprême du 31 mai 2019, qui recommandait aux compagnies comme la STC (et le CEB) de suivre les procédures de la PPA, n’a pas été renversée le 14 juin 2021 par le Privy Council. Si ce dernier a donné raison à Betamax, c’est en se basant sur l’International Arbitration Act votée en 2008 par le Parlement mauricien: «The Board therefore considers that the Supreme Court was in error in reviewing the decision of the Arbitrator […] That decision was final and binding on the parties and therefore no issue arose under section 39(2) (b) ( ii ) of the International Arbitration Act…» Car il faut savoir que cette loi de 2008 (voir l’express du 30 juin 2021) «condamnait d’avance tout recours contre une décision arbitrale». Cette loi laisse le pays à la merci de tout contrat qui contient une clause où tout litige devrait être réglé devant un tribunal d’arbitrage et dont la conclusion, comme le rappellent les Law Lords, est finale. La commission d’enquête sur l’octroi de ce contrat à Betamax de même que le vote de cette loi qui empêche notre Cour suprême d’intervenir est en cours. On pense d’ailleurs que ces conclusions pourraient servir au gouvernement contre les travaillistes.