Publicité

Quand l’Amérique ferme les vannes…

30 janvier 2025, 05:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Depuis que l’administration Trump a annoncé son intention de mettre fin à l’aide étrangère, une onde de choc silencieuse parcourt le monde. Maurice, (qui attend, impuissante, la réponse du Pentagone par rapport au projet d’accord avec la Grande-Bretagne sur les Chagos), et le continent africain, riche de ses potentialités mais fragile lui aussi dans ses dépendances, ressentent déjà le souffle froid d’une politique marquée par l’indifférence. Sous le diktat de l’idéologie America First, l’arrêt de l’aide internationale ne se limite pas à un simple réajustement budgétaire : c’est un coup de massue pour des régions entières où chaque dollar reçu est un pas vers un avenir meilleur.

Pour Maurice, l’aide américaine a rarement été directe, mais son influence sur des dossiers cruciaux, comme celui de Diego Garcia, reste omniprésente. Alors que le pays attend une avancée diplomatique dans son différend historique avec le Royaume-Uni, la posture trumpienne complique davantage un équilibre déjà précaire. Diego Garcia demeure une pièce maîtresse du jeu géopolitique entre Washington et Pékin. Sous Trump, les intérêts américains risquent de primer sur les aspirations mauriciennes à la souveraineté sur l’ensemble des Chagos. À constater déjà quelques Dirty Tricks et autres prétextes par rapport à nos liens insignifiants avec l’Iran.

La doctrine transactionnelle de Trump favorise des accords bilatéraux qui privilégient le pragmatisme brut sur les principes de justice internationale. Si l’administration précédente avait ignoré les recommandations de la Cour internationale de justice, un retour de Trump pourrait enterrer les espoirs de Maurice, au profit d’une alliance renforcée entre les États-Unis et le Royaume-Uni. Dans cette logique, Maurice ne serait qu’un pion sur un échiquier où seules les grandes puissances dictent les règles.

L’Afrique, de son côté, voit dans l’arrêt de l’aide étrangère américaine un retour brutal à une réalité impitoyable. Des décennies de dépendance, notamment dans les domaines de la santé et de l’éducation, laissent des pays vulnérables face aux crises. La récente flambée du virus de Marburg en Tanzanie en est une illustration poignante. Sur les dix cas suspectés, neuf personnes ont péri, révélant l’importance cruciale des infrastructures sanitaires. Ces mêmes infrastructures, souvent modernisées grâce à des financements internationaux, risquent de s’effondrer sous le poids du désengagement américain.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : dans certains pays africains, l’aide étrangère représente jusqu’à 20 % du PIB. Elle finance des écoles, des hôpitaux, des routes, des projets d’eau potable. Sa disparition ne laissera pas un vide temporaire, mais un gouffre béant que seuls des partenariats stratégiques – souvent coûteux et politiquement risqués – avec des acteurs comme la Chine ou la Russie pourraient combler. Mais à quel prix?

L’arrêt de l’aide étrangère ne sera pas sans conséquence pour les États-Unis eux-mêmes. En fermant les robinets du financement, Washington court le risque d’accroître l’instabilité régionale en Afrique et dans l’océan Indien. Crises sanitaires, migrations massives, conflits : ces défis, amplifiés par le manque de soutien, ne respectent pas les frontières. Comme l’ont montré Ebola et le Covid-19, les épidémies n’épargnent personne.

De plus, un désengagement dans les infrastructures africaines pourrait freiner les échanges commerciaux mondiaux, affectant directement les économies exportatrices. Maurice, en tant que plaque tournante entre l’Afrique et l’Asie, verrait ses ambitions économiques ralenties, sinon compromises.

Dans cette ère d’égoïsme national, Maurice et l’Afrique devront redoubler d’efforts pour cultiver une résilience régionale. Mais cette transition prendra du temps, et le poids financier sera écrasant. Les petites nations insulaires, particulièrement vulnérables au changement climatique, se retrouveront isolées dans leur quête d’adaptation avec le deuxième retrait des États-Unis de l’Accord de Paris sur le climat. Ce retrait pourrait avoir des conséquences plus profondes, puisqu’il prendra effet plus rapidement, et intervient à un moment où le nouveau président a plus d’alliés d’extrême droite aux États-Unis et à l’étranger.

L’heure est donc venue pour une redéfinition de la solidarité internationale. Si les grandes puissances, sous la houlette de dirigeants comme Trump, choisissent de tourner le dos aux nations en développement, elles ignorent un principe fondamental : dans notre monde interconnecté, l’indifférence a un coût. Et ce coût, qu’il soit économique, climatique, sanitaire ou humain, sera bien plus élevé que les économies réalisées.

Face à cette nouvelle donne, Maurice devra, plus que jamais, jouer habilement ses cartes. Diego Garcia reste un symbole, non seulement de souveraineté, mais aussi de justice pour les Chagossiens exilés. L’arrêt de l’aide étrangère n’est qu’un volet d’une politique plus large où les petites nations risquent d’être oubliées. Mais l’histoire montre que la ténacité et l’ingéniosité des peuples insulaires peuvent déjouer les pronostics.

En somme, la fin de l’aide américaine est un rappel brutal : Maurice et l’Afrique ne peuvent compter que sur elles-mêmes, si tant qu’on cultive les liens intra-africains, qu’on règle les bons comptes comme de bons amis et qu’on participe activement aux sommets de l’Union africaine et des organisations sous-régionales comme la SADC et le COMESA, comme Navin Ramgoolam entend le faire. La solidarité internationale, loin d’être un luxe, est une nécessité. Il faut se constituer en réseaux pour contrer les menaces transfrontalières. Laisser tomber les plus vulnérables, c’est affaiblir l’humanité tout entière…

Publicité