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Meurtre de la russe Zaliia Shamigulova

Quand le cœur perd la tête…

25 août 2024, 18:40

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Quand le cœur perd la tête…

L’atrocité de ce crime passionnel a choqué les Mauriciens, mais également les étrangers, l’affaire ayant été relayée par la presse internationale. La famille de la victime, dévastée, crie également sa colère. Qu’est-ce qui a bien pu se passer dans la tête du meurtrier, décrit comme quelqu’un de calme, pour qu’il assène 12 coups de couteau à une jeune femme qui respirait la joie de vivre ?

C’est au début du mois de juin que Zaliia Shamigulova, une Russe ayant grandi en Afrique du Sud, est arrivée à Maurice pour trois mois de vacances. Après son séjour chez nous, elle prévoyait de se rendre à Madagascar. Amoureuse de la nature et des différentes cultures, elle était prête à découvrir notre paradis. Loin de se douter qu’elle allait vivre un enfer…

C’est sur Tinder que Zaliia a fait la connaissance de Pooryavirsingh Soondur, aussi connu sous le nom de Pravesh, un informaticien de 29 ans. Très vite, Pravesh – qui croyait qu’elle était venue à Maurice uniquement pour le rencontrer – est tombé éperdument amoureux de la jeune femme. Mais ce n’était pas réciproque. Zaliia avait d’autres amis qu’elle rencontrait régulièrement, ce qui rendait Pravesh fou de jalousie.

Apprenant que Zaliia allait rencontrer d’autres hommes pour prendre un verre, Pravesh est entré dans une rage incontrôlable. Il avait déjà confié à ses proches son désir d’épouser la jeune femme, qu’il considérait comme l’élue de son cœur, son âme sœur. Pravesh, décrit comme très intelligent, est issu d’une famille respectable de Quatre-Bornes et il avait un avenir prometteur. Depuis son enfance, il ne faisait jamais les choses à moitié. Il est de nature tranquille, selon ses amis. Très proche de sa famille, sa vie a pris un tournant lorsqu’il a croisé la route de Zaliia sur l’application de rencontres. Bien qu’il ait eu d’autres relations auparavant, aucune n’avait vraiment abouti...

Obsédé par l’idée que si Zaliia ne l’aimait pas, il a dû se dire qu’elle n’aimerait personne d’autre. Pravesh a inondé le téléphone de la jeune femme de messages la semaine précédant le drame, lui déclarant sa flamme. Mais Zaliia demeurait indifférente, le considérant comme un simple ami. Finalement, samedi vers 10 h 30, cédant face à son insistance, elle a accepté de le rejoindre pour une randonnée. Avant de partir, elle a informé ses proches qu’elle allait faire du hiking avec un ami et qu’elle les recontacterait à son retour. Ne se doutant pas alors qu’elle s’en irait pour toujours…

Lorsque Zaliia n’est pas rentrée en début de soirée, son amie s’est inquiétée. Ne parvenant pas à la joindre, elle a attendu jusqu’à dimanche avant de se rendre compte que quelque chose n’allait pas. Lundi matin, elle a signalé la disparition de Zaliia à la police de Flic-en-Flac. Grâce à la plaque d’immatriculation du véhicule avec la jeune femme à son bord samedi matin, les enquêteurs ont pu remonter juqu’à Pravesh Soondur. Lors de son premier interrogatoire, il a affirmé avoir déposé Zaliia à Forest-Side après leur sortie. Deux autres amis de Zaliia ont également été interrogés, mais tous ont été autorisés à rentrer chez eux après leur audition.

Par la suite, la voiture de Pravesh a été réquisitionnée ainsi que son téléphone. Des traces de sang ayant été découvertes dans le véhicule, cela a conduit la police à l’interroger une nouvelle fois. Confronté aux preuves, il a fini par avouer le meurtre. Il a expliqué avoir tué Zaliia dans un accès de colère avant de l’enterrer sur un terrain en friche à La Marie. Pourtant, les enquêteurs soupçonnent un acte prémédité, car la veille, Pravesh avait acheté une pelle, une pioche et un couteau, celui ayant servi à poignarder la victime à pas moins de 12 reprises.

La police suspecte qu’une dispute aurait éclaté entre eux et que Pravesh aurait conduit Zaliia sur son lieu de travail à Forest-Side, où il l’aurait tuée. Des traces de sang ont également été retrouvées sur place. Après le meurtre, il aurait transporté le corps à La Marie, déshabillant la jeune femme, pour brouiller les pistes, avant de l’enterrer.

Mercredi soir, les recherches ont permis de retrouver son corps. L’autopsie, réalisée jeudi, a conclu que Zaliia est décédée des suites de multiples coups de couteau. Son corps a été remis à l’équipe d’Al Ihsaan vendredi, pour les besoins du rapatriement.

Les enquêteurs pensent que Pravesh n’a pas agi seul, mais il affirme avoir commis le meurtre en solo. Il a comparu en cour jeudi sous une charge de meurtre. La police a objecté à sa libération sous caution et il a été reconduit en cellule.

En attendant, cet amour obsessionnel qui s’est transformé en haine a brisé sa vie et anéanti celle de Zaliia, qui rêvait de continuer à parcourir le monde…

L’image de maurice écornée

Des meurtres portent atteinte à l’image de Maurice, surtout dans un contexte où elle est souvent perçue comme une destination touristique paisible. Le meurtre de cette ressortissante russe, qui s’ajoute à d’autres événements violents récents, risque de renforcer les perceptions négatives de la sécurité du pays, tant pour les résidents que pour les visiteurs étrangers.

Plusieurs médias internationaux, dont le Daily Mail, ont relayé ce drame. Après le meurtre de Michaela Harte, survenu lors de sa lune de miel dans un hôtel à Grand-Gaube le 10 janvier 2011, de nombreux journaux étrangers avaient dépeint une image sombre de l’île paradisiaque qui faisait autrefois rêver les touristes. Même les Mauriciens établis en Irlande avaient alors été victimes de la haine de certains locaux. Treize ans plus tard, la presse internationale continue de suivre cette affaire avec intérêt.

Le corps de cette jeune enseignante irlandaise avait été découvert dans la baignoire de la chambre 1025. La police avait procédé à l’arrestation de quatre suspects, mais l’un d’eux devait par la suite devenir le témoin principal, tandis que deux autres furent acquittés et les charges contre le quatrième abandonnées en 2013. L’affaire a repris en 2014 à la demande du Directeur des poursuites publiques et, après une énième réouverture de l’enquête en 2022, un des suspects a été de nouveau arrêté. Malgré ses protestations d’innocence, l’affaire est toujours en cours. La cour doit statuer sur la motion de radiation des charges le 26 septembre.

Un autre meurtre marquant est celui de Janice Farman, une Écossaise de 47 ans, qui travaillait pour une société à Quatre-Bornes. En juillet 2017, elle a été tuée lors d’un cambriolage qui a mal tourné, sous les yeux de son fils adoptif, alors âgé de 10 ans et atteint d’autisme. Ce dernier a témoigné, indiquant que trois individus venaient régulièrement chez sa mère pour des soirées de beuverie. Le jour du drame, il avait reconnu la voix de l’un d’eux. Les trois jeunes hommes ont été arrêtés. L’un d’eux a plaidé coupable.

Me Shakeel Mohamed, avocat de la famille de la victime :

«C’est quoi toutes ces questions qui insinuent que ces deux filles sont venues à Maurice pour se prostituer ?»

Les services de Me Shakeel Mohamed ont été retenus par la famille de la ressortissante russe Zaliia Shamigulova, décédée dans des circonstances tragiques à Maurice. Cependant, l’avocat ne cache pas son mécontentement et son dégoût quant à la manière dont l’enquête est menée. Interrogé par l’express, il exprime ses réserves sur le traitement accordé à cette affaire, soulignant des questions préoccupantes posées par les enquêteurs. «On laisse la police faire son travail et on assiste les enquêteurs en leur donnant des informations requises sur la défunte. Mais la famille trouve inacceptable les questions adressées à l’amie de la défunte, qui aide la police mauricienne.»

Selon les informations recueillies, les autorités mauriciennes auraient interrogé l’amie de la défunte sur des aspects personnels et financiers de leur vie. «Comment gagnez-vous votre vie et idem pour votre défunte amie ? Vous touchez combien par mois et avec quels moyens avez-vous payé votre voyage à Maurice ? Aviez-vous les moyens ? Avez-vous des amis masculins et pourquoi vous fréquentez des hommes ?» Ce qui a provoqué l’indignation de la famille de la victime et de l’avocat, qui dénonce ce qu’il perçoit comme des «insinuations inappropriées et sexistes*».
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«C’est quoi toutes ces questions qui insinuent que ces deux filles sont venues à Maurice pour se prostituer ou agir comme escorts ? Je suis sûr qu’on n’aurait pas demandé aux membres de la famille d’un homme assassiné la raison de son voyage ou s’il était un gigolo, non ?» lâche Me Mohamed avec véhémence, en soulignant la gravité de la direction que prend l’enquête. Il défend la réputation de la victime de 29 ans, affirmant qu’elle vient d’une famille respectable et qu’elle exerçait une professionnelle accomplie. «Elle était lecturer à distance, consultante et avait sa propre société. Elle gagnait très bien sa vie, tout comme son amie. Les deux avaient des revenus mensuels et ce ne sont pas des prostituées», insiste-t-il.

lexp (37).jpg C’est à La Marie que le corps de Zaliia Shamigulova a été enterré. Malade de jalousie, le tueur, Pravesh Soondur, ne supportait pas le fait que cette jeune femme, qui dévorait la vie, ne partage pas ses sentiments qui avaient viré à l’obsession…

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L’avocat exprime également son exaspération face à ce qu’il considère comme la curiosité malsaine de certaines personnes qui *«nous dérange, moi et la famille. Ce sont des perceptions mal conçues et je dis, enough is enough. Si certains pensent qu’une touriste blanche voyage à Maurice pour des plaisirs sexuels, je dirai à ces personnes de se faire soigner par un psychologue ou un psychiatre. Ce sont des malades. D’ailleurs, c’est ce raisonnement qui a provoqué sa mort. Quand va-t-on comprendre que non veut dire non ? Si la victime a dit non à cet homme qui l’a tuée, cela veut dire non !»

Selon la presse russe, Zaliia Shamigulova était originaire de la ville de Bashkir et avait fait des études à la South Ural State University où elle a obtenu une maîtrise en ressources humaines. Fin avril, elle avait quitté son emploi en Afrique du Sud pour prendre une pause. Après quelques jours de vacances à Cape Town, elle est arrivée à Maurice. Son frère a précisé aux médias qu’elle n’avait que des amis mauriciens et aucun partenaire romantique local et ses amis confirment qu’elle souhaitait explorer de nouvelles cultures et avait développé une véritable passion pour Maurice. Elle faisait régulièrement des randonnées.