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Réunion au no18 (Belle-Rose–Quatre-Bornes)

Quand le coq joue au chat et à la souris

9 octobre 2024, 21:52

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Quand le coq joue au chat et à la souris

L’Union entre les coqs et le parti soleil avait été annoncée quelques heures seulement auparavant. Et, dans la salle municipale du Pavillon, à Quatre Bornes, à 18 h 30, Xavier-Luc Duval, Kavy Ramano et le nouveau venu, Arvind Sakeesingh, partageaient la même estrade en ce lundi 17 octobre. Inside story.

Le sourire était plutôt contrit, les traits quelque peu tirés, sans doute est-ce en raison de la fatigue après cette journée de «mariage». Les jambes croisées, la tête penchée sur sa tablette, le leader du Parti mauricien social démocrate (PMSD) participait à la première réunion d’activistes dans la circonscription no18, Belle Rose–Quatre-Bornes. Dans la salle, sur des chaises rouges ou debout, environ 150 personnes étaient venues écouter les orateurs de l’Alliance Lepep. Parmi l’assistance : surtout du bleu, de l’orange ici et là. Une vuvuzela sortira comme par magie des plis du sari orange d’une partisane. Des «koze nani» appréciateurs se feront entendre au milieu des clameurs.

«Sirkonskripsion 18 bien konvwate. Pa kone kifer tou dimounn rod vinn poz dan 18 ; kapav ena boukou zoli garson isi», lancera d’emblée Kavy Ramano, en guise de boutade. «Get sa kantite dimounn isi dan lasal-la, zis pou enn renion aktivis. Kapav lot kout nou pou bizin fer sa dan enn stad bann kamarad, asak fwa mo dir sa Monsieur le maire…»

«Monsieur le maire» de Quatre Bornes, Dooshiant Ramluckhun, avait lui aussi pris place sur l’estrade. Durant une conversation à l’extérieur, peu avant le début de la réunion, nous lui demandions si c’était lui qui avait décroché le troisième ticket. «Non. Me mo kapav dir ou mo touzour dan lakours…» Où, si ce n’est dans «sa» ville ? Quelle course ? Une autre qui sera courue au Champ-de-Mars ? La réponse : un sourire bienveillant, le maire de la ville des fleurs étant toujours, malgré tout, disponible et avenant quand il s’agit de répondre aux sollicitations.

Les civilités d’usage entre «honorables» seront également échangées lorsque Kavy Ramano présentera le troisième candidat de Lepep, qui rejoint les rangs du MSM et qui briguera les suffrages au no18 : le Dr Arvind Sakeesingh. Est-il un «dokter san soulie» comme l’ont allégué des internautes ? «Je ne suis pas enregistré auprès du Medical Council mais j’ai étudié la médecine et je possède un PhD, d’où le titre de docteur. J’ai mon personnel médical qui travaille avec moi», nous a-t-il confié au téléphone hier. Ce «praticien de médecine alternative», selon son profil, manierait les aiguilles avec dextérité puisque spécialiste de l’acupuncture. De quoi piquer au vif la curiosité et il nous a promis une interview dans les jours qui viennent.

Arvind Sakeesingh est originaire de Palma, n’est pas étranger au travail social, est à la tête de son entreprise, Adi Medicals Ltd. L’intro sur la page Facebook de sa compagnie liste ceci : «Thermometers Contactless – Disposable Face Mask – Pocket Hand Sanitizer – wound management consumables.» La mission de ce «zanfan landrwa» ? Convaincre et obtenir les votes des habitants de La Source, Bassin et autres, qui font partie – avec ceux de Résidence Kennedy – des 17 000 nouveaux électeurs qui voteront au no18 dans le sillage du redécoupage électoral.

Au micro, Arvind Sakeesingh a confié qu’il avait été approché il y a «2-3 semaines de cela» par Kavy Ramano, qui lui a demandé s’il voulait être candidat au no18 sous la bannière de l’Alliance Lepep, «li ti dir mwa ki ena enn for posibilite ki pou ena Lonorab Xavier (…)». Lors de son discours, le Dr Sakeesingh, pas encore tout à fait rôdé semble-t-il à cet exercice, commettra un lapsus : «(…) Enn sans zot ena enn gouvernman sou le Premie minis, ki ‘‘insansib’’ à la demande bann sitwayin (…)» (https://www.facebook.com/ share/v/e2oQtvtWUwxKY1NN/) (écouter à partir de 2m49).

Lui succédant au pupitre, après avoir félicité Arvind Sakeesingh d’avoir «kas pake» pour son premier discours politique et sous les applaudissements nourris, Xavier Luc Duval. Le député, qui se présente dans la circonscription pour la cinquième fois, avait été élu en troisième position lors des législatives de 2019 – derrière Arvin Boolell et Kavy Ramano – avec 39,8 % des voix. Celui qui avait divorcé du MSM en 2016 à cause du Prosecution Bill, qui allait porter atteinte aux libertés du Directeur des poursuites publiques, est revenu à de meilleurs sentiments et a bien voulu donner une nouvelle chance à son «ex», l’union ayant été officiellement scellée face à la presse dans la matinée de lundi.

Qu’est-ce qui explique ce regain de flamme ? Le chef de file du parti du coq a déclaré : «Nou rann a César seki apartenir a César. Nou rekonet travay masif, masif, inegale, ki gouvernman finn fer o nivo infrastriktir (…)» Pourtant, lorsqu’il était leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval avait notamment interpellé le ministre Bobby Hurreeram, lors d’une Private Notice Question, en novembre 2023, sur les inondations survenues le long de l’Old Moka Road, et qui avaient eu «la peau» du mur du cimetière St-Jean, qui est toujours en réparation à ce jour.

Dans son allocution lundi, le patron des Bleus a aussi vanté avec conviction les mesures sociales «inégalées» du gouvernement sortant, y compris l’annonce de la gratuité des médicaments en cas de prochain mandat. De mettre l’accent ensuite sur l’augmentation de la pension de vieillesse qui passera à Rs 20 000 si Lepep revient au pouvoir. «Eski nous anvi gagn Rs 20 000 ? Wi.» De poursuivre sur un ton mi-sérieux, mi-badin que son épouse – «Madam ousi finn gagn so laz» – et lui seront ravis de toucher Rs 60 000 à la fin de l’année. «Rs 15 000 pou li, Rs 15 000 pou mwa ek 13e mwa la fin lane, fer ou Rs 60 000.» Que pense l’expert comptable de la dépréciation de la roupie, de la hausse du coût de la vie, maintenant qu’il a changé de camp ?

Des questions que nous avons tenté de lui poser à l’issue de la réunion. S’il nous a accueillis avec le sourire et qu’il a accepté d’y répondre au départ, il a changé d’avis en cours de route. Que répond-il aux mandants du no18 et aux Mauriciens qui l’accusent de «haute trahison» ? D’avoir «avalé son amour-propre» ? «Nou devan bann mandan-la, to pe koz ‘haute trahison’. Pran rande-vou pou bann kestion», a-t-il répondu, en abaissant la caméra d’un geste de la main (https://www.facebook.com/ share/v/bRUctfSviK7tFGG9/.

Nous essaierons dans les jours qui viennent de prendre rendez-vous. Après avoir joué au chat et à la souris – le tout avec le sourire certes –, Xavier-Luc Duval adoptera-t-il la politique de l’autruche ?