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Éclairage

Quand l’intelligence artificielle rime avec opportunités et dérives

21 août 2024, 09:05

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Quand l’intelligence artificielle rime avec opportunités et dérives

Souvent perçue comme la prochaine grande révolution technologique après l’internet, l’intelligence artificielle (IA) se présente à la fois comme une technologie à double tranchant. Si elle peut offrir des opportunités incroyablement illimitées pour améliorer la productivité et l’innovation, elle pose également des défis importants par rapport aux risques de destruction d’emplois et de dérives politiques.

Aujourd’hui, qu’on le veuille ou non, l’IA s’impose dans le débat économique, voire politique. Les jeunes dirigeants d’entreprises, comme ceux proches de la retraite, s’y sont déjà familiarisés et ont, dans une large mesure, commencé à l’intégrer dans leur réflexion stratégique. D’ailleurs, d’une semaine à l’autre, les conférences se multiplient sur la maîtrise des outils d’IA dans le monde du travail.

La dernière en date était le congrès de l’Association of Human Resource Professionals of Mauritius (MAHRP), la semaine dernière, où les spécialistes des ressources humaines ont été exposés aux enjeux de l’IA et comment elle peut redéfinir les 5W (Work, Workforce, Workplace, Workload & Workability) dans une entreprise. Par ailleurs, au sommet de l’État dans un souci d’appréhender ce phénomène technologique, le dernier Budget de Renganaden Padayachy pour la présente mandature annonce «une campagne nationale A1-for-ALL pour encourager l’utilisation des outils d’IA dans les écoles, universités, entreprises et auprès du grand public».

Une initiative salutaire qui arrive toutefois tardivement alors que l’IA est en train de définir les contours de plusieurs secteurs économiques depuis une quinzaine d’années… Il va sans dire que l’adoption de l’IA est toujours à un stade embryonnaire à Maurice même si elle progresse avec des initiatives ici et là, tant publiques que privées, pour tenter de l’intégrer dans divers secteurs allant de la finance à l’agriculture en passant par la santé et le tourisme.

Même si ce n’est pas encore une réalité à Maurice, on sait que l’IA a le potentiel de révolutionner de nombreux secteurs d’activité. Dans le domaine de la santé, par exemple, elle permet de diagnostiquer des maladies avec une précision accrue et de personnaliser les traitements. Dans l’industrie, elle optimise les chaînes de production et réduit les coûts, aidant du coup à améliorer l’efficacité des entreprises et à la création de nouveaux modèles économiques. Les experts diront qu’elle aide également à améliorer le service client et à permettre une prise de décision plus rapide grâce à l’analyse des données en temps réel.

Pour le moment, les décideurs et opérateurs économiques sont catégoriques. Le pays prendra du temps pour tirer avantage des opportunités qu’offre IA mais il ne faut pas pour autant rater le train technologique. «En vue d’assurer une bonne transition vers une ère où l’IA va désormais entrer dans les moeurs, il faut prendre les bonnes décisions et bien avancer sur ce terrain. Malheureusement, on n’avance pas», soutient Ramesh Caussy dans l’interview qui suit en page 10. Ce fils du sol, établi en France et inventeur du robot Diya One, qui est doté d’une IA, plaide «pour la mise en place d’une structure d’innovation soutenue par un leadership éclairé dans le domaine de la technologie».

Certes, il ne faut pas voiler la face. L’IA comporte des enjeux sociétaux qu’il ne faut pas occulter. L’une des préoccupations relevées par les syndicats et à laquelle des directeurs de ressources humaines seront confrontés à l’avenir est le risque de destruction d’emplois dans certains secteurs. Selon eux, les tâches répétitives et routinières sont les plus menacées car elles peuvent être facilement automatisées alors que des travailleurs dans des secteurs tels que la fabrication, la logistique et même dans certains services administratifs pourraient voir leur emploi disparaître.

Areff Salauroo, président de MAHRP, reconnaît que l’automatisation a progressivement remplacé les tâches répétitives mais il constate que l’IA pourrait également aider à la gestion des ressources humaines à Maurice, notamment en améliorant l’expérience des employés d’une entreprise. «L’IA peut identifier les personnes qui répondent à certaines compétences pointues nécessaires pour une organisation qui peut en conséquence indiquer où investir les ressources.»

Enjeux sociétaux et dérives politiques

Pour s’adapter à cette nouvelle réalité, il n’y a pas mille solutions. Les travailleurs devront développer de nouvelles compétences pour évoluer dans un environnement de travail de plus en plus automatisé, notamment à travers des programmes de formation mis en place par les entreprises. Les syndicats ont déjà tiré la sonnette d’alarme à cet effet pour limiter la casse et éviter une crise sociale.

Comme toute technologie puissante, force est de constater que l’IA peut être utilisée à des fins politiques. Des exemples sont légion à l’échelle mondiale. En amont des élections législatives en Inde, les partis politiques ont eu recours à l’IA. Une manière, selon la presse internationale, de «faire parler les morts, de propager de fausses informations et de créer des messages calibrés pour chaque électeur». L’opposition ne souhaite pas voir cette dérive se répliquer lors de prochaines élections et a plus d’une fois exprimé des craintes de l’utilisation de l’IA par le gouvernement sortant pour manipuler l’opinion publique. «L’IA peut être utilisée pour analyser des masses de données et identifier les préférences et comportements des électeurs. Cette information peut ensuite être exploitée pour créer des campagnes de désinformation ciblées, influençant ainsi les résultats électoraux. Les deepfakes, vidéos truquées générées par l’IA, peuvent également être utilisées pour diffuser de fausses informations et discréditer des adversaires politiques», souligne un observateur rompu à l’impact de cette révolution technologique en politique.

Parallèlement, l’IA peut être utilisée pour surveiller les citoyens de manière intrusive. Les systèmes de reconnaissance faciale, par exemple, peuvent être déployés pour suivre les mouvements des individus et surveiller leurs activités. Évidemment, cette surveillance de masse pose des questions éthiques importantes sur la vie privée et les libertés individuelles. À cet effet, Ramesh Caussy souligne avec raison que «cela peut donner des fake news car des informations générées par l’IA sont extrêmement violentes et efficaces avec de fausses images et de faux messages».

Mais il y a mieux. L’un des principaux enjeux sociétaux est le risque d’aggraver les inégalités sociales, plus particulièrement à travers l’exclusion numérique. On ne cessera de le répéter que dans un pays comme Maurice, où les disparités économiques sont déjà marquées, il est essentiel de garantir un accès équitable aux technologies de l’IA pour éviter que certains segments de la population ne soient laissés-pour-compte.

Hier, comme aujourd’hui et probablement demain aussi, l’IA continuera à s’imposer comme une technologie incontournable pour l’avancement numérique du pays. Mais elle s’accompagnera de défis majeurs. Il sera crucial pour le pays d’adopter une approche équilibrée en maximisant les bénéfices économiques et sociaux de l’IA tout en minimisant ses risques.

Mais il y a aussi la crainte exprimée par l’un des pères de cette technologie révolutionnaire, Geoffrey Hinton, qui au moment de quitter Google en mai 2023, s’inquiétait de l’utilisation non maîtrisée de l’IA. «L’idée que cette technologie puisse en fait devenir plus intelligente que les humains – quelques personnes le craignaient. Mais la plupart des gens pensaient que cela prendrait beaucoup de temps. Je pensais que cela ne serait pas avant 30 ans à 50 ans, ou même plus. Évidemment, je ne pense plus à cela.» À méditer…


Des investissements de USD 100 Mds en 2023

Les investissements dans l’IA ont littéralement explosé, dépassant les 100 milliards de dollars en 2023 et cette tendance devrait se poursuivre, selon les spécialistes. Les États-Unis, la Chine et l’Europe sont en tête de la course, investissant massivement dans la recherche et le développement de l’IA. Des géants technologiques comme Google, Amazon et Alibaba, entre autres, s’imposent dans ce créneau en développant des technologies d’IA avancées, qui trouvent des applications dans la reconnaissance vocale, la vision par ordinateur, les véhicules autonomes et les assistants virtuels. Tout un programme !