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Qu’attend l’ICAC pour convoquer Maneesh Gobin ?
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Qu’attend l’ICAC pour convoquer Maneesh Gobin ?
L’Attorney General, Maneesh Gobin, lors de sa conférence de presse dans le cadre de l’affaire Franklin, le 8 février.
Et Maneesh Gobin alors ? C’est la question que se posent beaucoup de Mauriciens depuis la démission de Rajanah Dhaliah en tant que secrétaire parlementaire privé (PPS) avanthier, dans le sillage de l’affaire stag party… Pourquoi la commission anticorruption n’a-t-elle encore pas convoqué le ministre ? On nous fait comprendre que c’est la déposition de Rajanah Dhaliah qui déterminera si celui-ci sera convoqué ou non…
En attendant, si Dhaliah nie avoir demandé ou reçu quelque pot-de-vin, tout en risquant d’être confronté aux témoignages de Keegan Etwaroo et d’Ajay Jeetoo, Gobin pourrait ne pas être inquiété car Etwaroo et Jeetoo ont traité, selon leurs dires, avec Dhaliah et Ramnarain. Par contre, si Dhaliah reconnaît avoir reçu ces sommes d’argent, il est perdu, sauf s’il avance l’avoir fait comme intermédiaire et qu’il n’était pas le bénéficiaire finale dudit pot-de-vin. Il ne serait donc qu’un complice de corruption. Mais en adoptant celle ligne de conduite, l’ex-PPS incriminera Gobin. Qui pourra toutefois nier et dire que Dhaliah et Ramnarain ont pris des pots-de-vin dans son dos et l’ont convaincu d’approuver le bail. Un tel scénario, connu sous le nom de «cut throat defence», sera certes intéressant à suivre mais risque toutefois de finir en eau de boudin pour tous les accusés, que ce soit pendant l’enquête ou lors du procès.
Cependant, il faut savoir que cette tactique qui consiste à sauver sa peau risque de ne pas marcher si une autorité quelconque intervient pour leur dire qu’il ne faut pas faire cela ; sinon c’est tout le gouvernement qui risque d’en faire les frais. Et si les accusés ne veulent pas obéir, eh bien, il y aurait d’autres moyens de les forcer à le faire. Toutefois, on n’a jamais vu un tel scénario, les protagonistes s’arrangeant presque toujours entre eux de gré ou de force… D’ailleurs, des accusés de corruption n’avouent jamais et nieront jusqu’au bout. Sauf s’ils obtiennent une immunité…
Sinon, les co-accusés peuvent utiliser le moyen le plus sûr : le droit au silence. Toutefois, un Senior Counsel nous rappelle qu’en gardant le silence, Rajesh Ramnarain a bien fait l’objet d’une accusation provisoire, «mais il faudra attendre que l’ICAC termine tous les interrogatoires pour boucler l’enquête et envoyer le dossier au bureau du DPP qui décidera s’il faut retenir ou pas des charges formelles contre lui. Et si le gouvernement change, il risque de subir le même sort que Peermamode, Chady ou Seeruttun». Maneesh Gobin risque donc de n’être pas invité par l’Independent Commission against Corruption (ICAC) ? Réponse du Senior Counsel : «Tout est une question politique.»
Suspect principal ?
D’ailleurs, pour Me Shakeel Mohamed, «tant que le directeur de l’ICAC sera redevable envers le Premier ministre, qui seul a la prérogative de le nommer à ce poste, tant que le speaker refusera les questions à propos de la commission anticorruption au Parlement, tant que le comité parlementaire n’aura pas le droit de connaître le day-to-day running de l’institution, tant que des citoyens ne pourront déposer un Public Interest Litigation contre l’ICAC, bref, tant qu’il n’y aura ni de transparence ni d’accountability ni d’indépendance, la commission fera ce qu’elle veut ou plutôt ce que le Premier ministre voudra». L’avocat et député travailliste trouve inacceptable, voire ridicule, que Navin Beekarry ait avoué qu’il est intéressé par le poste au sommet de la future Financial Crimes Commission dont le projet de loi – autre aveu – a été rédigé par lui-même.
Si on se rappelle des précédentes enquêtes de l’ICAC impliquant des proches du pouvoir, les interrogatoires ont presque toujours commencé par les lanceurs d’alerte ou des accusateurs, puis les intermédiaires et autres sous-fifres de l’administration, pour finalement s’arrêter devant la porte du suspect principal. En fait, selon la procédure recommandée par l’International Anti-Corruption Resource Center (IACRC), une enquête dans une affaire de corruption se fait normalement ainsi et le primary suspect n’est interrogé que vers la fin, après les autres témoins.
Le Senior Counsel s’interroge cependant : «Qui est le suspect principal dans cette affaire de pot-de-vin ?» N’est-ce pas celui qui a obtenu au final le pot-de-vin et qui se trouve être celui qui a le pouvoir d’accorder le bail du terrain de chasse en question ? Réponse de l’avocat : «Tout cela reste à prouver.»
Notre interlocuteur reconnaît cependant que la tactique de l’ICAC consiste à convoquer Dhaliah avant, non pas parce qu’il n’est qu’un intermédiaire, mais parce qu’il est un «soft target» comparé à l’Attorney General. Mais en réservant l’interrogatoire de Maneesh Gobin pour la fin, l’ICAC ne traite-t-elle pas déjà ce dernier comme le suspect principal ? «Oui, suspect principal qui peut ne jamais être interrogé», rétorque Me Shakeel Mohamed. «Que s’est-il passé pour les affaires Bet365, Euroloan ou St-Louis, entre autres ? Le ou les suspects principaux n’ont jamais été inquiétés.» Justement, concernant l’affaire St-Louis, Shakeel Mohamed s’interroge : «L’ICAC possède-t-elle tout le rapport de la Banque africaine de développement ou certains noms ont-ils été biffés ? Personne mis à part Pravind Jugnauth n’a vu l’intégralité du rapport, y compris Ivan Collendavelloo et les autres accusés.»
Le Senior Counsel estime de son côté que si l’ICAC convoque les autres témoins en premier dans l’affaire du terrain de chasse et qu’elle prend trois à quatre mois pour interpeller le suivant, «il est évident que le suspect principal risque de ne pas se pointer du tout au Triangle de Réduit». Shakeel Mohamed se demande, lui, «si l’ICAC interroge les suspects principaux à la fin, pourquoi lorsqu’il s’agit des opposants au pouvoir, ils le sont au début ?» L’exemple de Sherry Singh vient à l’esprit. On se rappelle comment il a été arrêté par la police, détenu, alors que ses biens ont été gelés.
L’IACRC recommande cependant de commencer par le suspect principal et de prouver le paiement illicite au bénéficiaire ultime «if there are many suspected payers, […] or if cash payments are suspected». Dans le cas présent, il est évident qu’aucun paiement n’a été effectué par chèque ou virement bancaire…
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