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Interdiction d’accès aux réseaux sociaux

Questions à… Mᵉ Yuvir Bandhu : «Cette suspension des réseaux sociaux est anticonstitutionnelle»

2 novembre 2024, 13:06

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Questions à… Mᵉ Yuvir Bandhu : «Cette suspension des réseaux sociaux est anticonstitutionnelle»

Mᵉ Yuvir Bandhu, avocat.

Mᵉ Yuvir Bandhu, avocat engagé dans la défense des droits constitutionnels, répond aux questions de l’express sur la suspension de l’accès aux réseaux sociaux, hier, et sur la polémique croissante autour des bandes sonores de «Missie Moustass» dont l’une laisse entendre la voix présumée de l’avocat et de l’avouée du Premier ministre.

Depuis vendredi matin, les réseaux sociaux, à savoir YouTube, Instagram et Facebook, sont inaccessibles suite à une directive de suspension aux opérateurs d’internet par l’Information and Communication Technologies Authority (l’ICTA). Quels sont les droits fondamentaux des utilisateurs de ces plateformes en matière de liberté d’expression ?

Notre liberté d’expression découle sans aucun doute de l’article 12 de la Constitution, qui stipule ce qui suit :

«Protection de la liberté d’expression: (1) sauf avec son propre consentement, nul ne peut être entravé dans la jouissance de sa liberté d’expression, c’est-à-dire la liberté d’avoir des opinions et de recevoir et de communiquer des idées et des informations sans ingérence et la liberté de toute interférence avec sa correspondance.»

Il est essentiel de noter que cette disposition est similaire à l’article 10 de la European Convention on Human Rights and Fundamental Freedoms qui indique ceci :

«Chacun a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’avoir des opinions et de recevoir et de communiquer des informations et des idées sans ingérence des autorités publiques et sans considération de frontières.» Cet article n’empêche pas les États d’exiger l’octroi d’une licence aux entreprises de radiodiffusion, de télévision ou de cinéma.

Quand l’ICTA parle de l’article 18 (1) en évoquant la diffusion de «harmful contents» sur les réseaux sociaux pour faire cette suspension, les droits des internautes ne sont-ils pas bafoués ?

En tant qu’avocat indépendant, je trouve que cette excuse est bidon. Quels sont les contenus présumés préjudiciables ou illégaux diffusés ? Si quelqu’un me dit qu’il s’agit de fuites des enregistrements que tout le monde connaît maintenant, alors comment se fait-il que lorsqu’il y a des contenus nuisibles et illégaux sur les opposants au gouvernement, rien n’est fait ? Il y a principalement deux pages que je connais qui sont pro-gouvernementales mais il semble que rien n’arrive à ces pages lorsqu’elles publient des informations préjudiciables aux opposants du gouvernement. Je n’ai pas vu des Mauriciens tenter de faire une émeute ou quoi que ce soit d’autre comme le gouvernement essaie de le prétendre. Nous sommes intelligents, nous lisons et écoutons et nous savons quoi faire. Nous ne devons pas oublier que l’un des objectifs de l’ICTA est également de démocratiser l’information. C’est ça qu’on appelle démocratiser l’information? Alors oui, il est clair pour moi que les droits des citoyens sont bafoués.

Comment les utilisateurs peuvent-ils faire valoir leurs droits dans le cas présent de suspension des réseaux sociaux ?

Ils doivent contester cette suspension devant la Cour suprême. Je suis heureux que, dès que l’information a été communiquée, l’un de mes confrères, Mᵉ Kailash Trilochun, ait déclaré qu’il travaille sur le dépôt d’une injonction en Cour suprême car cette suspension est anticonstitutionnelle. Je suis également certain que d’autres avocats appartenant à d’autres partis suivront cet exemple.

Jeudi, on a eu droit à la diffusion de bandes sonores où l’on peut entendre la voix attribuée à Mᵉ Raouf Gulbul et celle attribuée à l’avouée Sharmila Sonah Ori. Quel rôle le Bar Council ou la Mauritius Law Society doit jouer dans cette affaire ?

Conformément à la Mauritius Bar Association Act et à la Mauritius Law Society Act, pour que les conseils enquêtent sur leurs membres, il faut d’abord qu’il y ait une plainte. Le Conseil ne peut agir seul, conformément à la loi. La question est donc de savoir s’il y a eu une plainte. Cela étant dit, j’estime qu’il ne revient pas à un avocat ou à un avoué d’interférer dans une enquête. Ce qui est encore plus surprenant, c’est que dans un de ces enregistrements, on peut entendre une séance organisée avec un avoué et des enquêteurs et ils sont briefés.

Comme l’a dit Mᵉ Antoine Domingue, Senior Counsel, si vous voulez mener une véritable enquête, pourquoi les téléphones des personnes figurant sur ces enregistrements ne sont-ils pas saisis immédiatement et examinés ? S’il s’agissait d’autres personnes, on les aurait déjà placées en détention.