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Terrain des Obeegadoo

Qui allait financer le projet de maison de retraite de Port-Louis ?

29 septembre 2024, 19:00

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Qui allait financer le projet de maison de retraite de Port-Louis ?

Avinash Gopee : «Pourquoi m’accuse-t-on de tous les maux de ce pays ?»

Vous pensiez que la saga était finie après que Primerose Obeegadoo a renoncé à sa demande de changement d’objet du bail du terrain au centre de la polémique, la semaine dernière ? Cela, disait-elle, «afin que cessent les attaques personnelles et les calomnies». Cela n’est pas le cas. Car, cette affaire comprend d’autres ramifications. On vous explique comment c’est Steve Obeegadoo qui a la haute main sur les terres de l’État. Et comment le projet mort-né de sa maman n’aura été que l’apogée d’une série de décisions et d’amendements à la loi profitant principalement à un promoteur en particulier…

On s’est demandé – et on se demande toujours – comment Primerose Obeegadoo allait trouver les Rs 400 millions pour construire la maison de retraite à Port-Louis, sur le terrain de l’État jouxtant l’ex-collège Trinity. Faut-il rappeler que Primerose Obeegadoo a 85 ans ? À cet âge, il est très difficile de contracter un emprunt, nos lecteurs en savent sans doute quelque chose ! Sauf si la maman du Deputy Prime Minister (possédait des économies ou allait être aidée par ses fils ? Mais Rs 400 millions, c’est tout de même beaucoup… Pour comprendre, revenons sur cette affaire et essayons de comprendre le fonctionnement du système de bail des terrains de l’État.

Selon nos informations, une fois construite, la maison de retraite des Obeegadoo allait être vendue à la découpe, c’est-à-dire par appartements, à des clients retraités. Tout comme certaines maisons de retraite. Le retraité achète une jouissance, un lifetime right, et après son décès, c’est le promoteur qui reprend possession de l’appartement. Bien sûr, en sus de ce droit de jouissance, il faut payer pour les soins, la nourriture et les autres facilités qui s’y trouvent, comme la piscine. L’intérêt de ce système, c’est que le promoteur récupère une grande partie de son investissement au tout début même, à la vente du droit de jouissance de l’appartement. Bref, c’est plutôt une opération immobilière.

Il faut savoir que la décision d’allouer un terrain de l’État à bail revient au ministre des Terres, cela, sous l’article 6 de la State Lands Act : «(a) By public auction, notice of which shall be given in the Gazette, and 2 daily newspapers, 2 weeks at least before the day fixed for the auction, or by private contract upon such terms and conditions, not inconsistent with this Act, as the Minister may approve.» À noter que cela fait très longtemps déjà que l’État n’est pas passé par un appel d’offres pour accorder un bail d’un de ses terrains.

C’est le ministre donc qui décide de l’octroi du bail et «nulle part est-il dit que c’est le conseil des ministres qui approuve cette démarche», souligne un homme de loi. «C’est le ministère des Terres qui émet d’ailleurs la letter of reservation et la letter of intent.» Pourtant, Steve Obeegadoo a déclaré que c’est le conseil des ministres qui a approuvé ou allait approuver le changement d’objet du bail. «Le cabinet allait seulement en prendre note. Et le changement d’objet de l‘éducatif à commercial, ajoute l’avocat, équivaut à un nouveau bail, contrairement à ce qu’affirme Steve Obeegadoo.»

Rs 70 Millions sonnantes et trébuchantes

Le plus lucratif dans ce changement de l’objet du bail à industriel ou commercial, c’est que Primerose Obeegadoo allait bénéficier d’une augmentation spectaculaire de la valeur du terrain. Selon un professionnel du foncier, ce demi-arpent de terrain en friche vaudra au moins Rs 70 millions après ce changement d’objet. Et cela, sans qu’il faille investir un seul sou pour construire sur ledit terrain.

Mais semble-t-il, cette manne ne suffisait pas à ce genre de promoteurs bénéficiaires des terres de l’État. Car la State Lands Act a été amendée dans la Finance Act 2023 et prévoit désormais que le montant du loyer payable pour un bail industriel ou commercial pourra être réduit par le ministre des Terres lorsque le projet est «in the economic interest of Mauritius». Quel est le montant de la réduction ? «The annual rental determined in accordance with that subsection shall be reduced by such amount as may be determined by the Minister.»

Ainsi, c’est le ministère des Terres qui décide si un projet commercial – comme une maison de retraite, qui n’a rien de social, contrairement à ce qu’affirmait Steve Obeegadoo – mérite une réduction et c’est lui qui décide du montant. Cependant, ces décisions doivent être ratifiées par le conseil des ministres. La partie IV du deuxième schedule de la State Lands Act parle même d’une réduction de 75 % «… with regard to a private health institution or an ayurvedic wellness centre project...» On ne sait si les maisons de retraite sont considérées comme des «private health institutions».

Steve Obeegadoo ou Deepak Balgobin, qui remplaçait le premier, a-t-il accordé ou allait-il accorder cette réduction à Primerose Obeegadoo ? Et si oui, allait-elle être de l’ordre de 75 % ? Même si le projet a été annulé, il y a eu tentative de le réaliser... D’autres promoteurs en ont-ils bénéficié ? On se demande d’ailleurs si ces amendements à la State Lands Act n’ont pas été apportés pour «qu’ils bénéficient à ces promoteurs».

Revenons maintenant à Primerose Obeegadoo. Allait-elle avoir un partenaire en affaires pour les Rs 400 millions à investir dans le projet de maison de retraite à Port-Louis ? Etait-ce Avinash Gopee ? Ce dernier nie avec force. «Suis-je une banque pour financer les projets des autres ? Pourquoi m’accuset-on de tous les maux de ce pays ? Arrêtez d’écouter des palabres venant des jaloux !» Nous lui avons expliqué que les terrains sur lesquels il a développé ses projets sont ceux de l’État et nous avons voulu savoir s’il a obtenu une réduction du loyer du bail pour son projet Royal Green. «Savez-vous de combien de loyers et de taxes je dois m’acquitter ?» nous répond-t-il. Tout en nous promettant de nous inviter à faire une visite guidée de Royal Green et de répondre à toutes nos questions. Nous y comptons. C’est en vain par contre que nous avons sollicité le ministre des Terres pour sa version, ce dernier étant sans doute pris par d’autres fonctions hier.

Conflits d’intérêts

Le Luxury Retirement Village Ltd, dont le nom commercial est Royal Green Wellness Resort, est une véritable concentration de conflits d’intérêt, comme l’a démontré Shakeel Mohamed dans un live jeudi. En fait, le député rouge s’en prenait à Steve Obeegadoo en particulier. D’abord, il y a Donald Payen. Il siège comme directeur sur le board de Luxury Retirement Village Ltd, qui a bénéficié d’un terrain du ministre des Terres Steve Obeegadoo. C’est ce même ministre qui est à la tête du ministère du Tourisme et où il a comme conseiller Donald Payen, qui est aussi le président du board de la Mauritius Tourism Promotion Authority. L’express du 25 mai 2023 relevait déjà ces conflits d’intérêts tout en soulignant que la Tourism Authority, qui tombe également sous la tutelle de Steve Obeegadoo, a comme chairman Avinash Gopee. Notre éditorialiste notait alors la coïncidence que ce soit le même ministre qui voulait promouvoir la Silver Economy, qui a directement profité à Avinash Gopee.

En sus de tout cela, bien que listé au Registrar of Companies, avec sous le chapitre nature of business, «residential nursing care activities e.g. homes for elderly», et ayant probablement bénéficié d’un loyer réduit du bail, Luxury Retirement Village s’est diversifié depuis. Il comprend désormais des restaurants, une salle de conférence, une salle de gym, etc…