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Rama Valayden: «Dans ce procès, on a traité Simla comme l’accusée et la condamnée»

2 juin 2024, 22:13

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Rama Valayden: «Dans ce procès, on a traité Simla comme l’accusée et la condamnée»

L’avocat, chef de file du groupe composé d’hommes de loi qui se font appeler les «Avengers», a bien voulu répondre à nos questions après l’acquittement de Yogida Sawmynaden dans l’affaire «constituency clerk».

Quel est votre sentiment après le verdict d’acquittement de Yogida Sawmynden ?

D’après ce que nous avons compris, on a jugé que Simla a menti. Mais menti sur quoi ? Elle s’est trompée sur quelques faits notamment sur la date à laquelle elle a appris qu’elle était enregistrée comme constituency clerk. D’ailleurs, elle avait reconnu depuis le 9 janvier 2021 qu’elle s’était trompée en déclarant que Kaya (NdlR, Soopramanien Kistnen) et elle avaient appris que Yogida Sawmynaden l’avait enregistrée comme constituency clerk au lieu de dire que c’est elle qui avait été surprise de l’apprendre auprès de la Mauritius Revenue Authority (MRA) et du National Pensions Fund (NPF) après la mort de Kaya. Simla s’en doutait depuis que le journaliste lui en avait parlé deux jours après la mort de son mari et même avant. Kaya était peut-être au courant ou s’en doutait lui aussi. D’ailleurs, il en avait parlé à certains de ses amis. Il en a peut-être fait part à Simla. Mais ce n’est qu’après avoir vérifié auprès de la MRA et surtout le NPF en décembre 2020 après la mort de Kaya que Simla a obtenu confirmation de ce qu’elle a entendu avant. Tous ces éléments étaient confus dans la tête de Simla à l’heure où elle jurait l’affidavit. Pourquoi se baser sur cette confusion pour déclarer qu’elle est une menteuse ? Dans ce procès, on a traité Simla comme l’accusée et la condamnée. Alors qu’elle est la victime du meurtre de son mari et de l’affaire constituency clerk notamment.

On lui avait promis un job à la MBC…

Job qui n’est jamais venu. La magistrate s’est demandée pourquoi Simla n’a rien fait lorsqu’elle n’a pas eu cet emploi à la MBC. Si elle devait s’en faire pour toutes les promesses de travail, comme celle de constituency clerk…

Mais la magistrate ne l’a pas traitée de menteuse…

En tout cas, l’avocat Raouf Gulbul l’a fait. Il a aussi traité Simla d’anguille, qui «glisse ale, li refiz reponn kestion», il a dit qu’elle a crié sur tous les toits...

Laissons Raouf Gulbul de côté. La magistrate a aussi ‘coincé’ Simla quand celle-ci a dit n’avoir jamais parlé à Yogida Sawmynaden.

C’est la magistrate elle-même qui a reconnu en plusieurs occasions que Yogida Sawmynaden était lié à Kaya, pas à Simla. Yogida n’a jamais parlé seul à seul et en personne avec Simla. Lorsqu’elle a rencontré passagèrement Yogida, c’était en compagnie d’autres personnes y compris Kaya. C’est la magistrate elle-même qui a dit que Yogida était venu voir Kaya, pas Simla, à Moka. Et lorsque Yogida a appelé Simla en juillet 2020, c’était pour chercher Kaya qui ne répondait sans doute pas à son téléphone. Idem lorsque Yogida avait rendu visite au fils de Kaya. Il n’avait même pas parlé à Simla. Savez-vous comment s’est passée cette visite à la clinique ? Yogida n’est même pas entré dans la salle où se trouvait le malade. Il est resté sur le pas de la porte juste pour se faire voir, a échangé quelques mots avec Kaya, puis il a disparu, selon des témoins. C’était comme sa visite aux funérailles de Kaya. Mais de cela, on n’en a point parlé…

** Mais la cour a dit que Simla a menti quand elle a dit qu’elle ne connaissait pas Yogida car elle l’a rencontré aussi au Citizens Advice Bureau (CAB).**

Quand Simla a dit qu’elle n’a jamais eu de dialogue avec Yogida, il est clair qu’elle voulait dire qu’elle n’était pas ami-ami avec lui, contrairement à Kaya qui, lui, était très proche de Yogida.

Cette rencontre au bureau du CAB prouve cependant que Simla travaillait politiquement pour Yogida, non ?

Simla y avait accompagné une nièce et une voisine, cela en tant qu’épouse du chef agent de Yogida, pas en tant que constituency clerk. Avez-vous déjà vu un ministre parler à sa constituency clerk deux fois seulement en 7 mois ? Et vous savez quoi ? Ces rencontres au CAB avaient eu lieu bien avant 2020, pas durant la période de janvier à juillet 2020 où elle était supposément constituency clerk !

Mais il y a eu d’autres rencontres qui prouvent que Simla a bien travaillé comme «constituency clerk», n’est-ce pas ?

Pourquoi Yogida n’en a-t-il pas parlé ?

La magistrate a rappelé que c’est à la poursuite d’apporter des preuves et non à la défense. Et…

Mais comment la poursuite pouvait-elle apporter la preuve de quelque chose qui n’existe pas ?

C’est vous qui posez les questions ! Mais revenons aux miennes. Que pensez-vous du fait que les salaires comme «constituency clerk» étaient remis au mari de la «constituency clerk» ?

Nous laissons aux Mauriciens et aux féministes en particulier d’en juger. Fam travay, mari ki gagne kas ! En tout cas, on ne donne aucune justification pour le paiement à Kaya au lieu de Simla mais on propose une excuse à l’effet que ce n’est pas interdit. Il n’y a aucune preuve démontrant que c’est Kaya qui a demandé à Yogida de lui remettre les salaires de Simla. Kaya n’est plus là pour le confirmer ou le nier. Et comme par hasard, il n’y a pas de témoin lors de cet arrangement.

Mais il y a eu d’autres paiements faits à Kaya…

Que représentent ces paiements, 10 ou 11, en chèques, que Yogida a faits à Kaya et qui ont été montrés à la police – pas en cour – mais que la magistrate a acceptés sans broncher ? Quels en sont les montants ? Pourquoi ne pas les avoir montrés en cour ? Est-ce pour cette raison que Yogida a gardé le silence ? La magistrate a accepté l’explication donnée par Yogida à la police – pas en cour – à l’effet que c’était par amitié que Yogida remettait ces chèques à Kaya, qui était endetté.
supramanien.png Yogida Sawmynaden affichant sa satisfaction après le verdict de la cour, jeudi.

Tantôt la magistrate trouve que ces paiements étaient pour aider Kaya tantôt que ce sont les salaires de Simla payés parfois en avance, cela bien que ces sommes ne soient pas divisibles par le salaire de Rs 14 790. Vous avez compris pourquoi ?

Non, et vous ?

Il y a un seul chèque – le onzième – qui aurait été remis à Kistnen en 2020, le 31 janvier, pour être exact, mais que l’inspecteur Seebaruth, témoin numéro deux, dit n’avoir jamais vu avant. Quel est ce chèque ?

Il fallait le demander à Yogida.

La magistrate a justifié le paiement en cash à Kaya en rappelant que ce dernier a réclamé des espèces car il avait des dettes… Yogida a dit à la police – pas en cour – qu’il avait beaucoup aidé Kaya en lui ‘offrant’ de l’argent par chèque avant 2020 et en 2020, mais lorsqu’il s’agit de payer Rs 14 790 à Simla pendant 6 ou 7 mois, c’était en liquide ! Si Kaya voulait fuir ses créanciers, pourquoi avait-il accepté ces autres paiements par chèque ?

Selon vous, pourquoi Sawmynaden remettait-il des chèques à Kaya ? «Dans ce procès, on a traité Simla comme l’accusée et la condamnée»

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Simla et Soopramanien Kistnen – dit Kaya – au temps des jours heureux.

L’avocat, chef de file du groupe composé d’hommes de loi qui se font appeler les «Avengers», a bien voulu répondre à nos questions après l’acquittement de Yogida Sawmynaden dans l’affaire «constituency clerk». Je pense que si l’enquête de la police et de l’Independent Commission Against Corruption sur la mort de Kaya et sur les allégations de corruption avait abouti – si elle a commencé – il aurait été mieux que toutes ces affaires soient entendues ensemble, y compris l’affaire de constituency clerk. Car, justement, ce sont ces éléments de paiements, de rencontres, de visites, qui ont été utilisés par la défense et acceptés par la cour.

Le silence de Yogida Sawmynaden en cour n’a pas aidé à connaître la raison de ces paiements…

En évoquant le précédent Andoo, l’avocate du Directeur des poursuites publiques (DPP) a souligné qu’en gardant le silence, Yogida Sawmynaden court un risque. Cependant, la magistrate a invoqué une autre affaire (NdlR, Annia) pour contredire le DPP. Si Yogida a gardé son droit au silence, cependant il a été très bavard avec la police, avec qui il avait passé de longues heures entre quatre murs, loin des oreilles et des yeux du public.

Justement, l’itemised Bill des appels entrants de Yogida Sawmynaden n’a pas été recherché par la police bien que celui-ci ait demandé de le faire. Avez-vous compris pourquoi la police ne l’a pas fait ?

Il fallait le demander à la police ! La magistrate ne l’a pas demandé, non plus, selon le jugement. Et sa conclusion : si la police n’a pas recherché un Judge’s Orderpour avoir la liste des appels entrants sur le téléphone de Yogida Sawmynaden, cela rend difficile pour elle de croire que Simla ne travaillait pas comme constituency clerk comme veut le faire croire la poursuite. Et par conséquent, l’argument de la poursuite tombe. Ce faisant, elle associe le DPP et la police. Je vous rappelle qu’il y a en ce moment même une grande bataille entre ces deux institutions et une des raisons de cette hostilité est justement l’affaire de l’assassinat de Kaya. Le DPP avait demandé à la police d’initier une enquête en profondeur après le rapport de la magistrate Vidya Mungroo-Jugurnath. Et la police ne semble pas l’avoir fait. Pour nous, Simla n’a jamais travaillé comme constituency clerk et le relevé aurait prouvé qu’il n’y a pas eu d’échanges réguliers entre Yogida et sa supposée constituency clerk.

Y a-t-il d’autres témoins pour appuyer la thèse de la poursuite selon laquelle Simla n’a jamais été la «constituency clerk» de Yogida Sawmynaden ?

Un parmi d’autres : le constituency clerk du Premier ministre, Sanjay Karia, qui avait le 4 février 2021 affirmé sous serment lors de l’enquête judiciaire que Simla n’était pas la constituency clerk de Yogida. Pourquoi la police ne l’a pas convoqué dans l’enquête sur l’affaire de constituency clerk ? La police, entre autres, a joué un très mauvais rôle dans cette affaire.

La magistrate a répété plusieurs fois avoir observé le ‘demeanour’ de Simla en cour, c’est-à-dire, sa façon de répondre aux questions en affirmant notamment que «her demeanour did not depict the hallmarks of a witness on whose version I can rely». Vos commentaires ?

No comment !

La magistrate a d’autre part conclu que Yogida Samynaden «has been consistent in his versions», versions données «out of court…». C’est-à-dire que sans avoir vu le «demeanour» de l’accusé, elle a jugé que ce dernier a été très cohérent. Encore une fois, je vous demande vos commentaires.

No comment again !