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Portrait

Ravi Rawa : De jockey à la phytothérapie

15 juillet 2025, 14:00

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Ravi Rawa : De jockey à la phytothérapie

■ Ravi Rawa sous la fameuse casaque bleue et écharpe rouge de la famille Gujadhur.

L’histoire de Ravi Rawa mérite que l’on s’y attarde. C’est celle d’un enfant né dans la pauvreté, ballotté de tous côtés par les tempêtes de l’existence mais qui a choisi de toujours se relever. De jockey qu’il était, il se consacre aujourd’hui au bien-être humain, militant pour la phytothérapie. Une trajectoire hors du commun, faite de résilience, de foi, et d’une incroyable volonté de bâtir, pour lui et pour les autres.

Ravi Rawa a grandi à Le Hochet dans une maison modeste et au sein d’une famille qui connaissait le vrai sens du mot «manque». Son père travaillait dur comme tailleur de pierre pendant que sa mère s’occupait du foyer. Leur quotidien était rythmé par le travail, la débrouille et une profonde solidarité familiale.

Mais en 1975, tout a basculé. Le cyclone Gervaise a détruit leur maison. Du jour au lendemain, ils se sont retrouvés privés de toit. Forcé de se réfugier chez un proche, Ravi Rawa vit alors son premier grand traumatisme. Mais c’est aussi là que naît en lui un rêve. «Je me suis dit qu’un jour, j’allais apprendre le métier de maçon et construire ma propre maison. Et que plus jamais, ma famille ne dormirait sous un toit qui ne nous appartient pas.»

Il comprend très tôt la valeur du travail. Dès l’aube, il accompagne son père au marché, l’aidant à vendre des légumes avant de partir à l’école primaire de cité Briquetterie. Il se souvient avec émotion d’un moment qu’il n’est pas près d’oublier. «Un matin, mon instituteur, M. Choolun, m’a aperçu derrière l’étal de mon père au marché. Il m’a demandé ce que je faisais là. Je lui ai expliqué que j’aidais mon père avant de me rendre à l’école. Le lendemain, il m’a proposé de m’aider et m’a offert des cours gratuits. Je lui serai toujours reconnaissant pour cela.»

Sens du sacrifice

Grâce à cette aide inespérée, Ravi Rawa réussit ses examens de cycle primaire et entre au collège de Montagne-Longue. Il doit alors déménager et vivre chez son grand-père pour pouvoir poursuivre ses études secondaires. Même là, il continue à travailler chaque matin avant de se rendre en classe et, les week-ends, il aide dans la boulangerie du coin.

Mais alors qu’il est en Form IV, une épreuve vient le détourner de sa trajectoire. Sa mère est victime de violence domestique. Ravi Rawa fait alors le choix de regagner la maison familiale dans le but de protéger sa mère des coups. Un retour au bercail qui met fin à ses ambitions de compléter ses études secondaires. Il n’aura jamais l’occasion de les reprendre.

Mais la vie n’avait pas dit son dernier mot le concernant. Un ami l’emmène au Club Hippique de Maurice. Là, Rémi Barrot et Jean Halbwachs voient en lui un potentiel insoupçonné en tant que jockey. En 1989, il commence par être recruté comme apprenti jockey au Mauritius Turf Club. Ce nouveau départ marque un tournant dans son existence. «L’emploi de jockey m’a sorti de la misère», dit-il avec fierté.

Parallèlement aux courses, il se lance dans de petits business mais son but reste le même, mettre sa mère à l’abri et construire une maison. Il y parvient à seulement 19 ans. Ravi Rawa savoure cette première victoire comme une revanche sur la vie. À 23 ans, il rencontre Anju, une jeune enseignante, douce mais non moins ambitieuse. Leur relation évolue et après sept ans, ils se marient. Ensemble, ils forment un couple solide, bâti sur des valeurs simples : l’amour, le travail et l’humilité.

WhatsApp Image 2025-07-15 at 11.31.45 AM.jpgRavi en compagnie de son épouse, Anju, et de leur fils, Aaron.

WhatsApp Image 2025-07-15 at 11.31.45 AM (1).jpgRavi et Anju Rawa profitant d’un voyage entre amoureux peu après leur rencontre.

Le métier de jockey le fait voyager. C’est ainsi qu’il se rend en Australie, en Afrique du Sud, en Irlande, en Angleterre et Sri Lanka… Ces expériences l’enrichissent culturellement et humainement. En Australie, il gagne bien sa vie et économise beaucoup. Mais malgré les apparences, le cœur de Ravi Rawa reste attaché à son rêve d’enfant de devenir maçon. De retour à Maurice, il change de cap. Les courses hippiques deviennent alors pour lui un emploi à temps partiel. Il se lance dans l’immobilier, achetant des terrains et les revendant. Sur certains, il construit mais pas que pour lui. «Ce n’était pas juste pour moi. J’ai créé des emplois, donné du travail à des maçons, des électriciens, des gens comme moi, qui voulaient s’en sortir.»

Reconversion réussie

Cette reconversion est un succès. Ravi Rawa accède à une vie confortable dont il n’avait jamais osé rêver. En 2006, son fils Aaron naît. Très tôt, Aaron suit les traces de son père. Il est comme lui travailleur, déterminé et devient champion de tennis dans sa catégorie dès l’âge de neuf ans et joue pour la sélection nationale. Mais lorsqu’il entre au collège Royal de Curepipe, il met de côté le sport pour se consacrer aux études. Son papa y tient, lui qui n’a jamais pu terminer les siennes. Aaron Rawa prévoit aujourd’hui de partir aux Pays-Bas pour y poursuivre des études supérieures.

WhatsApp Image 2025-07-15 at 11.31.32 AM.jpegAaron Rawa, ex-joueur de tennis et champion de la sélection nationale.

Malgré les opportunités offertes par les courses hippiques, Ravi Rawa ne s’est jamais vraiment senti à l’aise dans ce monde. «C’est un univers négatif, rempli d’hypocrisie et de magouilles. Beaucoup d’argent sale. Moi, je suis fier de dire que je n’ai jamais accepté une seule roupie malhonnête.»

Aujourd’hui, Ravi Rawa a tourné la page. Pendant un bon moment, il a agi comme chiropracteur pour les chevaux de course. Très respecté dans le milieu, il est reconnu pour avoir soigné bon nombre de chevaux blessés, qui ont par la suite gagné des courses. Mais son activité principale est désormais le bien-être des autres. En effet, il a récemment investi une petite fortune dans l’aménagement d’un Wellness Park à Côte-d’Or, un espace dédié aux personnes âgées et aux enfants. Il y propose des thérapies naturelles et milite activement pour la phytothérapie. D’ailleurs, chaque matin, il publie une vidéo de conseils santé sur les réseaux sociaux. Il reverse 10 % de ses revenus à des organisations non gouvernementales. Son épouse, Anju, donne quant à elle des cours gratuits aux enfants défavorisés.

Récemment, la maladie a frappé Anju. Ce coup dur a poussé Ravi à quitter définitivement le monde des courses hippiques où le dernier poste qu’il occupait était celui de starter à People’s Turf PLC. Il consacre désormais tout son temps à sa famille, à ses projets sociaux, et à transmettre ce qu’il a appris. «La vie ne sera pas toujours belle et facile. Il y aura des hauts et des bas. Mais je suis très croyant. Et je sais qu’en gardant la foi et en restant humble, on arrivera à tout surmonter.»

Pour Ravi Rawa, la richesse ne se mesure pas en termes de biens accumulés mais en valeurs transmises. Il lève la voix pour rappeler aux Mauriciens à quel point ils ont la chance de vivre dans un paradis et combien il est essentiel de vivre simplement, sans se plaindre, et de remercier Dieu pour chaque jour donné.

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