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Affaire CEB / Corex Solar

Ravind Chetty junior a renversé l’avis de son père Senior Counsel

21 septembre 2023, 22:00

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Ravind Chetty junior a renversé l’avis de son père Senior Counsel

Le CEB s’est basé sur un deuxième avis juridique, du 28 juin, provenant du fils de Ravind Chetty pour annuler l’avis juridique du père en date du 4 juin, et accorder le contrat de panneaux photovoltaïques de Rs 5 milliards à l’entreprise réunionnaise Corex Solar. Mais il y a plus…

Petit rappel des épisodes précédents pour comprendre ce qui s’est passé. Joanna Bérenger avait, le 16 septembre, dénoncé le Central Electricity Board (CEB) pour avoir accédé à la demande de Corex Solar de changer de site d’exploitation de l’énergie solaire alors que le contrat lui avait déjà été alloué. Cela, alors que le CEB avait refusé une première fois en se basant sur l’avis légal externe du Senior Counsel Ravind Chetty. Le Renewable Energy Committee de l’institution avait aussi recommandé, le 26 juin, ce refus. La députée avait parlé de pressions exercées sur le CEB pour passer outre ces deux recommandations.

Le CEB a réagi le même jour via un communiqué en affirmant, entre autres, qu’il y avait un autre avis légal favorable à Corex Solar du 28 juin sur lequel s’est basé le board du CEB pour approuver la demande de Corex Solar de changer de site. Et dans l’express de mardi, on se demandait et demandait au CEB qui a bien pu lui offrir ce mystérieux conseil juridique du 28 juin 2023 qui lui a permis de passer outre l’avis d’un Senior Counsel. Le CEB ne nous a pas répondu à hier.

Cependant, nous avons pu mettre la main sur ce deuxième avis légal du 28 juin (voir facsimilé) : il est signé par le fils du Senior Counsel , Mᵉ Khavi Chetty, qui travaille dans le même cabinet que son père Ravind. À noter que le CEB ne nous a pas répondu lorsque nous lui avons demandé si ce deuxième avis juridique provient du même cabinet d’avocats que le premier. Il y a ici de sérieux problèmes, au moins d’éthique : comment le CEB a-t-il pu rechercher un autre avis juridique du même cabinet dont il «rejetait» le premier émis par, qui plus est, le patron du cabinet en question, Mᵉ Ravind Chetty ? Comment le CEB a-t-il alors agi en se basant sur l’avis exprimé par un junior de ce cabinet au détriment de celui d’un senior ? Que ce deuxième avis soit signé par le fils de celui qui avait exprimé le premier, ça, c’est une autre histoire…

L’avis de Mᵉ Khavi Chetty s’appuie principalement sur un point de droit : le CEB n’est pas obligé de se conformer à la Public Procurement Act. Cependant, le jeune avocat est prudent : il énonce cette hypothèse libératrice non en se basant sur sa propre interprétation de la loi mais en disant le faire «as per your instructions» , c’est-à-dire les «instructions» venant de Julien Tuyau, le Legal Officer interne du CEB à qui Khavi Chetty a adressé son avis. Khavi Chetty semble ainsi renvoyer la responsabilité à Julien Tuyau. Contacté, l’avocat, en entendant parler du CEB, nous a juste déclaré : «Pas de commentaires.»

Pourquoi le CEB a-t-il demandé un conseil juridique externe si ce dernier s’est reposé sur celui de Julien Tuyau ? Selon nos informations, ce dernier n’est pas avocat car il n’a jamais été admis au barreau. Nous l’avons appelé pour en avoir la confirmation, mais il n’a pas répondu à nos appels et messages. Cependant, nous avons reçu un certificat par message WhatsApp disant que Julien Tuyau a été admis au barreau de l’Honourable Society of Lincoln’s Inn le 26 novembre 2020. Nous attendons qu’un spécialiste nous confirme la véracité du message…

Pourtant, le Renewable Energy Committee qui, dans un premier rapport, le 7 juin, (voir plus bas) recommande au préalable au board d’approuver la demande de changement de site de la part de Corex Solar, s’est, lui, basé non sur l’avis de Mᵉ Khavi Chetty mais sur celui de son Legal Officer interne, Julien Tuyau. Alors que le communiqué du CEB parle d’avis externe, donc de celui, de toute évidence, de Khavi Chetty. C’est à ne rien comprendre.

Les deux rapports contradictoires

Il y a d’autres incohérences. Le Renewable Energy Committee avait, le 26 juin 2023, recommandé au board du CEB le rejet de la requête de Corex Solar pour changer de site d’opération. Or, ce même comité a, dans un précédent rapport, recommandé d’accepter la requête de Corex Solar. Nous avons pu voir ce document. Le problème c’est que ce rapport positif précède celui qui a rejeté la demande de Corex Solar. S’il y a deux rapports, celui du 26 juin, le plus récent, ne devait-il pas prévaloir sur celui du 7 juin ?

De plus, alors que le rapport du 7 juin s’appuie sur l’avis de Julien Tuyau, celui du 26 juin n’en fait aucune mention ! Pourquoi ? On peine d’autant plus à comprendre l’exclusion de l’avis de Julien Tuyau par le Renewable Energy Committee du 26 juin lorsque l’on se rend compte que dans le procès-verbal du board du 29 juin, il est dit que le Legal Officer (Julien Tuyau) était invité à «provide additional clarification on the issues raised». On note aussi une autre anomalie : dans le Renewable Energy Committee du 7 juin, deux membres n’étaient pas présents. Est-ce parce qu’ils ne voulaient pas participer à cette réunion décisive pour Corex Solar ou n’ont-ils pas été invités ? On constate également l’absence de la signature de l’Officer in charge Rajden Chowdharry dans la recommandation du comité du 26 juin, qui rejetait la demande de Corex Solar.

Le Renewable Energy Committee, de même que Julien Tuyau, s’appuie enfin vaguement sur deux autres points pour recommander d’accepter que Corex Solar change de site : l’environnement et l’intérêt national. Mais quand on pense que des centaines d’arpents de cannes à sucre qui nous rapportent des devises seront déracinées pour être remplacées par des panneaux photovoltaïques qui certes réduiront notre note d’importation de carburant mais qui seront installés et opérés par une firme étrangère, on se demande si le pays gagne réellement au change.

L’important c’est le contrat

Notre interlocuteur ingénieur nous explique que l’important c’est de mettre la main sur un contrat. «Ce n’est qu’après, avec le contrat en main, qu’on peut négocier avec les banques ou attirer des investisseurs.»

Indemnity clause en cas de soumissionnaires pas contents

Le CEB semble reconnaître le risque d’être poursuivi par des soumissionnaires pour avoir accepté la demande de Corex Solar. C’était d’ailleurs l’avertissement de Ravind Chetty. Pour contrer cette menace, Julien Tuyau a suggéré d’inclure une «Indemnity Clause» qui obligerait Corex Solar à indemniser le CEB. Premier problème : ce n’est en fait qu’une clause et des signatures. «Pourquoi pas une garantie bancaire ?» se demande un professionnel dans le métier. «Et si Corex Solar n’est plus en mesure d’indemniser ?» Deuxième problème : on ne sait pas quel montant sera cité. Notre interlocuteur : «S’il y a poursuite, ce sera pour un montant de plus de Rs 5 milliards car il faudra inclure des milliards pour ‘loss in revenue’.» Car pour notre interlocuteur qui est ingénieur, les Rs 5 milliards ne représenteraient que le coût de l’installation du projet.

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Mᵉ Khavi Chetty est prudent : il énonce son hypothèse au CEB «as per your instructions».