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Rééquilibrage géopolitique

1 août 2025, 05:30

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Après l’épisode embarrassant des bancs vides du Parlement panafricain de Midrand, Maurice doit redresser la barre. Une fenêtre politique s’ouvre : le sommet des chefs d’État de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), prévu les 17 et 18 août à Antananarivo. Ce rendez-vous, hautement symbolique, pourrait marquer un tournant diplomatique pour un pays longtemps en retrait des dynamiques régionales africaines. Dans un monde fragmenté, où l’Occident s’essouffle et où le Sud global affirme ses ambitions, l’heure n’est plus aux postures d’équilibriste. Il faut se replacer dans l’équation stratégique régionale – avec nos voisins.

Le sommet malgache est précédé d’un événement clé : la SADC Industrialisation Week, véritable agora de la transformation régionale. Pour une fois, États, entreprises, chercheurs, institutions financières et société civile se retrouvent autour de projets concrets : agro-industrie, souveraineté énergétique, chaînes de valeur régionales. La thématique – industrialisation, transformation agricole, transition énergétique – n’a rien d’un slogan. Elle traduit une urgence : celle de bâtir des économies résilientes face à la montée des prix, au désengagement des bailleurs traditionnels et à l’instabilité commerciale mondiale.

Le ministre malgache de l’Industrialisation, David Ralambofiringa, l’a dit clairement : Madagascar mise sur les circuits courts, la transformation locale, la souveraineté productive. L’Afrique du Sud, par la voix de Cyril Ramaphosa, attendu à Antananarivo pour sa première visite sur la Grande Île, vient appuyer cette vision. Ramaphosa, qui incarne la stature d’une Afrique stratégique et non alignée, porte dans ses valises l’influence des BRICS et une autre lecture de l’intégration régionale – non plus tournée vers l’aide extérieure, mais vers la fabrication de puissance depuis l’intérieur.

Sa visite est aussi symbolique : le dernier président sud-africain à s’être rendu à Madagascar était Frederik de Klerk, en 1990, dans un climat de rupture post-apartheid. Trentecinq ans plus tard, un autre moment charnière s’annonce : celui d’une refondation, postnéolibérale, du projet économique régional.

Mais pour Maurice, la situation est moins claire. Notre stratégie africaine reste floue, souvent dictée par des logiques de court terme, des luttes partisanes internes et l’illusion tenace selon laquelle Londres, Delhi ou Pékin suffiront à garantir notre avenir. Or, notre avenir se joue ici, dans notre zone, dans ce corridor indo-africain que dessinent les ports de Toamasina, de Nacala, de Durban. Il ne se décide pas dans les salons de Davos ni à Bruxelles, mais bien à Gaborone, à Maputo, à Antananarivo.

Il est temps de réactiver nos connexions régionales. Cela exige un agenda clair : renforcer la coopération portuaire avec Madagascar, accélérer le codéveloppement avec la Tanzanie, sécuriser nos approvisionnements alimentaires et énergétiques avec le Mozambique. Cela exige aussi une diplomatie plus visible, plus assumée, dans les enceintes régionales.

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Le sommet de la SADC à Antananarivo est une occasion de combler notre absence remarquée à Midrand.

Mais derrière les discours, un dossier sensible s’invite dans les couloirs du sommet : cinq Boeing 777-200 iraniens, immatriculés à Madagascar (pour contourner les sanctions internationales), qui ont atterri à Téhéran il y a environ deux semaines.

Si des entités sous sanctions opèrent depuis des juridictions comme Maurice, l’impact sur des accords préférentiels comme l’AGOA pourrait être immédiat. «Le risque est réel», avertit un diplomate américain. «Les États-Unis pourraient revoir leur accès au marché.»

Dans ce contexte, le rôle de Cyril Ramaphosa comme médiateur discret pourrait s’avérer crucial. L’Afrique du Sud, pivot entre les BRICS et les partenaires occidentaux, est idéalement placée pour éviter que ce dossier ne cristallise les tensions. Car au fond, ce sommet malgache illustre les dilemmes profonds d’une région à la croisée des chemins : entre souveraineté économique, contraintes réglementaires globales et rivalités géopolitiques.

Pour Maurice, il ne s’agit plus de choisir un camp. Il s’agit de retrouver une vision régionale claire, proactive et alignée sur ses intérêts profonds. L’avenir se joue à Madagascar. À nous de ne pas rater le train cette fois.

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