Publicité
Budget
Réformes indispensables et revendications sectorielles
Par
Partager cet article
Budget
Réformes indispensables et revendications sectorielles

À une semaine de la présentation du premier Budget du nouveau gouvernement, les différents secteurs économiques ont déjà formulé leurs attentes. Toutefois, dans un contexte marqué par Le «lourd héritage» laissé par l’ancien gouvernement – comme l’a souligné le junior minister aux Finances, Dhaneshwar Damry –, des réformes structurelles s’imposent pour relancer l’économie. L’objectif affiché est la réduction de la dette. Une mission ambitieuse, alors que la dette publique avoisine les 90 % du Produit intérieur brut (PIB) et que le déficit budgétaire pourrait atteindre 9,5 % du PIB à la fin de l’année fiscale en juin. Dans ce contexte, les revendications des secteurs économiques sont nombreuses, mais l’incertitude plane quant à leur prise en compte réelle dans le Budget. Pour certains opérateurs, la crainte que leurs doléances passent au second plan au nom de la rigueur budgétaire est bien présente.
🟦Sous le poids du passé, les PME en quête d’appui adapté
Maya Sewnath, vice-présidente de SME Chambers
«Nous avons une grande crainte. Les PME évoluent dans un climat d’insécurité», soutient Maya Sewnath (photo), vice-présidente de SME Chambers. Elle déplore que plusieurs subventions , autrefois accessibles aux petites et moyennes entreprises (PME) – telles que les aides pour l’achat de machinerie et d’ordinateurs ou pour l’amélioration technologique – aient été supprimées. «Aujourd’hui, nous avons peur de ce que le prochain Budget nous réserve.»
Malgré les promesses récurrentes des différents gouvernements d’avoir un «œil spécial» sur les PME, Maya Sewnath se demande si cela se traduira concrètement cette fois-ci. Elle insiste que l’une des demandes majeures du secteur est l’effacement des dettes contractées auprès de la Banque de développement pour le paiement des salaires durant la période de Covid-19. «C’est devenu un lourd fardeau, d’autant plus que les intérêts ont augmenté, ce qui alourdit nos charges financières», dit-elle.
Un autre point de blocage concerne l’importation de travailleurs étrangers. Elle affirme que les mesures imposées par le ministère du Travail compliquent le processus et accentuent les difficultés pour certaines entreprises. Pour soulager les PME, la vice-présidente de SME Chambers propose la création d’un guichet unique (one-stop shop) pour accompagner les entrepreneurs, faciliter leur accès aux marchés, leur permettre de vendre leurs produits et surtout, leur accorder une discrimination positive dans les appels d’offres publics, afin qu’elles puissent obtenir plus de contrats gouvernementaux. Elle regrette également que les PME du secteur manufacturier traversent une période difficile en raison de la hausse salariale et de la concurrence croissante des produits importés qui inondent le marché local. «Il est urgent de revoir les mécanismes de soutien à travers des subventions ou des prêts à taux préférentiels», plaide-t-elle.
Malgré leur contribution significative à l’économie – plus de 40 % du PIB –, elle estime que les PME sont trop souvent reléguées au second plan face aux grandes associations qui, selon elle, bénéficient de davantage d’appui. «On en parle beaucoup, mais nous ne voyons pas ce soutien sur le terrain», dit-elle.
🟦Preetam Seewoochurn : «L’industrie hôtelière sera fondamentale pour la relance économique de Maurice»
Preetam Seewoochurn, consultant en tourisme
Alors que le gouvernement compte apporter des réformes structurelles dans le cadre du prochain Budget, Preetam Seewoochurn (photo), consultant en tourisme, souligne l’importance de mesures ciblées pour faire face aux défis persistants du secteur touristique et soutenir sa relance. Pour lui, l’industrie hôtelière jouera un rôle déterminant dans la reprise économique de Maurice, notamment au vu des pertes substantielles qu’elle a subies pendant la pandémie. «En se positionnant comme un acteur clé du secteur touristique, elle contribuera significativement au rétablissement des revenus en devises, essentiels à la stabilité économique du pays», dit-il.
Il estime que la réouverture des établissements hôteliers stimulera la création d’emplois directs et indirects, en particulier dans des secteurs connexes comme le transport, l’agriculture et les services. Cela permettra, selon lui, une relance inclusive. Par ailleurs, l’industrie, ajoute-t-il, devra répondre aux attentes croissantes des voyageurs en matière de tourisme durable et d’expériences personnalisées, ce qui renforcera l’avantage compétitif de Maurice sur la scène mondiale. L’investissement dans la numérisation et la formation professionnelle permettra également d’améliorer la qualité des services, attirant ainsi davantage de touristes et d’investisseurs. «En soutenant les projets locaux et en diversifiant l’offre (écotourisme, tourisme culturel), l’industrie hôtelière contribuera à une croissance économique durable et résiliente», soutient-il.
Mais pour créer un environnement commercial plus favorable et soutenir l’industrie hôtelière, plusieurs réformes s’imposent, selon lui. Il cite en priorité la simplification et la numérisation des procédures d’octroi de permis (construction, environnement, tourisme), qui réduiraient les délais d’investissement. Il souligne aussi la nécessité d’une réforme foncière afin de faciliter l’accès à des terrains aménagés pour des projets touristiques. Une stabilité fiscale et une meilleure prévisibilité des politiques économiques contribueraient à rassurer les investisseurs étrangers. Il propose également de renforcer la connectivité aérienne via des accords avec de nouveaux marchés comme l’Asie, le Moyen-Orient ou encore l’Afrique. Il juge enfin essentiel de développer des formations spécialisées pour garantir une main-d’œuvre qualifiée et multilingue, et d’introduire des incitations fiscales pour encourager les établissements hôteliers à adopter des pratiques écologiques. Ces réformes cohérentes et bien structurées permettraient, dit-il, de renforcer la compétitivité et la résilience du secteur hôtelier.
🟦Les doléances de la BACECA pour un secteur de la construction plus résilient et moderne
Les demandes de la Building and Civil Engineering Contractors Association (BACECA) sont nombreuses et concernent plusieurs axes clés du secteur de la construction, notamment le développement immobilier, l’impact du changement climatique sur les projets, la révision des normes et standards, la réduction des émissions de carbone ainsi que la promotion de la construction verte et durable. Dans son mémoire budgétaire, l’association sollicite des mesures de soutien pour les entreprises en difficulté confrontées à l’inflation, à la hausse des salaires et à des problèmes de trésorerie. Elle demande notamment la possibilité de reporter les pertes fiscales des entreprises de la construction sur une période minimale de cinq ans. Pour alléger la pression sur la trésorerie des entreprises, la BACECA propose que la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ne soit reversée qu’après réception du paiement correspondant à la facture. Elle souhaite aussi un encadrement strict des délais de paiement des travaux effectués : la certification des demandes de paiement mensuelles dans un délai de 14 jours et le versement dans un délai maximal de 28 jours, soit un total de 42 jours au maximum.
■ Selon la BACECA, il serait judicieux de faire la promotion du secteur de la construction comme un choix de carrière attractifpourles jeunes.
Autre proposition majeure : la mise en place d’un cadre légal pour protéger les entrepreneurs en cas de faillite des promoteurs. Cela inclurait, entre autres, des garanties de paiement, un priv- ilège sur le bien immobilier ou l’interdiction de la vente du bien jusqu’au règlement de toutes les sommes dues. La BACECA met aussi l’accent sur la pénurie de main-d’œuvre. Elle propose une collaboration plus étroite entre le gouvernement et le secteur privé pour offrir des stages et des formations pratiques sur les chantiers afin de préparer la relève. Elle encourage également la promotion du secteur de la construction comme un choix de carrière attractif pour les jeunes, en mettant en avant les perspectives de croissance, la sécurité de l’emploi et les opportunités entrepreneuriales.
L’association réclame la création d’une Chambre de métiers, fruit d’un partenariat publicprivé, pour enregistrer les artisans qualifiés dans une base de données centrale accessible aux employeurs à la recherche de compétences. Parmi ses autres doléances figurent la réduction des frais de permis de travail pour les aligner sur ceux du secteur manufacturier, la facilitation des démarches auprès du Passport and Immigration Office pour l’obtention des permis de résidence et la mise en place d’une procédure accélérée pour l’obtention des permis liés aux dortoirs. La BACECA appelle également à une plus grande inclusion des jeunes et des femmes dans le secteur à travers des programmes de formation, de mentorat et des incitations fiscales, ainsi que des initiatives en faveur de la diversité. En matière d’innovation, elle met en avant l’importance de la préfabrication, de la construction modulaire, de la robotisation, et de l’utilisation de drones et de capteurs. Elle demande des incitations fiscales, des subventions et des exemptions de la TVA pour les entreprises investissant dans la technologie et l’informatique. Enfin, s’agissant des marchés publics, la BACECA insiste sur la nécessité de mieux soutenir les entrepreneurs locaux et de favoriser le contenu local dans les contrats publics.
🟦Mauritius Finance plaide pour une réforme fiscale et un cadre réglementaire innovant
Sur le thème de la facilitation des affaires (Ease of Doing Business), Mauritius Finance formule plusieurs propositions pour renforcer l’efficacité réglementaire. Parmi ses demandes, elle souhaite la mise en place d’un système de traitement accéléré (fast track) à la Financial Services Commission (FSC) pour les dossiers des candidats à haute valeur ajoutée que sont des fonds d’investissement, les institutions financières de développement, les bureaux familiaux et les grandes entreprises internationales (multinationales et licornes). L’association propose également la création d’un guichet de réclamations à la FSC afin de gérer les retards liés aux demandes, autorisations et nominations des agents, entre autres. Elle préconise en outre l’adoption d’un système centralisé d’identification électronique (Central e-KYC) entre les différents organismes de régulation de Maurice dès la prochaine année financière.
Concernant la protection des investisseurs dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), Mauritius Finance insiste notamment pour que le pro- tocole d’investissement ne soit pas moins favorable que les accords bilatéraux existants en matière de règlement de différends entre investisseurs et États (ISDS). Elle recommande aussi que Maurice conserve ses accords bilatéraux d’investissement (IPPA) malgré la mise en place de la ZLECAf et veille à ce qu’aucune clause limitant les avantages (Limitation of Benefits) ne disqualifie les Global Business Companies. Sur le plan fiscal, Mauritius Finance appelle à une révision approfondie de la politique d’évaluation fiscale du gouvernement afin de préserver l’attractivité fiscale de Maurice, et d’offrir aux investisseurs la certitude et la prévisibilité nécessaires. Elle suggère aussi l’introduction d’une réglementation permettant la domiciliation des stablecoins à Maurice pour positionner le pays comme une juridiction favorable à la fintech et aux acteurs des actifs numériques. Enfin, elle recommande d’intégrer les cryptomonnaies comme classe d’actifs alternative dans la loi sur les valeurs mobilières (Securities Act).
🟦Business Mauritius appelle à renforcer les fondations structurelles de l’économie
Dans son mémoire, Business Mauritius souligne que la communauté des affaires a traversé une année particulièrement complexe. Les modèles économiques sont plus que jamais mis à l’épreuve avec une augmentation de 40 % des coûts salariaux, en plus de la hausse générale des coûts, notamment l’électricité et d’autres charges. Parallèlement, le climat des affaires se détériore progressivement, comme en témoigne la position du pays dans le rapport Business-Ready de la Banque mondiale. Business Mauritius demande ainsi de renforcer les fondations structurelles de l’économie en améliorant la connectivité maritime et aérienne, l’efficacité des entreprises, la productivité de la main-d’œuvre et le positionnement global de Maurice. Il est aussi nécessaire d’identifier des opportunités de croissance transformative en innovant dans de nouveaux secteurs, tout en assurant que le progrès économique soit résilient face aux défis climatiques, environnementaux et de durabilité. «Plus que jamais, nous devons créer un environnement attractif pour les investisseurs locaux et internationaux afin de favoriser les opportunités pour Maurice», peut-on lire dans son mémoire.
Sur la compétitivité à l’export, l’association propose plusieurs mesures clés, dont la mise en place d’un comité mixte public-privé renforcé pour piloter la transformation stratégique du port, incluant des stratégies à court, moyen et long termes pour renforcer à la fois la Mauritius Ports Authority (MPA) et la Cargo Handling Corporation Ltd (CHCL). Elle demande la création d’une société Portscope dédiée à la gestion des infrastructures portuaires, distincte des entités réglementaires (MPA) et opérationnelles (CHCL). On y trouve aussi l’attraction d’investissements minoritaires stratégiques de l’ordre de USD 200 à 400 millions dans cette société pour financer des améliorations urgentes des infrastructures. Dans le secteur aérien, Business Mauritius demande la création d’un comité mixte public-privé pour définir une politique robuste d’accès aérien, le développement du hub aéroportuaire via une politique tarifaire compétitive, notamment pour Air Mauritius depuis les marchés clés, ainsi que la réduction des coûts aéroportuaires pour les compagnies et les passagers. Le développement de nouveaux marchés, en particulier dans les régions Asie-Pacifique et Asie du Sud-Est en forte croissance, est aussi une priorité.
Enfin, concernant la facilitation des affaires, l’association propose d’instaurer un comité directeur sous la tutelle du ministère des Finances et de l’Economic Development Board, co-présidé par Business Mauritius, pour améliorer le climat des affaires. Elle recommande également la mise en œuvre d’une évaluation d’impact réglementaire (RIA) pour optimiser le cadre réglementaire et l’adoption d’une stratégie nationale cohérente pour la digitalisation des services publics.
🟦La Mauritius Bankers Association plaide pour un assouplissement des règles bancaires et immobilières
Dans son mémoire, la Mauritius Bankers Association, au niveau de la facilitation des affaires (Ease of Doing Business), demande une modification de l’article 315 de la Companies Act 2001 afin que les fonds des sociétés en liquidation puissent être transférés directement par une institution financière au Registrar of Companies, sans qu’il soit nécessaire d’obtenir une ordonnance de la Cour, comme cela se faisait auparavant.
Concernant le secteur immobilier, l’association propose de revoir le seuil de financement bancaire local qui est le remplacement du seuil fixe de USD 750 000 par un critère basé sur un pourcentage. Elle demande aussi à autoriser que 30 % du prix de vente proviennent de fonds étrangers, tandis que les 70 % restants soient éligibles au financement en roupies mauriciennes ou en d’autres devises. Parmi ses demandes, les remboursements de prêts devraient être transférés aux banques mauriciennes en devises étrangères. Pour ce qui est de l’exemption pour les résidents étrangers, elle demande que ces derniers, détenteurs de permis de résidence, d’investisseur ou d’occupation, puissent utiliser des fonds détenus localement issus d’activités ou d’investissements antérieurs à Maurice sans nécessiter de nouveaux transferts depuis l’étranger.
🟦La Chambre de commerce formule 168 recommandations clés pour dynamiser le prochain budget
Dans ses 168 recommandations pour le prochain Budget, la Chambre de commerce propose, entre autres, d’introduire des mesures de réduction fiscale sur une période de trois ans afin de stimuler l’activité industrielle, de renforcer la compétitivité à l’exportation et d’accroître la résilience des entreprises. Elle préconise également la mise en place d’un Brownfield Investment Enhancement Scheme, la révision de la taxe sur le sucre étendue aux produits sucrés non de base ainsi que la réintroduction du droit de franchise douanière pré-Covid sur les boissons alcoolisées. Par ailleurs, la Chambre recommande l’instauration d’un crédit d’impôt de 50 % sur les frais de consultance éligibles versés à des experts étrangers dans les domaines de la fabrication, de l’intégration technologique et de l’efficacité industrielle, crédit imputable sur l’impôt sur les sociétés et reportable sur cinq ans. Enfin, elle souligne l’importance d’incitations en matière de recherche et développement ainsi que le financement pour favoriser une crois- sance axée sur l’innovation.
Publicité
Publicité
Les plus récents




