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Visées de Lee Shim à Madagascar

Réinventer les courses et l’élevage équin sur la Grande île

30 août 2024, 14:00

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Réinventer les courses et l’élevage équin sur la Grande île

People’s Turf PLC (PTP) pliera bagage le 6 octobre. Jean-Michel Lee Shim (JMLS) ne souhaiterait plus être présent au Champ-de-Mars. PTP devrait, en fonction du verdict des élections, continuer ses activités à Petit- Gamin à partir de juin 2025. «Pas avant», nous dit-on. Entre-temps, une autre idée a germé dans l’esprit du magnat des jeux : Madagascar. Un voyage de presse a été organisé à cet effet. Est-ce du sérieux ? En tout cas, pour l’heure, il est question, au vu des rencontres officielles, des séances de travail et des visites sur site, d’une prise en charge intégrale d’une industrie hippique malgache qui peine à décoller malgré un potentiel énorme. Rehausser le niveau des courses locales, développer un projet d’élevage visant à faire transiter des poulains à Petit- Gamin pour la vente et mettre à contribution les vastes terres malgaches pour la fabrication de nourriture équine à des fins d’exportation sont au programme.

1.jpg De vastes terres à Ihazolava où de la nourriture pour chevaux pourrait potentiellement être cultivée après des négociations avec les propriétaires.

Que va réellement faire JMLS à Madagascar ? La plupart des Mauriciens pensent que l’homme d’affaires et magnat des jeux compte y organiser des courses, comme pour échapper aux tribulations liées à PTP à Maurice. Et si les soucis de popularité de PTP avaient pu contraindre JMLS à être prophète hors de son pays, la proposition d’investissement à Madagascar ne serait guère une lubie de milliardaire capricieux, mais bien un projet réfléchi. On vous explique.

2.jpg La journée de courses à Mahazina, dimanche, a attiré 10 000 personnes.

Le déplacement d’une délégation mauricienne, à l’invitation de l’Autorité hippique pour les courses et l’élevage de chevaux à Madagascar (AHCEL), a en effet offert l’occasion de bien mesurer les visées de l’empire Lee Shim et ses implications sur la Grande île. Parlons d’abord des courses à Madagascar. Une saison ne dure que 12 semaines. Les chevaux sont entraînés sur l’hippodrome de Mahazina. Certains chevaux sont logés et nourris sur l’hippodrome, tandis que d’autres sont ramenés chez leurs propriétaires, qui possèdent des terrains dont la superficie ferait jalouser les grands propriétaires fonciers mauriciens.

3.jpg Quatre heures de route ont été nécessaires pour voir une jument pleine à Ambohimandroso.

Le niveau de la compétition n’est pas fameux. Les chevaux sont certes des purs-sang, mais ils n’ont pas le niveau de l’industrie mauricienne. Les jockeys non plus ! Les entraîneurs non plus ! L’organisation est faite avec les moyens du bord. Pas de stalles, pas de photo-finish. Pas de confort non plus. Quant aux sanitaires, mieux vaut ne pas en parler. Reste que comparer Maurice à Madagascar sur ce seul critère est un faux débat.

4.jpg La provende donnée aux chevaux malgaches est entièrement produite localement.

«Le projet est viable financièrement»

L’industrie malgache, en réalité, n’a jamais vraiment décollé. C’est une certitude, basée sur ce que nous avons observé. Il faut comprendre qu’il n’y a pas de betting comme à Maurice. Personne ne gagne de l’argent. Les paris sont limités au tiercé et au quarté. Les Malgaches se déplacent parce qu’ils adorent les courses. Quelque 10 000 personnes se retrouvent sur l’hippodrome de Mahazina, à pied ! Seuls les nantis possèdent des véhicules là-bas !

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Lors d’un point de presse au Louvre, un hôtel de Tana, JMLS a expliqué que «la passion des Malgaches pour ce sport me stupéfait !» Cela, alors que «le betting n’est pas présent». Pour lui, le projet est viable financièrement. D’une part, il s’agit de capitaliser sur cette passion, et, d’autre part, de miser sur les 50 millions d’habitants et potentiels parieurs de l’île. À noter que BET261 est présent sur l’île, mais seuls les paris sur les courses étrangères sont permis. Pourquoi ? Les courses de l’AHCEL seraient-elles trop amateurs et non conformes au niveau que BET261 exige ?

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Officiellement, les courses locales n’entrent pas dans le cadre de la convention entre PMU (Pari mutuel urbain) France et BET261. «Parier et organiser des paris sur les courses locales sont trop coûteux pour eux», a affirmé Mamy Tiana Raberahona, chargé de communication de l’AHCEL. De plus, un conflit de longue date opposait PMU France et PMU Madagascar, ce qui a mis fin à leur partenariat de plus de 21 ans. La rupture en 2018 était due à un désaccord au niveau de l’AHCEL. Le président de ce dernier, Michelson Rakotoarisoa, avait déclaré que PMU Madagascar n’avait pas respecté les termes de cette coopération. BET261 ne pouvait donc, à son tour, vendre le produit de l’AHCEL faute d’agrément.

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Cela laisse penser que BET261, si le projet de Lee Shim se concrétise, pourrait vendre les courses locales à l’issue de nouvelles négociations et d’une amélioration du cadre de la convention exigée par les opérateurs de paris, ou encore de la prise en charge de certains besoins techniques. Pour ce faire, il serait nécessaire de développer au mieux l’infrastructure de l’hippodrome, même de manière légère, dans un premier temps : réaffectation de la piste, changement des barrières servant de false rails, achat de stalles, investissements en matière d’aménités comme l’eau et l’électricité etc. JMLS est toutefois catégorique : «Pas de paris à cotes fixes.» Pas question de pervertir les courses malgaches. Il appartiendra maintenant à l’AHCEL de négocier avec le gouvernement malgache et d’obtenir toutes les autorisations nécessaires pour faire avancer le projet.

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L’élevage, déjà une affaire courante à Madagascar

Venons-en au projet d’élevage. Il semble que ce soit la partie la plus importante pour Global Equestrian Ltd (GEL). Le savoir-faire malgache en matière de reproduction équine a convaincu. Plusieurs poulains sont nés sans problème. Les visites à Ambohimandroso ont démontré que de nombreuses personnes maîtrisent cette science.

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L’investissement dans des fermes malgaches a été évoqué. Le projet consisterait à envoyer des juments déjà pleines à Madagascar pour y mettre bas. La main-d’oeuvre locale étant moins chère qu’en Afrique du Sud ou à Maurice, et l’expertise malgache étant déjà avérée, les poulains seraient ensuite envoyés par avion à Petit-Gamin à l’âge de 12 mois. L’apprentissage se fera à Petit-Gamin grâce à nos entraîneurs basés à Maurice. Une fois en âge de courir, certains seront vendus à l’étranger ou pourront courir à Maurice ou à Madagascar.

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Terrain à perte de vue : Aubaine pour la culture

Enfin, JMLS souhaiterait miser sur la production de nourriture locale. Le sol malgache est riche, voire aussi riche, qu’en Afrique du Sud, ce qui rend l’élevage intéressant. La nourriture donnée aux chevaux malgaches est produite localement. La provende est donnée aux chevaux. «C’est une formule à 20 % de protéines. On ajoute des graines d’orge, des graines de padi et de l’avoine», a expliqué Michelson Rakotoarisoa, président de l’AHCEL. Les fournisseurs sont nombreux. «Dans la région d’Ambatolampy, il y a beaucoup de cultivateurs. La terre est vaste», a-t-il ajouté.

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La visite s’est terminée à Ihazolava. Plus de 1 000 hectares de terres cultivables pourraient produire de la nourriture pour chevaux, destinée au marché local malgache, qui devrait bientôt être en plein essor si JMLS concrétise son partenariat avec l’AHCEL, mais aussi pour l’exportation, notamment vers l’île Maurice. La main-d’oeuvre, le coût du transport des marchandises et le fret feraient du produit un concurrent très compétitif.

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Jonathan André Chatigan (de Madagascar)