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Hôpitaux

Repas mal gérés et patients négligés

26 juillet 2025, 12:00

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Repas mal gérés et patients négligés

Un rapport d’audit publié en juin par le Bureau national d’audit (NAO) révèle de graves carences dans la gestion des repas servis aux patients des hôpitaux. Réalisée sur deux ans, l’enquête Improving the Provision of Patient Meals in Hospitals met en évidence des dysfonctionnements majeurs touchant l’organisation, l’hygiène, la nutrition et la gestion financière de la restauration hospitalière, essentielle au rétablissement des patients. Conformément à l’article 16 (1A) de la Finance and Audit Act, le rapport formule plusieurs recommandations pour améliorer la qualité de ce service.

Chaque jour, environ 10 000 repas et 10 500 collations sont préparés pour le personnel dans douze unités réparties sur cinq hôpitaux régionaux et deux établissements spécialisés. En 2023-2024, près de Rs 180 millions ont été dépensées pour l’achat des denrées alimentaires et les salaires des 160 employés concernés. Pourtant, malgré cet investissement, l’audit relève d’importants «écarts de performance» sur cinq axes principaux : absence de directives claires, supervision insuffisante, nonrespect des normes d’hygiène, planification nutritionnelle déficiente et mauvaise gestion des fonds.

Le rapport dénonce notamment des lacunes institutionnelles majeures. Le ministère de la Santé n’a pas établi de lignes directrices spécifiques à la restauration hospitalière publique. En conséquence, aucune procédure formelle ne régule la manipulation des aliments ou la gestion des restes. Certaines pratiques observées vont à l’encontre de la Food Act, pourtant applicable et le service est considéré comme un «service allié», donc secondaire, ce qui limite son encadrement et ses priorités.

Suivi insuffisant

Le suivi des performances apparaît lui aussi insuffisant. Aucun indicateur n’est utilisé pour mesurer la satisfaction des patients, la ponctualité des livraisons ou le gaspillage alimentaire. De plus, les données financières sont incomplètes, les rapports transmis de manière sporadique, souvent uniquement après des plaintes. Le NAO recommande la mise en place d’indicateurs clés et d’un système de reporting structuré afin d’assurer un suivi rigoureux.

Sur le plan sanitaire, plusieurs irrégularités ont été constatées. Des légumes mal conservés (non frais) étaient entreposés dans certaines chambres froides, tandis que moins de dix inspections ont été effectuées en deux ans dans les hôpitaux Jeetoo, Victoria et Brown-Séquard. Le manque de personnel qualifié et l’absence de mécanismes internes de contrôle expliquent en partie ces manquements. Le rapport insiste sur la nécessité d’un suivi strict à chaque étape de la chaîne de restauration.

Au-delà de l’hygiène, l’audit pointe des insuffisances nutritionnelles importantes. Aucun mécanisme d’évaluation des besoins des patients n’est en place, ni directives diététiques claires. Le rôle des nutritionnistes est limité, puisqu’ils ne sont pas habilités à poser des diagnostics thérapeutiques. Dans certains établissements, aucun plan de repas n’a été prévu pour les enfants et des repas sont parfois ignorés par les patients.

Pour y remédier, le rapport recommande l’intégration d’évaluations nutritionnelles, l’élaboration de directives alimentaires adaptées, le recrutement de diététiciens cliniques, la standardisation des menus, ainsi que la réalisation régulière d’enquêtes de satisfaction. Il préconise également d’améliorer la qualité gustative des repas en tenant compte des retours des patients. Sur le plan budgétaire, le rapport met en évidence une hausse continue des dépenses sans amélioration notable des services. Les dépenses liées à la rubrique «Provision and Stores» sont passées de Rs 218,10 millions en 2019-2020 à Rs 282,56 millions en 2023-2024, avec un pic à Rs 297,36 millions en 2022- 2023. Ces chiffres n’incluent ni les salaires ni les coûts d’entretien. Par ailleurs, des imprécisions dans les fiches diététiques entraînent une surestimation du nombre de repas et un projet visant à moderniser les équipements (chariots et conteneurs) reste à finaliser. Le NAO recommande la création d’un poste budgétaire dédié, une meilleure planification des projets, ainsi qu’un contrôle accru des données.

Sur le terrain, des observations concrètes illustrent ces défaillances. À l’hôpital SAJ, des mouches circulaient dans les cuisines, des ustensiles brûlés étaient utilisés et des pichets en plastique servaient à distribuer la soupe et le thé. À l’hôpital Jawaharlal Nehru, la volaille et le poisson étaient décongelés sous l’eau courante, une pratique non conforme aux normes. Toujours à l’hôpital SAJ, des aliments étaient entreposés à même le sol ou dans des zones non appropriées. Des problèmes de ventilation, de saleté des sols et de drainage ont également été signalés. Parfois, la zone de lavage servait aussi à préparer poisson et poulet, ce qui compromet l’hygiène.

La formation du personnel est aussi pointée du doigt. Certains travailleurs non formés manipulent les repas ou effectuent le nettoyage sans certification appropriée. Les relevés de température dans les chambres froides ne sont pas toujours effectués et la température de stockage reste souvent inadéquate. Parmi les établissements visités, seul l’hôpital SSRN dispose d’un local à température contrôlée. Pour y remédier, le rapport recommande de renforcer les infrastructures, de former le personnel aux normes d’hygiène et de mettre en place des mécanismes de contrôle plus stricts.

En réaction, le ministère de la Santé indique avoir adapté les lignes directrices de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en matière d’échelles diététiques depuis 2018. Il prévoit également de transformer les protocoles de sécurité alimentaire en fiches de contrôle quotidiennes à l’usage du personnel de restauration.

En conclusion, malgré les efforts engagés, le rapport recense près de 4 millions de repas servis en 2023-2024, mais cela ne suffit pas à compenser les dysfonctionnements relevés. Le NAO insiste sur la nécessité d’une gouvernance renforcée, de lignes directrices opérationnelles claires, d’une allocation plus efficiente des ressources, ainsi que d’une meilleure prise en compte des besoins nutritionnels des patients. Un audit de suivi est prévu pour évaluer les mesures mises en place.

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