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Retombées économiques de l’accord des Chagos
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Retombées économiques de l’accord des Chagos

Soixante ans après l’accord inique de Lancaster House, Londres et Port-Louis ont signé, jeudi dernier, le traité devant donner force de loi à la rétrocession de l’archipel des Chagos à la République de Maurice. Selon les termes de cet accord, Maurice est appelé à jouir d’une souveraineté absolue sur les Chagos, y compris Diego Garcia. Du coup, notre frontière maritime s’élargit de 639 611 kilomètres carrés. Ce qui fait que notre zone économique exclusive va s’étendre à 3 millions de kilomètres carrés. De quoi donner de la substance à notre ambition de devenir une grande Nation-océan.
Il ne reste qu’une dernière étape avant que le processus de décolonisation de notre territoire ne soit complété : c’est la ratification du traité par le House of Commons et le House of Lords. Celle-ci devrait, selon l’Attorney General, Gavin Glover, intervenir en avril 2026. De là, il faudra attendre 21 jours avant le premier paiement de £ 165 millions (environ Rs 10,16 milliards, selon le taux de change du jour), à titre de loyer perçu sur la base militaire de Diego Garcia (£ 120 millions) et comme appui au développement (£ 45 millions). La bonne nouvelle, c’est que ces Rs 10,16 milliards – qui représentent environ 1,5 % du PIB – sont considérées comme un Budget support et qu’il n’y a donc pas de restrictions sur la façon dont l’État mauricien pourra utiliser cet argent dans l’élaboration de sa politique fiscale.
Toutefois, étant donné que le premier décaissement de la Bank of England vers la Banque de Maurice se fera vers mai 2026, le gouvernement ne sera potentiellement pas en mesure de recourir à cette manne financière pour financer le Budget 2025-2026. Ce n’est pas une si mauvaise chose car le Premier ministre, Navin Ramgoolam, sera repoussé jusque dans ses derniers retranchements et devra aller jusqu’au bout de ses idées de réforme des finances publiques et de l’économie.
S’il réussit ce test et qu’arrivé à la fin de l’exercice fiscal 2025-2026, l’on voit les premières retombées positives du processus de réforme autant sur les finances publiques (déficit budgétaire et dette publique) que sur la trésorerie des corps parapublics, le Premier ministre et son équipe de techniciens au ministère des Finances pourront engager la réflexion sur comment utiliser judicieusement le support budgétaire des Britanniques pour soutenir l’économie réelle et faire progresser le développement humain.
Ayant négocié un frontloading (paiement en anticipation), les pouvoirs publics disposeront sous ce quinquennat d’une enveloppe de quelque Rs 40,6 milliards. Mise en perspective, cette somme est colossale. D’où la nécessité que l’État garde une transparence totale sur l’utilisation de ce fonds public, qu’il serve à alimenter le Consolidated Fund ou un fonds spécial. De même, il serait judicieux que ce fonds soit utilisé hors du cadre de réflexion du redressement des finances publiques.
Ce gouvernement dispose d’une fenêtre de cinq ans pour décélérer le train de vie de l’État et diminuer progressivement la dette publique. Parler de ramener la dette publique autour du seuil des 60 % à l’horizon 2029 serait sans doute présomptueux quand on connaît l’état des finances publiques. Envisager un paiement anticipé de la dette n’est pas non plus la solution, car cela pourrait accentuer la pression sur la trésorerie publique plus que toute autre chose. La solution à la dette publique réside plus dans la croissance que dans l’abaissement de sa valeur nominale. Autrement dit, plus la croissance sera forte, plus la valeur de la dette publique mesurée en termes de PIB sera abaissée. Le pays ne pourra pas mettre sur pause les gros projets d’infrastructures comme l’amélioration du réseau routier, la construction de mini-réservoirs, le remplacement des canalisations défectueuses ou encore les projets d’extension du système de tout-à-l’égout. Ce sont des projets budgétivores qui sont financés en grande partie par des dettes contractées auprès des institutions multilatérales.
Donc, pour générer plus de croissance et rendre la dette soutenable, le gouvernement devra appliquer avec succès son programme de réformes axé sur la productivité, la compétitivité et l’innovation. L’extension de notre frontière maritime avec l’annexion des Chagos doit s’inscrire dans cette réflexion sur la croissance. L’étendue maritime entourant l’archipel est riche en poisson, notamment en thon. À moyen terme, pour dynamiser la filière thonière, le gouvernement pourrait aider les entreprises locales à investir dans des thoniers senneurs pour aller pêcher dans les eaux poissonneuses des Chagos, au lieu de dépendre systématiquement des bateaux de pêche étrangers européens, taïwanais, japonais et autres contre paiement de droits de pêche.
Au-delà de la question de souveraineté territoriale, l’accord sur les Chagos place d’abord Maurice dans la catégorie des États rentiers avec £ 165 millions par an sécurisées lors des 13 premières années du deal, +£ 165 millions garanties pour les 14e à 28e années du deal avec les ajustements au taux d’inflation et +£ 120 millions pour les décennies restantes avec les ajustements au taux d’inflation. Ensuite, économiquement parlant, l’accord garantit de nouvelles richesses au pays tout en lui permettant de se positionner à la face du monde comme une grande Nation-océan.
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