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Témoignage de l’ex-«Head of Corporate Services Division»

Révélations sur les dessous de la déposition de la Banque centrale contre Bheenick

16 mai 2024, 09:30

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Révélations sur les dessous de la déposition de la Banque centrale contre Bheenick

«Koz manti si bizin pou kul li»

Le procès intenté par l’ancien gouverneur de la Banque de Maurice (BoM), Rundheersing Bheenick, contre l’État, le commissaire de police et Heman Jangi, l’ex-assistant commissaire (ACP) alors responsable du Central Crime Investigation Department (CCID), pour arrestation arbitraire et autres «fautes lourdes», le 13 février 2015, arrive enfin à sa conclusion après neuf ans d’attente. Cela, avec des révélations troublantes qui ont émergé lors du témoignage de l’ancien cadre de la BoM, Jayendra Kumar Ramtohul, qui était à la barre des témoins mardi. Il a expliqué les circonstances dans lesquelles il avait été appelé à faire une déposition à la police contre l’ancien gouverneur et que celle-ci avait déjà été préparée à l’avance avec l’aide d’un Senior Counsel.

Jayendra Kumar Ramtohul occupait le poste de Head of Corporate Services Division à la BoM avant de prendre sa retraite en 2016. Il a expliqué que l’affaire Bheenick a démarré avec une réunion de la BoM le 10 février 2015. Ramesh Basant Roi et le First Deputy Governor d’alors, Yandraduth Googoolye, étaient de ceux présents. Il a été alors convenu que Jayendra Kumar Ramtohul allait faire une déclaration à la police au nom de la banque sur les documents emportés par Rundheersing Bheenick. «Basant Roi m’a dit une chose qui m’a choqué ce jour-là. Il m’a dit, koz manti si bizin pou kul li», a déclaré le témoin. Le lendemain, il s’était rendu aux Casernes centrales pour consigner la déposition, déjà préparée à l’avance.

Déposition modifiée

L’ancien cadre de la banque a fait d’autres révélations sur la déposition qu’il avait faite aux Casernes centrales ce jour-là. Bien que le document ait été préparé à l’avance, il a déclaré en cour que durant la déposition, certains mots avaient été modifiés pour correspondre au jargon de la police. Alors que sa déclaration devait finir avec la phrase «a number of documents were untraceable and may have been taken by Mr Rundheersing Bheenick», l’ex-ACP Heman Jangi aurait donné des instructions pour que la phrase initiale soit réécrite : «The Bank has grounds to believe that Mr Rundheersing Bheenick has misappropriated the documents.» Ces manipulations suggèrent ainsi une tentative de changer le sens et la portée des déclarations de l’ancien cadre de la banque. Le Senior Counsel qui était présent lors de la déposition, selon Jayendra Kumar Ramtohul, aurait objecté à cette démarche. Mais l’ex-ACP lui aurait fait comprendre que sa vinn depi lao. L’homme de loi n’aurait alors pas insisté. L’ex-cadre de la BoM a aussi révélé que la fille d’Heman Jangi a obtenu un poste en tant que Bank Officer Grade 1 à la BoM.

L’ex-ACP Heman Jangi a aussi été appelé à la barre des témoins mardi. Il a catégoriquement réfuté les propos de l’ancien cadre de la BoM. Il a expliqué que sa fille avait quitté la Mauritius Commercial Bank pour rejoindre la Banque centrale après avoir envoyé sa demande de candidature et après être passée par un entretien en bonne et due forme. Il a nié avoir bénéficié d’un quelconque privilège et a insisté sur le fait qu’il a agi en toute légalité. De même, Heman Jangi a nié avoir modifié la déposition de l’ancien cadre sur les orders de qui que ce soit. Pour justifier sa version, il a mis en avant qu’en tant que responsable du CCID à cette époque-là, ses fonctions étaient de superviser les enquêtes et non de s’occuper des détails. Lors de l’audience du mardi, Rundheersing Bheenick a aussi été contre-interrogé par les avocats du State Law Office. L’affaire a été renvoyée au 9 juillet pour les plaidoiries.

Pour rappel, Rundheersing Bheenick réclame des dommages de Rs 50 millions à ces parties. Le présent gouvernement avait mis fin à son contrat le 26 décembre 2014 avec effet immédiat. En février 2015, le Head of Corporate Services de la BoM avait déposé une plainte au CCID contre Rundheersing Bheenick, alléguant que ce dernier aurait détourné des documents de la banque. Les agents du CCID avaient ensuite effectué une perquisition à sa résidence à Moka et saisi des documents qui semblaient appartenir à la banque, ainsi que des devises étrangères. Rundheersing Bheenick avait été arrêté et détenu pendant un certain temps à Alcatraz. Le 17 février 2015, des accusations provisoires avaient été portées contre lui devant le tribunal de Moka pour blanchiment d’argent et possession illégale de documents de la BoM. Cette affaire a par la suite été abandonnée devant le tribunal de district de Port-Louis.