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Reward money : la réputation du pays prend un sale coup
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Reward money : la réputation du pays prend un sale coup
L’affaire de Reward money avec en filigrane le détournement allégué de Rs 160,3 millions en l’espace de 23 mois jette l’opprobre sur la force policière et pourrait avoir des ramifications sur la réputation du pays et la capacité de ses institutions à lutter efficacement contre le trafic de drogue, le blanchiment d’argent et les crimes financiers.
Depuis l’arrestation de Lilram Deal, l’ancien patron de la Counter Terrorism Unit, les nœuds se dénouent et dévoilent au grand jour un réseau tentaculaire où les antagonistes sont nul autre que des hauts gradés de la police qui, jusqu’en novembre dernier, opéraient un système mafieux visant à détourner les primes devant, a priori, être versées aux informateurs ayant collaboré à des saisies de drogue.
Jusqu’à présent, l’enquête initiée par la Financial Crimes Commission a conduit à l’arrestation de Lilram Deal, de l’assistant surintendant de police, Faraaz Moniaruth, de l’inspecteur Faizal Moniaruth et du sergent Yeshdeo Seeboruth. Désormais, toutes les indications pointent vers l’assistant commissaire de police Dhunraz Gungadin qui était à la tête de la Force Intelligence Unit, de la PHQ Special Striking Team et de la Special Intelligence Cell. Au total, 13 chèques d’un montant de Rs 160,3 millions ont été déposés sur son compte personnel avant d’être transférés vers les comptes des bénéficiaires.
Si elle démontre la volonté du gouvernement actuel de nettoyer de fond en comble les institutions, l’affaire de Reward money lève le voile sur des pratiques de corruption aux plus hauts échelons de la force policière. Des questions fondamentales se posent : les institutions chargées de lutter contre le trafic de drogue, le blanchiment d’argent ou encore le financement du terrorisme étaient-elles réellement efficaces ? Les informations fournies par les services de l’ordre étaient-elles fiables ? Ce sont des questions pertinentes que l’Eastern and Southern Africa Anti-Money Laundering Group (ESAAMLG), organisme régional chargé de conduire la troisième évaluation du pays en 2027, pour le compte du Groupe d’action financière (GAFI), ne manquera pas de se poser.
L’on se rappellera qu’en 2020, Maurice a été placé sur la liste noire de la Commission européenne du fait que le GAFI avait relevé cinq faiblesses structurelles dans notre mécanisme de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (AML/CFT). À l’époque, on craignait un exode des investisseurs étrangers utilisant notre centre financier pour leurs investissements transfrontaliers. Pour sortir de la catégorie des juridictions à hauts risques, Maurice a dû mettre en œuvre le plan d’action du GAFI et amender une quarantaine de lois. Dans le même temps, les experts du GAFI sont venus sur place pour vérifier la capacité des institutions régulatrices, comme la Financial Services Commission, de l’ex-Commission anti-corruption et de la police à s’appuyer sur le nouveau cadre juridique pour mener efficacement des enquêtes contre les crimes financiers.
Aujourd’hui, quand on apprend que l’ancien Commissaire de police, Anil Kumar Dip, qui a été consulté lors de la mise en œuvre du plan d’action du GAFI, administrait le fonds du Reward money, il est permis de se poser des questions sur l’efficacité des enquêtes policières menées sur les cas de trafic de drogue et de blanchiment d’argent sous son mandat.
Même si le nouveau Commissaire de police, Rampersad Sooroojbally, semble déterminé à débarrasser la police de ses brebis galeuses, il n’en demeure pas moins que certaines perceptions sont tenaces. On peut postuler que le GAFI, à travers l’ESAAMLG, se montrera plus vigilant lors de l’évaluation du pays. L’institution diligentera des enquêtes poussées et recherchera des garanties auprès des pouvoirs publics à l’effet qu’ils ne reculeront pas dans la lutte contre le blanchiment d’argent, mais aussi contre le trafic de drogue. On le sait : le trafic de drogue n’est pas seulement une problématique sociétale, mais il est intrinsèquement lié au blanchiment d’argent. Il est temps qu’un gouvernement entreprenne une étude nationale sur l’ampleur du trafic de drogue et détermine le montant des flux financiers en circulation issus de ce commerce illicite. C’est à ce moment qu’on pourra envisager des mesures pour atténuer les risques de blanchiment d’argent liés au trafic de drogue.
Les investisseurs sont aujourd’hui extrêmement prudents. Avant de choisir une juridiction pour leurs investissements, ils passent d’abord en revue la facilité des affaires, le régime fiscal en place et la législation du travail. En outre, ils veulent comprendre si le pays est stable ou pas. D’où l’importance qu’ils accordent aux notions de risque politique et de risque sécuritaire. Franchement, qui serait rassuré d’entendre dire que, dans le pays où il compte investir ses capitaux, la force policière est impliquée dans une affaire de détournement de fonds ?
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