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Reza: 50 ans derrière son comptoir
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Portrait
Reza: 50 ans derrière son comptoir
Reza Furjun a décidé de fermer boutique cette année, après un demi-siècle de dur labeur.
Après une carrière longue de 50 ans, il ferme boutique. Reza Furjun, qui a ravitaillé toute une partie de Morcellement Raffray à Terre-Rouge en denrées alimentaires et produits de première nécessité pendant d’innombrables années, a pris la décision de fermer son commerce cette année. Le sexagénaire a accepté de fouiller dans sa mémoire pour raconter son long parcours et revient, sans surprise, sur les changements qu’il a vus de ses propres yeux…
«Anvi kontign travay, mé népli éna kouraz.» Raison pour laquelle Reza a décidé de fermer Sandokan, la boutique qu’il opère dans la localité. «Cela aura un impact sur la vie des clients», ajoute-t-il, avec son sourire qui évoque déjà la nostalgie de ces années passées à partager la vie de ses centaines de clients. Mais ses enfants ne sont pas intéressés à reprendre le commerce, et comme la boutique est rattachée à sa maison, il ne peut pas la louer à d’autres non plus.
Le commerce, Reza l’a dans le sang. «Mo pa’nn al boukou lékol mem. Mo’nn fer ziska siziem», précise-t-il. C’est en 1974 qu’il a commencé à travailler. Dans les faubourgs de la capitale, près de l’église St-François Xavier, il avait un dépôt de légumes. En ce temps-là, en plus des habitants, ses clients étaient les bonnes soeurs qui habitaient à côté de l’église et le foyer Père Laval. «À l’époque, le foyer accueillait 40 enfants. Toulézour, ti pé bizin trouv 40 frwi diféran.»
Il y avait aussi les bandari. À force de les côtoyer, le travail avec eux était devenu plus simple. «Zot ti pé zis dir mwa komié dimounn so manzé zot ti pé bizin kwi. Lerla mo ti pé donn zot kantité pomdéter, zwanion tou. Koumsa zot ti pé pas komann.» Au fil des années, il s’est marié et a eu trois enfants.
En 2009, il s’installe à Morcellement Raffray et ouvre sa boutique. Les légumes sont toujours présents dans sa vie, mais désormais, il a une boutique de quartier. Mais il n’abandonne pas son emplacement de St-François Xavier pour autant. Pendant quelque temps, il y retourne pour y travailler jusqu’à midi. Puis, il ouvre sa boutique de 15 heures à 19 heures. L’âge oblige, il finit cependant par céder le dépôt de légumes et ouvre sa boutique plus tôt.
Il est ici avec son père en 1974 devant son dépôt de légumes.
Ce sont d’ailleurs les horaires d’ouverture qui découragent les jeunes, y compris ses enfants. Selon lui, du moins. Sa journée commence vers 4 heures du matin, lorsqu’il sort pour aller chercher des légumes. «Mo saryé lor motosiklet mem», dit-il. Il ouvre à 5 h 45 car c’est l’heure où les clients viennent chercher le pain. Ces longues journées n’intéressent pas son fils qui habite avec lui, d’autant plus qu’il a déjà trouvé sa voie. Un passionné de moto, il est mécanicien. Avec cela, il y a aussi l’éternel responsable de tous les maux : «Zot nek res lor portab enn zourné!»
En 50 ans, il aura vu beaucoup de changements. Au fil des générations, il a tout d’abord été en première ligne pour constater l’évolution des habitudes alimentaires. «On ne voit plus des petits pois blancs ou toutes les variétés de pomme d’amour qu’il y avait auparavant.» Les brèdes étaient un best-seller, se remémore-t-il. Et il vendait bien plus de légumes que maintenant. «Ziromon, sirtou dan ramadan, ti pé extra bien vandé. Tipwa ti pé vann par bal sa.»
Ce n’est plus le cas. Aujourd’hui, les produits en boîte se vendent comme des petits pains, car les recettes ont évolué. Il se souvient clairement de l’époque où le «bol renversé» était devenu à la mode, ce qui avait causé une forte demande pour les champignons en boîte, produit qui n’existait quasiment pas avant.
Mais la baisse n’est pas imputée uniquement au changement d’habitudes. Aujourd’hui, il doit faire face à la concurrence des supermarchés. Lorsqu’il s’est installé ici, il n’y en avait qu’un. Aujourd’hui, il y a plus de cinq. «Apré sa, avan ti éna bazar ek lafwar. Zordi boukou dimounn vann légim.» Mais il a malgré tout tenu bon.
Quant aux clients, il ne s’en plaint pas. Même aujourd’hui, tous ses clients ont une bonne relation avec lui, il connaît leurs habitudes et quelquefois, il arrive même à sortir le produit qu’ils cherchent dès qu’ils entrent dans sa boutique, avant même qu’ils ne le demandent. Et aujourd’hui, il y a moins de gens qui achètent à crédit aussi.
Que fera-t-il de sa retraite ? Il ne sait toujours pas. «Asterla ki pou bizin al rodé…»
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