Publicité

Questions à…

Dr Aparna Jaswal : Une professionnelle au regard positif sur la vie

26 avril 2025, 17:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Dr Aparna Jaswal : Une professionnelle au regard positif sur la vie

Dr Aparna Jaswal, cardiologue interventionnelle spécialisée en électrophysiologie.

Le Dr Aparna Jaswal est une sommité médicale en Inde pour avoir été l’une des premières femmes médecins à se spécialiser en cardiologie interventionnelle, plus particulièrement en électrophysiologie, et à poser des stimulateurs cardiaques sur des malades souffrant d’arythmie grave et à risque élevé de mortalité. À Maurice depuis la semaine dernière – île qu’elle connaît bien car elle y vient depuis plus de dix ans pour le travail –, elle a passé trois jours à la clinique Artemis où elle a animé des formations, tout en revoyant ses anciens patients en consultation. Sur nombre d’entre eux, elle a posé un stimulateur cardiaque. Tenant littéralement la vie entre ses mains, elle sait à quel point chaque existence est précieuse et son regard ne peut être que positif sur celle-ci.

Le Dr Aparna Jaswal est originaire de Delhi. Elle a une sœur, Alka Kumar, de deux ans son aînée, qui est chirurgienne et qui est spécialisée en hystéroscopie (NdlR : examen médical permettant de voir l’intérieur de l’utérus et d’en traiter les anomalies). Cette dernière est aussi réputée qu’elle dans son domaine. Leur père, un ingénieur civil, qui a étudié à l’Indian Institute of Technology, a toujours insisté pour que ses filles aient la meilleure éducation possible. «Il ne voulait pas forcément que nous devenions médecins ou ingénieures comme lui mais il estimait que le plus beau cadeau qu’il pouvait nous faire était de nous offrir la meilleure éducation. Il s’est efforcé de nous inculquer l’idée que quel que soit le métier que nous allions choisir plus tard, nous devions nous donner à fond dans nos études pour exceller. Je dois avouer qu’au départ, si j’ai décidé d’étudier la médecine, c’était pour faire comme ma sœur. Elle savait qu’elle voulait être médecin. Je n’ai fait que suivre ses traces. Maintenant, avec le recul, quand je regarde mon parcours, je réalise, que ce soit dans cette vie ou dans la prochaine, que j’ai toujours voulu être une cardiologue interventionnelle spécialisée en électrophysiologie», raconte-t-elle.

C’est en Inde et plus précisément dans l’État d’Andhra Pradesh que le Dr Jaswal étudie la médecine générale, obtenant la médaille d’or à la fin de ce parcours initial. Elle s’est spécialisée en cardiologie à Delhi. Et a obtenu un doctorat en électrophysiologie cardiaque aux États-Unis, réussissant en 2007 l’examen de Physician Certified Cardiac Device Specialist auprès de l’International Board of Heart Rhythm Examiners aux États-Unis. Examen qui doit être repris à chaque décennie et qu’elle a repassé avec brio en 2017.

Qu’est-ce qui l’a orientée vers la cardiologie ? Le Dr Jaswal déclare qu’au cours de ses études de médecine, elle a trouvé qu’il était très difficile d’interpréter l’électrocardiogramme (ECG). «Et même aujourd’hui, les médecins trouvent que l’interprétation de l’ECG est le plus difficile.» Cette interprétation étant si difficile qu’elle s’est dit qu’elle ferait tout pour la maîtriser. C’est ce qui l’a poussée à aller vers la cardiologie interventionnelle et à faire un doctorat dans l’étude du système électrique du cœur. «Les difficultés de la vie sont pour moi des défis m’incitant à les relever.»

Uniquement 5 % de femmes cardiologues dans le monde

À ses débuts, elle était une des rares femmes à opter pour la cardiologie et la situation n’a pas vraiment changé. «En Inde, il n’y a que 2 à 3 % de femmes cardiologues et dans le monde, elles ne sont pas plus de 5 %». Une carence qu’elle impute à de très longues études mais aussi au stress constant et aux pressions du travail. «Aujourd’hui, je réalise que les patients préfèrent avoir affaire à une femme médecin. C’est mondialement prouvé et une étude américaine a encore démontré que les femmes médecins sont les meilleures. C’est une question de compassion et d’empathie. Ce sont les premières qualités que vous devez avoir en tant que médecin. Et vous serez d’accord avec moi quand je dis que les femmes ont davantage ces qualités que les hommes. Quand un patient s’assoit dans votre consultation, il peut voir dans vos yeux si vous êtes de son côté ou pas. Mon chef me l’a toujours dit : c’est au cours des 30 premières secondes, voire une minute, que le patient décide s’il vous veut comme médecin traitant ou pas. J’ignore comment cela fonctionne à Maurice mais en Inde, il y a tellement de médecins et de choix que vous devez être vraiment excellent pour retenir un patient et lui faire du bien. Il peut le ressentir à votre voix et le lire dans vos yeux.»

Exerçant dans une discipline dominée par les hommes, a-t-elle jamais subi de la discrimination ou du harcèlement ? «On parle beaucoup des inégalités du genre dans le monde. Je ne sais pas si je dois m’estimer chanceuse mais je vous répondrai différemment. Je ne laisse jamais mon sexe se mettre en travers de mon chemin. Je n’ai jamais pensé que j’avais besoin d’une attention spéciale parce que j’étais une femme. Je me suis toujours dit que dans la sphère professionnelle, il fallait que je sois neutre et que je ne fasse aucune distinction entre hommes et femmes. Et je crois que c’est toujours d’actualité. Dans mon département actuellement, je forme deux femmes cardiologues en électrophysiologie, une Indienne et une Nigériane. Et je le leur répète qu’il faut être gender neutral. Je crois que si l’on se pose la question à propos d’un traitement différencié entre hommes et femmes, on perd beaucoup d’énergie dessus et il vaut mieux se concentrer sur soi et sur son travail. Et puis, je souffre aussi d’une maladie appelée ‘oubli’. J’oublie les mauvaises expériences dans ma vie. Je ne focalise jamais sur ces distinctions entre les sexes. Cela ne veut pas dire que les hommes ne m’ont pas mené la vie dure mais j’ai toujours refusé d’emprunter ce chemin. J’ai continué à apprendre et à leur prouver qu’ils avaient tort de douter de mes compétences. Je dis aux femmes d’être toujours gender neutral et que nous sommes là pour apprendre, pour nous concentrer sur le travail et nous prouver que nous pouvons réussir.»

Express.mu (620 x 330) - 2025-04-26T151101.481.png

Cela fait 25 ans qu’elle travaille au Fortis Escorts Heart Institute de Delhi et elle est responsable du département d’électrophysiologie cardiaque. Entre sa spécialisation en 2007 et ses 25 ans de pratique, elle a obtenu une série de prix et de distinctions internationales. Bien qu’elle ait eu l’opportunité d’exercer aux États-Unis, elle n’a jamais voulu entretenir les propositions reçues car elle sentait qu’elle appartenait à l’Inde et qu’elle ne pouvait laisser ses parents vieillissants derrière, à un moment où ils avaient le plus besoin d’elle. «Je ne les vois pas tous les jours mais ils savent que je suis là.»

Maladies en hausse

Appelée à évoquer les principaux maux cardiaques qu’elle voit en consultation, le Dr Jaswal parle de l’insuffisance cardiaque et de la fibrillation auriculaire ou atriale. Un diagnostic de fibrillation auriculaire (FA) est établi lorsque les battements du cœur deviennent irréguliers au point de pouvoir entraîner une complication dévastatrice, soit l’accident vasculaire cérébral paralysant. «De plus en plus de personnes dans le monde développent une FA. C’est une maladie des personnes âgées et un nombre croissant d’entre elles en souffrent. Elle affecte 2 % des personnes âgées dans le monde, 5 % des sexagénaires et 8 % des octogénaires. C’est une complication qui doit être détectée tôt et traitée. En sus de l’âge montant, la FA peut être causée par l’hypertension, le diabète, l’obésité, un style de vie sédentaire et l’apnée du sommeil. Tous ces facteurs contribuent à vous faire développer une FA.»

L’insuffisance cardiaque est une autre maladie qui prend de l’ampleur globalement et qui est précurseur de l’arrêt cardiaque. Elle affecte les personnes souffrant d’hypertension, de diabète, celles qui mènent une vie sédentaire, qui fument beaucoup et boivent beaucoup d’alcool et qui ne vont pas régulièrement voir le médecin pour un check-up. L’insuffisance cardiaque touche aussi bien les jeunes que les personnes âgées.

Dépendant de sa sévérité, l’insuffisance cardiaque peut être traitée par des médicaments devenus de plus en plus performants ou par la thérapie de resynchronisation cardiaque, soit la pose de dispositifs de défibrillation-resynchronisation implantables, qui ont le double du volume du stimulateur cardiaque (pacemaker) conventionnel. «Les dispositifs de défibrillation-resynchronisation implantables sont des merveilles médicales introduites depuis 1985. Mais les médecins ne sont pas tous convaincus qu’ils peuvent sauver des vies et ne le recommandent pas toujours. D’où la raison pour laquelle je recommande à toute personne dont le rythme cardiaque est irrégulier et dont la fraction d’éjection (NdlR : le pourcentage d’éjection contenu dans une cavité cardiaque lors d’un battement de cœur et qui se mesure en pourcentage) est de moins de 35 %, de demander à leur cardiologue si elle n’a pas besoin d’un dispositif de défibrillation-resynchronisation implantable. Ce dispositif protège de l’arrêt cardiaque soudain. Un grand nombre de footballeurs souffrent de cardiomyopathie hypertrophique et sont à risque d’un brusque arrêt du coeur. Ces personnes sont les candidats idéaux pour la pose d’un défibrillateur automatique implantable.»

Quand opte-t-on pour la pose d’un stimulateur cardiaque conventionnel (pacemaker) ? «On le pose sur des sujets dont le rythme cardiaque est plus lent. Il y a deux types de stimulateurs cardiaques conventionnels, l’un à chambre unique, l’autre à double-chambre. Ce dispositif qui vient avec un fil, est placé sous la peau, juste au-dessus du cœur et le fil est connecté au coeur.» La nouveauté en matière de dispositif de défibrillation-resynchronisation implantable est une technologie venue des États-Unis. Il s’agit d’un stimulateur cardiaque sans fil. Il est privilégié chez des sujets dont le rythme cardiaque est très rapide pour prévenir un arrêt du cœur subit. Le dispositif est inséré directement dans le cœur.

Batteries de plus longue durée

Le Dr Jaswal déclare que si autrefois, il fallait changer la batterie des stimulateurs cardiaques au bout de neuf à 12 ans, la nouvelle génération de dispositifs implantables a une batterie de plus longue durée de vie, soit entre 18 à 22 ans. «Le talon d’Achille de tous les stimulateurs cardiaques a longtemps été le fil. Avec ceux sans fil, on les introduit directement dans le cœur. Ils corrigent les rythmes cardiaques irréguliers et le problème est réglé. Comme tous les dispositifs, il faut les surveiller à intervalles réguliers.»

L’intelligence artificielle (IA) a-t-elle déjà ou aura-telle son mot à dire en cardiologie ? «En cardiologie, l’IA est déjà là et lit les électrocardiogrammes. Elle nous dit quel patient court le risque de développer la FA, quel patient court celui de faire un arrêt cardiaque subit et ce, avant l’heure. L’IA nous aidera à surveiller les dispositifs à distance à travers des smarts watches ou des patchs et l’IA va certainement améliorer la qualité de vie des patients en électrophysiologie cardiaque.»

S’il est de plus en plus nécessaire de recourir à la pose de dispositifs implantables c’est parce que les arythmies ont augmenté au fil des ans. «Il y a aussi le fait que la pénétration de la thérapie s’est améliorée. Par exemple, Maurice n’a jamais eu de cardiologue spécialisé en électrophysiologie cardiaque. Je viens à Maurice pour exercer en tant que tel. De ce fait, la thérapie a une meilleure pénétration.»

Cette cardiologue spécialisée en électrophysiologie cardiaque est aussi une formatrice qualifiée dans sa spécialité et est enregistrée à Dubayy, au Bhutan, au Népal, au Bangladesh et en Afrique. Plusieurs cardiologues de ces pays et surtout de pays africains et du Moyen Orient viennent se former auprès d’elle pendant deux ans au Fortis Escorts Heart Institute.

La médecine progressant sans cesse, la nouveauté par rapport à la FA est son ablation. Intervention que l’on nomme ablation par champ pulsé, qui consiste à détruire ou isoler les régions des tissus responsables de l’arythmie. Et en matière de dispositifs de stimulation cardiaque, la nouveauté est le stimulateur cardiaque sans fil tel que susmentionné et la stimulation du système de conduction, qui comprend des techniques spéciales de stimulation n’impliquant pas de changement de dispositif.

Mariée à un chirurgien otorhinolaryngologue, le Dr Jaswal est mère d’une fille trentenaire vivant aux États-Unis. La cardiologue interventionnelle est ravie de son association avec les cliniques privées mauriciennes, qui remonte aussi loin que 2010. «Certains des patients que nous avons traités sont comme des trophées pour le travail que nous avons accompli à Maurice. Quand j’ai ausculté certains patients pour la première fois en 2010, leur rythme cardiaque était si faible que leur fraction d’éjection était à peine de 20 %. Et nous savons que le taux de mortalité chez ces personnes est très élevé. Je les ai traités. Et même aujourd’hui, en 2025, ces patients que nous avions opérés et sur qui nous avons implanté des dispositifs de stimulation cardiaque, nous rendent visite à la clinique Artemis pour faire vérifier leurs dispositifs. Nous avons bâti une relation solide, profonde et enrichissante et je souhaite qu’elle continue pendant encore longtemps…»

Publicité