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Questions à…
Richard Hein : «Je souhaite que la MASA n’ait plus besoin de l’argent des contribuables pour fonctionner»
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Questions à…
Richard Hein : «Je souhaite que la MASA n’ait plus besoin de l’argent des contribuables pour fonctionner»

Richard Hein, président à temps partiel de la Mauritius Society of Authors (MASA). © Sumeet Mudhoo
Élu deux fois membre du conseil d’administration de la Mauritius Society of Authors (MASA), de 2011 à 2014, puis de 2018 à 2021, Richard Hein revient en tant que président à temps partiel. Ingénieur du son puis producteur, il aborde les problématiques, qui durent depuis bien trop longtemps dans le secteur musical.
🔵Pour votre retour à la Mauritius Society of Authors (MASA), vous avez commencé par quoi ?
J’ai appelé l’administration de la MASA pour savoir qui est la personne en charge (NdlR: le directeur est suspendu depuis 2011). J’ai souhaité obtenir l’organigramme, les derniers comptes, tout ce qui pourrait m’aider à faire un état des lieux. J’ai aussi voulu savoir quels sont les litiges de la MASA devant les tribunaux.
À ce stade, je n’ai pas encore pris mes fonctions. La MASA attend un courrier officiel du ministère pour me donner accès aux documents (NdlR: Richard Hein a rencontré Mahen Gondeea, ministre des Arts et de la culture, jeudi, le 24 avril). J’ai toutefois été informé que la Confédération internationale des sociétés d’auteurs compositeurs (CISAC) menace de blacklister la MASA, pour plusieurs raisons, dont le manque de transparence et la non-publication des comptes. Cela aurait des conséquences catastrophiques pour le secteur et nuirait à la réputation de Maurice au niveau international.
🔵La MASA a mis fin à l’allocation solidarité versée aux artistes à la retraite. Le ministère des Arts a dû injecter des fonds pour que la société poursuive ses activités. Dire que la MASA est en faillite, ce n’est pas une révélation, non?
Ce n’est pas un secret que la MASA est en difficulté financière. C’est sans doute la raison principale pourquoi le précédent board a décidé de cesser le paiement de l’allocation solidarité. Suite à la pandémie du Covid-19, le ministère a dû augmenter la subvention à la MASA pour payer le salaire des employés. À long terme, je souhaite que la MASA soit indépendante financièrement et n’ait plus besoin de l’argent des contribuables pour fonctionner.
🔵Rarement a-t-on vu une nomination ayant suscité autant de commentaires globalement positifs dans le secteur musical. La vôtre a été proposée par les artistes eux-mêmes. Cela crée des attentes encore plus fortes, n’est-ce pas ?
J’ai reçu pas mal de messages d’encouragement mais j’ai aussi vu des commentaires négatifs. Évidemment, on ne peut faire plaisir à tout le monde. Mais globalement, c’est vrai que cela a été assez bien accueilli.
🔵Ce qui est rare quand il s’agit de la MASA.
C’est sûr que ça met de la pression. Il y a une forte attente. J’espère avoir le soutien des membres. Mais il faut aussi comprendre que je suis le part-time chairman, dans un rôle plus stratégique, pas dans la gestion des affaires courantes. Mon intention est de savoir, auprès de la CISAC, quelles sont les best practices. Quand j’étais membre du board, la CISAC avait déjà tiré la sonnette d’alarme pour dire que la MASA n’était pas compliant, que le fonctionnement devait être transparent et les comptes publiés chaque année.
🔵Le dernier rapport de l’Audit signale que les comptes des années 2022-23 et 2023-24 n’ont pas été soumis.
La comptabilité, c’est la base. Tout comme la transparence, d’autant plus que c’est une société d’État. À ma connaissance, la comptabilité est toujours faite sur Excel, cela n’inspire pas confiance. Je souhaiterais qu’un software de comptabilité soit utilisé à partir du 1er juillet (NdlR: début de la prochaine année financière). Et comprendre pourquoi on a autant de retard pour le rapport annuel.
🔵Vous avez été producteur – tout comme Gérard Louis et Michael Veeraragoo, vos prédécesseurs. Quand on a été patron d’artistes, changer de casquette pour présider la MASA, c’est facile à faire ?
Je suis un prestataire au service des artistes. La relation que j’ai avec eux est plutôt une collaboration au niveau du mixage et du résultat final. C’est une relation artistique et technique, où le client-artiste/producteur- a le dernier mot. J’ai effectivement produit pas mal d’artistes. J’ai fait une quarantaine d’albums dans les années 1990-2000, quand la musique se vendait et que les frais pouvaient être couverts. Je ne produis que rarement depuis quand j’ai une connexion avec l’artiste. Justement, l’un de mes objectifs est d’encourager les investissements dans ce secteur, avec un système où chaque intervenant est rémunéré à sa juste valeur, selon ce qui est prévu par la loi, avec une perspective de retour sur investissement. Cela ne peut se faire que si la MASA fonctionne correctement.
🔵Votre parcours de producteur est-il totalement terminé ?
Ces derniers temps, je me suis transformé en producteur audiovisuel avec les Bonnto Sessions. Je ne me considère pas comme un patron mais plutôt comme un partenaire, qui essaie de mettre en valeur les artistes.
Au niveau discographique, je pensais avoir définitivement arrêté. C’était sans compter les capacités de persuasion de Hans Nayna, qui m’a embarqué sur son troisième album, prévu cette année. On va travailler en amont sur les arrangements et ambiances sonores, c’est l’aspect créatif que j’aime et c’est pourquoi j’ai choisi ce métier.
🔵Quand vous étiez membre du board, vous avez beaucoup travaillé sur une nouvelle grille de tarifs, pour l’utilisation de la musique. En tant que président, vous allez à nouveau enfourcher ce cheval de bataille ?
Oui, j’ai présidé le comité pour les tarifs en 2019, pour mettre à jour des tarifs ajustés à l’inflation, qui dataient de 2007. Le board a approuvé les nouveaux tarifs en 2020, la grille a été soumise au ministre des Arts d’alors, car la loi prévoit que son rôle est de faire publier ce document à l’officiel. Mais une partie du document a été enlevée sans explication. Il faudra voir comment augmenter le chiffre d’affaires. Il y a un potentiel, ne serait-ce qu’en appliquant les lois existantes. Depuis 1997, le Copyright Act comporte une clause concernant la copie privée (NdlR : redevance payée par les fabricants et importateurs d’appareils servant à enregistrer et copier des œuvres).
🔵Mais elle n’est pas appliquée.
Jusqu’à présent, aucun ministre n’a fait de règlements concernant certaines rémunérations prévues par la loi. Pour être plus efficace, il faudrait garder la grille de tarifs actuelle, ajustée à l’inflation, et introduire, par exemple, une rémunération équitable pour la section qui concerne la copie privée. Le board de la MASA avait approuvé un tarif pour cet item en 2020. Cependant, le ministre d’alors a contredit ce que le board avait décidé. C’est une mauvaise chose. Il est important que le board de la MASA et le ministre soient en accord. Mon rôle sera de maintenir une harmonie.
🔵Vous étiez découragé après le gel des tarifs par le ministère des Arts et le moratoire accordé aux hôteliers après la pandémie du Covid-19 ?
Effectivement, je ne me suis pas représenté aux élections pour être membre du board en 2021 car j’étais découragé, comme beaucoup d’autres dans le secteur. Le moratoire de deux ans pour le secteur hôtelier - le plus gros client de la MASA - a été la goutte d’eau de trop dans un verre déjà bien rempli.
🔵Vous reviendrez aussi à la charge sur les droits voisins? (NdlR: droits accordés à ceux qui participent àla création d’une œuvre, sans en être les auteurs, comme les interprètes).
Les droits voisins, qui concernent les interprètes et les producteurs, sont dans la loi depuis des décennies. Suite aux amendements au Copyright Act de 2017, la MASA a obtenu un mandat clair pour collecter cette redevance. Je compte m’appuyer sur les instances internationales, qui ont déjà l’expertise, pour un soutien logistique, afin de mettre en place les best practices, pour lancer cette activité.
🔵En parlant de vieux dossiers, à votre nomination, certains ont reparlé de votre arrestation en 2010, dans le cadre de l’enquête sur l’affaire des Emtel caller tunes.
Cela a été un épisode traumatisant dans ma vie. C’était à un moment où la MASA avait donné des autorisations aux opérateurs de téléphonie mobile pour vendre de la musique – les sound recordings - sans l’accord des producteurs, qui sont propriétaires des sound recordings, mais qui ne sont pas membres de la MASA. La MASA ne pouvait donc pas représenter les producteurs. J’avais soulevé ce point lors de l’assemblée générale en 2010.
Quelques semaines plus tard, la police a débarqué chez moi pour m’arrêter. Pendant deux ans, j’étais sous le coup d’une accusation provisoire, avec interdiction de quitter le pays. En cour, les enquêteurs ne se sont jamais présentés jusqu’à ce que l’affaire soit rayée au bout de deux ans. Ironiquement, en 2011, j’ai été élu membre du board de la MASA avec le plus haut pourcentage de votes parmi les candidats. Donc, les membres de la MASA ont compris, c’est le whistleblower qui avait été arrêté.
🔵Quinze ans après, vous voilà président de la MASA. Dans quel état d’esprit abordez-vous ce mandat ?
J’ai lu le discours-programme. Il est très ambitieux en ce qui concerne le secteur créatif. La MASA est au centre des droits d’auteurs. Il est donc essentiel de mettre de l’ordre à la MASA, pour que dans ce domaine, tous soient rémunérés à leur juste valeur. Je suis là pour mettre en œuvre le programme du gouvernement et essayer de développer le secteur créatif à Maurice.
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