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Questions à…
Sameer Sharma: «Il faut recadrer l’État sur sa mission redistributive»
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Questions à…
Sameer Sharma: «Il faut recadrer l’État sur sa mission redistributive»

Sameer Sharma, économiste.
Le contrat social mauricien est-il encore viable aujourd’hui ?
Pas vraiment. Notre modèle repose sur des dépenses populistes que notre base fiscale ne peut plus soutenir : faible fiscalité, secteur offshore peu productif et dépendance à des flux immobiliers étrangers. Tout cela ne permet plus de financer les dépenses sociales grandissantes, surtout avec le vieillissement de la population. La balance financière de l’État et de la Banque centrale s’est aussi considérablement dégradée.
Quelles sont les failles structurelles de ce système ?
Le cœur du problème, c’est un contrat social généreux mais mal financé. Santé et éducation gratuites, pensions universelles, subventions généralisées : tout cela coûte très cher, sans ciblage et avec une fiscalité qui reste très faible. Pendant longtemps, on a maintenu l’illusion avec peu d’endettement, mais cela s’est fait au prix d’une baisse de qualité des services publics. L’absence de ciblage a conduit à une détérioration de la qualité des services essentiels.
Quel serait un contrat social plus adapté à une petite économie comme la nôtre ?
Il faut un contrat social qui distingue entre activités productives et activités de rente. Par exemple, taxer davantage les profits issus de la vente de villas de luxe et accorder des avantages fiscaux à ceux qui investissent dans des secteurs créateurs d’emplois. Et surtout, mettre fin aux aides généralisées pour aller vers des aides ciblées, qui soutiennent vraiment les plus vulnérables. La fiscalité doit récompenser la création de valeur, pas la spéculation.
La «Basic Retirement Pension» (BRP) est-elle soutenable à long terme ?
Non. Le système était déjà insoutenable avant 2015 et il est devenu encore plus fragile. Les pensions du secteur public sont en déficit, la démographie joue contre nous et la BRP a été utilisée à des fins populistes. Le tout a contribué à une spirale de dette et d’inflation qui a surtout appauvri les classes moyennes. La BRP actuelle est un mirage financé par la dépréciation de la roupie et l’illusion monétaire.
Serait-il plus équitable d’adopter une approche ciblée que de repousser l’âge pour tous ?
Il faut garder une pension de base pour tous, mais à un niveau plus bas, puis, la moduler en fonction des revenus. Ceux qui ont peu doivent recevoir davantage. C’est une approche plus juste et plus durable. Mais le système clientéliste actuel rend ce changement difficile. L’équité exige que l’on donne plus à ceux qui ont moins.
Quels sont les compromis entre un système universel et un système ciblé ?
Économiquement, les avantages d’un système ciblé sont clairs : il est plus efficace et coûte moins cher. Les obstacles sont avant tout politiques. Le ciblage permettrait de mieux utiliser les ressources dans un contexte où la majorité des ménages gagnent moins de Rs 50 000. Notre système actuel n’est soutenable que si on appauvrit tout le monde avec l’inflation.
Quelles leçons tirer des réformes à l’étranger ?
Les pays les plus efficaces combinent plusieurs piliers : cotisations privées, fonds publics bien gérés et aides ciblées. À Maurice, on a négligé la gestion des actifs de retraite et raté l’occasion de rendre le système progressif. Résultat : notre écosystème de retraite est fragile et peu rentable. Ailleurs, on construit un écosystème durable. Chez nous, on fait de la politique à court terme.
Comment concilier croissance inclusive et discipline budgétaire ?
En réduisant le rôle de l’État là où il est inefficace, en stimulant la concurrence dans le privé et en taxant mieux la rente. On n’a pas besoin d’un État plus grand, mais d’un État plus intelligent, qui arbitre au lieu de contrôler. Moins d’État, moins de rentes privées, plus de concurrence équitable.
Quelles politiques faudrait-il prioriser ?
Il faut taxer davantage la rente foncière, imposer les profits exceptionnels, rationaliser les dépenses publiques, renforcer la gouvernance des fonds de pension et ouvrir l’économie à une concurrence saine. Et surtout, éviter d’étrangler les secteurs productifs par une fiscalité mal ciblée. Il faut encourager ceux qui créent de la valeur et désinciter ceux qui vivent de la rente.
Comment mesurer l’évolution d’un contrat social ?
Il faut regarder la soutenabilité budgétaire, la diversité de la base fiscale, la qualité des services publics, la concurrence dans l’économie et le degré d’autonomie des citoyens. Un bon contrat social, c’est un État qui garantit des règles du jeu justes, pas qui intervient partout. Le vrai progrès, c’est un État arbitre dans une économie où chacun peut s’épanouir.
N.M
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