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Questions à…
Samuel David : «Trop souvent, on réduit les enfants à besoins spéciaux à leurs limites»
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Questions à…
Samuel David : «Trop souvent, on réduit les enfants à besoins spéciaux à leurs limites»

Éducateur au sein de l’école SEN, Samuel David est aussi engagé en tant que Youth Coordinator de l’Association pour la protection des droits des handicapés (APDH) depuis trois ans. Convaincu que l’éducation va bien au-delà des salles de classe, il accompagne les enfants à la fois dans leur parcours scolaire et dans leur développement personnel, en s’appuyant notamment sur la lecture, l’écriture et l’écoute active.
🔵 Au sein d’une institution spécialisée, vous intervenez quotidiennement auprès d’enfants en situation de handicap, tout en accompagnant d’autres élèves dans leur parcours éducatif et leur développement personnel. Comment se déroule concrètement votre quotidien auprès d’eux ?
Je travaille à la fois avec des enfants à besoins spécifiques (special needs) et d’autres issus du circuit scolaire classique (mainstream). Mon quotidien est rythmé par l’accompagnement de ces élèves dans leurs classes : je veille à ce qu’ils soient bien installés, à l’aise, et dans les meilleures conditions pour suivre les cours et participer aux activités. Mon rôle, c’est aussi de leur apporter un soutien concret : aider ceux qui en ont besoin à aller aux toilettes ou à manger, par exemple.
Je mets également en place des activités ciblées pour favoriser leur développement sur plusieurs plans – socio-émotionnel, comportemental, physique – avec un objectif clair : les aider à devenir plus autonomes, jour après jour.
Après mes heures de travail dans l’institution, je continue à accompagner les enfants en leur dispensant des cours particuliers, soit à domicile, soit en ligne. C’est une mission qui va bien au-delà des horaires, mais qui me passionne profondément.
🔵 Les enfants et adolescents que vous accompagnez sont atteints de paralysie cérébrale. Quelles sont, selon vous, les clés essentielles pour les aider à progresser ?
Les enfants et adolescents que j’accompagne vivent avec des handicaps variés, notamment la paralysie cérébrale. Pour les aider à progresser, plusieurs clés sont essentielles. À l’école, nous mettons en place des thérapies spécifiques, assurées par des professionnels tels que des conductors et des ergothérapeutes (occupational therapists), selon les besoins de chaque enfant.
L’une des approches centrales dans notre établissement est l’Éducation conductive, une méthode née en Hongrie grâce au Dr András Pető. Elle combine apprentissage, motivation et exercices physiques pour améliorer la coordination, les mouvements et surtout l’autonomie des enfants. Les séances, souvent organisées en groupe, encouragent l’interaction et la participation active, ce qui renforce leur confiance en eux et leur capacité à se débrouiller au quotidien.
Pour les enfants présentant un retard mental, nous utilisons beaucoup le jeu comme outil pédagogique afin de stimuler leur développement cognitif. Mais au-delà des méthodes, l’essentiel reste l’humain : ces enfants ont un immense besoin d’amour, d’attention et d’écoute. Il est crucial de les comprendre, de savoir décoder leurs gestes ou silences – surtout pour les non-verbaux – et de trouver des moyens adaptés afin de communiquer avec eux.
Enfin, certains doivent aussi faire face à des difficultés socioémotionnelles ou comportementales. Là encore, l’encadrement personnalisé et bienveillant fait toute la différence.
🔵 Quel trait de caractère ou qualité vous semble indispensable pour exercer ce métier avec cœur et efficacité ?
L’empathie est, selon moi, la qualité la plus indispensable. Il faut savoir se mettre à la place de l’enfant, ressentir ce qu’il vit, même sans mots. Être à l’écoute est tout aussi essentiel, car chaque geste, chaque regard peut révéler un besoin, un inconfort ou une émotion.
L’amour, la bienveillance et une approche toujours positive sont au cœur de notre travail au quotidien. Ces enfants ont besoin d’un environnement sécurisant, chaleureux et encourageant pour progresser à leur rythme.
Et puis, bien sûr, il faut une patience immense. Rien ne se fait dans la précipitation. Chaque petit progrès, chaque sourire, chaque moment d’autonomie est une victoire. C’est un métier exigeant, mais profondément humain.
🔵 Vous évoquez parfois les craintes ou les idées reçues qu’ont certains parents. Quelles sont les perceptions qui reviennent le plus souvent ? Et comment y répondez-vous ?
Oui, il y a souvent des peurs, des doutes et des idées reçues chez les parents, surtout lorsqu’ils apprennent que leur enfant est porteur d’un handicap. Pour beaucoup, c’est un choc. L’une des premières étapes, et certainement la plus difficile, est d’accepter l’enfant tel qu’il est, avec ses différences, ses forces et ses défis.
La peur de l’avenir revient très souvent : «Que deviendra mon enfant quand je ne serai plus là ?» C’est une angoisse profonde, que je comprends parfaitement. Il y a aussi la crainte que l’enfant soit influencé négativement ou rejeté par les autres, qu’il ne soit pas compris ou qu’il souffre du regard social. Et puis, chez certains, une culpabilité silencieuse s’installe, avec cette question douloureuse : «Est-ce que je serai un bon parent pour lui ?»
C’est pourquoi il est essentiel d’accompagner aussi les familles. Les parents ont besoin de repères, d’outils et de soutien pour pouvoir élever leur enfant dans un cadre adapté et aimant. Notre rôle n’est pas seulement d’accompagner les enfants, mais aussi de cheminer avec leurs parents, pour qu’ils puissent gagner en confiance et en sérénité.
🔵 Si vous pouviez formuler un vœu pour l’avenir de ces jeunes que vous suivez au sein de la fondation, quel serait-il ?
Ce serait que la société adopte une approche plus positive, empathique et holistique dans la manière de les regarder et de travailler avec eux. Trop souvent, on les réduit à leurs limitations, alors qu’ils ont tant à offrir, à condition d’être écoutés, compris, valorisés et surtout respectés.
Je mets l’accent sur un mot clé : accompagnement. Ces enfants ont un besoin profond de soutien, en particulier sur le plan socio-émotionnel, pour pouvoir s’adapter au monde, se construire et devenir plus résilients face aux défis du quotidien.
Enfin, je rêve d’un système éducatif réellement centré sur l’enfant, sur ses besoins et son rythme, plutôt que sur des programmes rigides ou des politiques impersonnelles. Parce qu’un enfant bien entouré et soutenu est un enfant qui peut s’épanouir, malgré les obstacles.
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