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Santé

Se remettre sur pied… pour faire la fête

12 décembre 2023, 21:00

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Se remettre sur pied… pour faire la fête

Douleurs, talons fissurés, pieds secs, transpiration excessive, mycose ou encore ongles incarnés. Les pieds sont le support permanent du corps et un signe de bonne santé mais ils sont souvent négligés au profit d’autres parties plus «glamour». Pourtant, ils sont exposés à de nombreux problèmes qui nécessitent des soins appropriés. Quand aller chez l’esthéticienne et quand consulter un podologue ? Deux métiers liés, mais diamétralement opposés, pour nous aider à nous remettre debout… Nous avons rencontré deux professionnelles, qui parlent du métier qu’elles ont choisi avec passion…

Questions à… Zahra Chouthy, podologue à la clinique Wellkin: «La podologie, un domaine peu connu, mais crucial…»

Qu’est-ce qui vous a poussée vers de telles études ?

Ma propre expérience. À l’âge de sept ans, j’ai dû arrêter toutes les activités physiques d’un enfant normal, comme courir, à cause d’une douleur atroce au genou. J’ai consulté une trentaine de médecins, passé des nuits entières de douleur et pris des tonnes d’analgésiques sans qu’aucun diagnostic ne soit posé. À 12 ans, je me suis disloqué le genou et un chirurgien orthopédique, après des analyses sanguines, m’a diagnostiquée une rhumatoïde infantile. Ne connaissant pas de podologue, nous avons consulté un physiothérapeute, qui nous a aidés. Mon père a appris à me masser le pied tous les soirs pendant une heure. En grandissant, j’ai voulu aider ceux qui avaient des problèmes de pieds en choisissant la podologie. J’ai étudié trois ans à l’université de Northampton, en Angleterre, où j’ai obtenu mon diplôme d’état et j’ai exercé comme assistant podiatrist à Rushden Podiatry.

Quels sont les problèmes de pieds les plus courants des Mauriciens ?

En sus des complications du diabète, les infections fongiques et d’ongles involués ou incarnés sont les plus fréquentes. Les premières sont dues au climat très humide et la tendance de porter des chaussures sans chaussettes en coton pourtant recommandées. Il faut aussi changer de chaussures tous les deux ou trois jours, surtout en été, et les aérer pour tuer les microbes. Les ongles involués/ incarnés sont dus au port de chaussures serrées ou en heurtant quelque chose. Nous recevons également de nombreux patients qui ressentent des douleurs parce qu’ils portent les mauvaises chaussures ou que leur marche est déviante.

Quand faut-il donc consulter un podologue ?

Quand la couleur de l’ongle change légèrement ou qu’il se détache ; si l’on ressent une légère douleur sur le côté qui gêne les activités normales ou un engourdissement ou une douleur aiguë ou encore si l’on voit une plaie. Ces signes indiquent qu’il ne faut pas les traiter soi-même, mais consulter un podologue.

Combien de consultations mensuelles faites-vous et combien coûte une session ?

Je traite 150 à 170 cas par mois. La première consultation coûte Rs 1 300. Je fais des examens de contrôle (prise de sang, examen de la couleur du pied, contrôle de la sensibilité de la température, etc.) et propose un traitement. Si nécessaire, un suivi est organisé à Rs 1 200 par séance. Les opérations d’ongle coûtent Rs 6 000 pour un orteil.

En cas de douleurs ou problèmes, beaucoup optent pour une pédicure esthétique ou un spa des pieds. En quoi cela diffère-t-il d’un traitement podologique ?

Pour des personnes saines qui souhaitent soulager leurs pieds, la pédicure esthétique (voir plus loin) donne de bons résultats. À l’inverse, de nombreuses personnes souffrent de maladies sous-jacentes, comme le diabète – très répandu à Maurice – ou d’une maladie auto-immune qui laisse les pieds craquelés, secs, voire douloureux. La pédicure médicale est un soin préventif et curatif par un professionnel médical utilisant des équipements stériles. Pendant la séance, le (la) podologue vérifie régulièrement le rythme cardiaque, observe les sensations, examine les pieds et les ongles et détecte les infections. Cela est important, surtout chez les patients diabétiques, qui ne ressentent pas de douleur. La pédicure esthétique leur est déconseillée.

Quels facteurs empêchent les gens d’être informés des soins de pieds ou d’y accéder ?

Contrairement aux pays comme l’Angleterre, où il y a beaucoup de patient referral, ce n’est pas toujours le cas ici, comme dans celui des patients diabétiques. De nombreuses personnes ne savent pas à qui s’adresser, ne connaissant même pas l’existence d’un(e) professionnel(le) appelé(e) podologue. Elles s’adressent d’habitude à un médecin généraliste ou un chirurgien orthopédique. Ou un patient vient me voir en dernier recours, par exemple, après avoir subi sept opérations chirurgicales erronées sur un orteil par un médecin qui a tenté d’enlever un ongle incarné, mais n’a pas traité le vrai problème. J’ai aussi vu des patients diabétiques amputés d’une jambe parce qu’ils ont été référés trop tard.

Il reste beaucoup à faire pour sensibiliser. Nous progressons grâce aux réseaux sociaux (voir plus loin) et aux jeunes qui s’y intéressent : «Je veux un check-up pour m’assurer que tout va bien.» Malheureusement, certains se disent : «C’est une douleur mineure, je peux m’en occuper et ensuite, c’est trop tard.» Il existe également des barrières culturelles et sociales qui font hésiter à montrer son pied aux médecins. J’ai récemment eu un cas où un homme souffrait mais ne voulait pas me montrer son pied. Après s’être senti à l’aise, il m’a confié qu’il avait honte parce qu’un médecin consulté plus tôt lui avait dit de manière insultante : «Kouma dimounn kapav éna enn gro lipié koumsa?»

Les professionnels de santé, malgré la pression et la charge de travail, doivent se rappeler qu’il faut maintenir une relation de confiance et de respect avec les patients, faire preuve d’empathie, écouter le patient, l’informer clairement et insister sur son consentement à chaque étape du traitement. Des phrases comme «Puis-je faire cela ?», «Cela va faire mal maintenant», «Voulez-vous que j’arrête si c’est trop douloureux ?» aident à établir un confort mutuel. Nos pieds portent tout notre corps et méritent qu’on en prenne soin. N’hésitez pas à demander l’aide d’un professionnel.

Pour plus d’infos, consultez la page Facebook/Instagram Podiatry For All et les pages Facebook Centre de podologie (Mauritius) et Association des podologues de Maurice.


Service public: une trentaine d’infirmières formées en soins du pied diabétique

La santé publique ne compte aucun podologue, mais pour répondre à la demande de soins des pieds, des infirmières «diabétiques» ont obtenu un diplôme délivré après deux ans par le Mauritius Institute of Health en soins spécialisés du pied diabétique. Récemment, elles ont bénéficié d’une formation par deux experts de la Podiatry Association of Canada, venus à Maurice. «Nous travaillons pour continuer la formation en ligne et sur place. Pour décentraliser les services, chaque hôpital régional dispose d’une podiatric clinic où les patients sont traités par nos infirmières spécialisées qui sont aussi postées dans les mediclinics et area health centres», explique le Dr Yassir Oozeer, diabétologue au ministère de la Santé. À ce jour, on compte 17 formées et une vingtaine en formation. Avec l’été et la forte humidité, le Dr Oozeer conseille la prudence. «Quand les diabétiques vont à la plage, il ne faut pas marcher longtemps dans la chaleur ou pieds nus… il faut utiliser une crème hydratante la nuit pour éviter les crevasses, porter des chaussures adaptées et confortables. Le ministère offre un système de soins structuré et gratuit. Faites-vous dépister et utilisez les ressources disponibles.»


Esthétique, relaxation, confort

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La pédicure esthétique est un soin des pieds et des ongles pour les embellir. Elle est réalisée dans un institut de beauté par une esthéticienne. La séance, qui dure environ une heure, comprend un bain de pieds pour désinfecter et ramollir la peau ; une coupe et limage des ongles ; un gommage pour enlever les peaux mortes ; hydratation avec une crème et un massage pour activer la circulation sanguine et stimuler les vaisseaux sanguins. La pose de vernis est facultative. La fréquence dépend de l’attention que vous portez à vos pieds et de votre porte-monnaie.

Poonam Chelmiah, la quarantaine, a ouvert son salon à Quatre-Bornes, il y a deux ans, après avoir travaillé une vingtaine d’années dans un institut prestigieux. L’esthétique a toujours été sa passion et même si elle adore maquiller des mariées, tout comme ses poupées alors qu’elle était adolescente, elle dorlote toutes ses clientes de la tête aux pieds avec le même professionnalisme. Nous assistons à la pédicure d’une septuagénaire, venue comme chaque mois se faire chouchouter… pendant une petite heure. Elle nous commente chaque étape (Voir photos).

Mais ce qui frappe, c’est son commentaire : «Quand une cliente présente des anomalie aux pieds – cors, durillons, oeil-de-perdrix, crevasses, mycoses, verrues plantaires ou ongles incarnés – je ne lui fais pas de soin et je lui recommande d’aller chez un(e) podologue, car je sais ou s’arrête mon travail…» Elle note, par ailleurs, qu’une pédicure n’est pas toujours la priorité de certaines femmes même si elle est moins coûteuse qu’un facial, allant de Rs 500 (basique) à Rs 1 200… Pourtant, cette partie du corps ne doit absolument pas être négligée. Prenez-en soin toute l’année pour les sortir sans honte et sans douleur avec l’été et l’envie de danser jusqu’au bout de la nuit...

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