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Portrait

Seenarain Ramjuttun, l’homme d’Anse-la-Raie

23 décembre 2023, 21:00

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Seenarain Ramjuttun, l’homme d’Anse-la-Raie

Seenarain Ramjuttun lors d’un de ses rares moments de détente.

Il a 60 ans. Il était jardinier à plein temps avant qu’il ne prenne sa retraite et il continue à l’être à temps partiel. Il nettoie aussi les piscines de certaines grandes familles de la région. Lui, c’est Seenarain Ramjuttun, dont on a peu entendu la voix dans l’affaire Anse-la-Raie, mais qui a été à la manœuvre tous les jours, et cela, depuis plusieurs mois. Il a été parmi les premiers à alerter la presse sur les démarches de certains pour accaparer la plage et le centre de jeunesse de l’endroit.

Il faut dire que Seenarain connaît bien ce coin de nature. Il a grandi dans la dépendance du campement du gouverneur se trouvant près du Youth Centre. Son père Bajnath a été employé pendant 36 ans par le gouverneur et a servi sous les Britanniques sir John Shaw Rennie et sir Leonard Williams entre 1968 et 1972, ainsi que sous le premier Mauricien à occuper ce poste sir Raman Osman, suivi de sir Dayendranath Burrenchobay. Seenarain se rappelle avec une nostalgie mêlée de regrets du temps où ce campement de l’État était entretenu avec soin selon les traditions anglaises. Il se désole de voir aujourd’hui l’état de délabrement de ce véritable patrimoine. «On l’a négligé justement pour pouvoir ensuite le raser et y construire des hôtels», nous dit Seenarain Ramjuttun.

Travailler sous le soleil ardent du Nord ne fait pas peur à Seenarain. Au contraire, ces activités physiques l’aident à garder la forme. En plus de gagner sa vie comme jardinier et pisciniste, il trouve le temps et l’énergie de s’adonner à l’aide volontaire d’un groupe de villageois, au nettoyage régulier de la plage publique et même de celle se trouvant devant le Youth Centre. C’est lui qui y a planté des dizaines de cocotiers et de filaos.

Car les arbres, c’est ce qui lui tient à cœur. Tel Idéfix (NdlR, le chien d’Obélix), l’abattage d’un arbre le rend triste et le met en colère. C’est lui Ramjuttun qui, avec des villageois et des propriétaires de bungalow de la région – belle alliance entre différentes classes sociales –, avait tenu tête, en 2016, au projet du ministre des Infrastructures publiques de l’époque, Nando Bodha, d’abattre 200 filaos pour faire place à une nouvelle route. On se souvient du «tree-hugging» de ces manifestants. Même si Bodha a épargné ces arbres en créant un by-pass, Seenarain n’était pas convaincu de la nécessité de cette route et il le disait à l’express. Sept ans plus tard, il réalise que cette nouvelle route, au coût de Rs 200 millions, a été faite en prévision des projets de construction d’hôtels à Anse-la-Raie, notamment celui de Vinash Gopee, proche de lakwizinn.

Cependant, Seenarain Ramjuttun tient à le dire haut et fort: il est apolitique. D’ailleurs, il nous fait savoir qu’un groupe de personnes et lui ont travaillé avec différents gouvernements. «Je ne suis pas le seul. Il y a de nombreuses personnes qui travaillent pour le bien-être des villageois», nous rappelle-t-il à chaque fois. Et de citer l’avocat Richard Rault et l’activiste Vashish Bijloll impliqués dans le combat pour le centre de jeunesse. «Nous avons pu obtenir en 2002 la pose de conduites d’eau et l’installation de trottoirs en 2016.»

Son combat est-il terminé pour le Youth Centre et la plage publique d’Anse-la-Raie ? «Non, car personne ne sait si Gopee a officiellement renoncé à son projet.Nous suivons cela de près.» Ainsi que d’autres dossiers. Il surveille également un hôtel qui aurait obtenu plusieurs arpents au même endroit et que les propriétaires ont déjà clôturé dès le lendemain de Ganga Asnan. Il s’inquiète également de ce que fait un autre hôtel un peu plus loin à Calodyne. Le nouveau gérant de cet établissement hôtelier est en train d’accaparer même la mer, nous dit-il, en construisant un mur qui ne respecte pas le «high water mark». Résultat: le public doit marcher dans l’eau à marée haute.

Selon son entourage, Seenarain Ramjuttun est différent de certains autres opposants aux développements sauvages. «Il ne se laisse pas acheter et ne travaille pour aucun parti politique.» On nous dit même qu’il a refusé une offre d’emploi venant du gouvernement. «Seenarain est un vrai activiste social et environnemental», nous dit un de ses amis. «Ce qu’il entreprend, c’est toujours pour les autres, pas pour son bénéfice.» Qualité très rare de nos jours!