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Shameel Aubeelauck, un des rares Mauriciens à intégrer une université de l’Ivy League
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Shameel Aubeelauck, un des rares Mauriciens à intégrer une université de l’Ivy League
Sans d’excellentes notes, il est impossible aux jeunes Américains d’entrer dans une des huit universités privées très prisées du nord-est des États-Unis, l’Ivy League. Imaginez maintenant comment cela peut être dur pour un jeune Mauricien. Or, le petit-fils du Dr Dawood Oaris, directeur médical et président du trust de la clinique Chisty Shifa, y a réussi son entrée, soit à l’université de Harvard, à Boston. En deuxième année de sciences sociales, il se raconte pour «l’express».
Si sur son certificat de naissance, il porte le prénom Shameel, dans la vie courante, tout le monde l’appelle Kabir. Nous en ferons donc autant. Kabir Aubeelauck est né il y a 19 ans en Roumanie, là où sa mère, Ameera Oaris, et son père, Bhavish Aubeelauck, étudiants en médecine, se sont rencontrés. Peu après sa naissance, ses parents reviennent s’installer à Maurice, où ils restent sept ans, permettant à Kabir de faire sa scolarité jusqu’en Grade 2. Soucieux de son avenir, ils décident d’émigrer aux États-Unis et s’installent au Connecticut.
Comme l’année scolaire commence en août et pas en janvier comme à Maurice, Kabir doit refaire son Grade 2. C’est là que naît son petit frère, Rehan, aujourd’hui âgé de 11 ans. Lorsque Kabir complète son Grade 5, la famille déménage pour s’installer dans le Nebraska, où Kabir fera sa scolarité secondaire au Kearney High School. Si ses deux parents sont médecins – Bhavish Aubeelauck est spécialiste en médecine interne –, pour être plus présente pour ses deux fils, Ameera OarisAubeelauck abandonne la pratique de la médecine pour un travail à l’école élémentaire de la ville. Chose que Kabir trouve normale car il n’a pas oublié qu’à l’époque où ils étaient à Maurice, sa mère travaillait comme médecin, laissant le temps à son époux d’étudier pour prendre part à l’examen de qualification médicale aux États-Unis. Bhavish Aubeelauck fait son internat au Norwalk Hospital, dans le Connecticut, avant que la famille ne s’installe à Kearney, dans le Nebraska.
Major de sa promotion
Déjà, à la fin du secondaire, Kabir se distingue non seulement au niveau de ses notes, en étant major de sa promotion, mais il démontre aussi son potentiel de leader en tant que président de la National Honor Society, vice-président des futurs Business leaders des États-Unis et vice-président du Students’ Council. Le processus d’admission dans les universités américaines et plus encore dans l’une des huit universités de l’Ivy League, où tout étudiant américain, voire étranger, aspire à étudier parce qu’elles sont considérées comme les meilleures aux États-Unis et au monde, est ardu. «Il faut méticuleusement suivre le processus d’admission. Il faut commencer par remplir un formulaire sur l’application Common App, plateforme où la plupart des détails concernant votre vie doivent être insérés. C’est fastidieux à compléter car l’exercice explore divers aspects de votre parcours. Cela va de votre contexte à votre race, et de l’ethnicité de vos parents à leur métier. On vous sonde même sur vos aspirations futures. Un des éléments cruciaux de ce processus d’admission est une rédaction personnelle limitée à 650 mots. L’exercice s’est révélé le plus challenging pour moi car pour condenser toute son identité, voire sa vie, dans une rédaction aussi concise n’est pas une mince affaire. Mais mon but ultime était d’être honnête, et de rester vrai envers moi-même et authentique. J’ai fait de même lors des rédactions supplémentaires, y compris lorsqu’il s’agissait d’écrire une lettre enjouée à mon futur colocataire. Ce processus d’admission a pris fin par une interview sur Zoom avec un ancien élève. C’était très dur de jongler entre cette demande d’admission, celle pour d’autres universités au cas où je n’aurais pas eu mon admission à Harvard, et mes responsabilités scolaires régulières», raconte Kabir, qui est en vacances à Maurice jusqu’à début janvier.
Le stress de l’attente d’une réponse favorable s’est ajouté à tout cela, surtout quand on sait que le taux d’acceptation à Harvard est extrêmement bas. «En fait, le taux d’acceptation de ma promotion a été le plus bas de l’histoire de Harvard, soit de 3,19 %. J’ai été admis lors de l’étape de décision régulière, dont le taux d’acceptation est redoutable, soit 2,34 %. Avant de savoir que j’étais accepté, j’ai envoyé mes demandes d’admission dans d’autres universités de premier plan comme Stanford, Northwestern et l’université de Michigan. Les délais de soumission de ces demandes d’admission étant pratiquement les mêmes pour ces universités, c’était une pression supplémentaire. Je dois avouer que j’ai eu beaucoup de mal à équilibrer cet exercice de demandes d’admission avec mes engagements extrascolaires et ma vie sociale.» Mais il y est tout de même parvenu.
Une spécialisation interdisciplinaire
Kabir a opté pour les études sociales à l’université de Harvard car son intention initiale était de se concentrer sur les sciences politiques, mais après s’être bien documenté, il a réalisé que son intérêt dans le domaine n’était pas assez aiguisé pour qu’il en fasse sa spécialisation. Il a été attiré par la vaste gamme de cours offerts par les différentes facultés de cette université bostonienne. «Les études sociales sont une spécialisation interdisciplinaire en sciences sociales et à Harvard, ce domaine plonge dans la recherche et la théorie des sciences sociales, tout en traitant aussi des problèmes sociaux, politiques et économiques auxquels font face les sociétés contemporaines.»
Au prochain trimestre, Kabir sera exposé à des cours préliminaires d’économie et de statistiques, animés par des professeurs de renommée mondiale. «En sus de ces cours, je participerai à un séminaire sur les défis politiques et éthiques à l’ère numérique.» L’adolescent apprécie le fait qu’il ne devra pas choisir son domaine de spécialisation avant d’être en troisième année d’études. «Actuellement, j’explore divers sujets : de la montée du populisme aux États-Unis à l’étude de l’intégration et de l’éthique de l’intelligence artificielle dans une société moderne. Je suis également intrigué par les dynamiques de la politique de redistribution de plus en plus inégale dans la société américaine. Au final, je compte choisir un sujet qui me passionne académiquement et qui me prépare au mieux à mon parcours pré-juridique.» Il apprécie grandement la liberté intellectuelle que lui donne ce cursus, et qui lui permettra, à la fin de ses études, de rédiger une thèse sur un sujet de son choix.
Le fait d’avoir un grand-père médecin et directeur de clinique constitue-t-il une pression supplémentaire pour qu’il excelle dans tout ce qu’il touche ? «Pas vraiment. Mon grand-père est davantage un guide qu’un aîné avec des attentes. Malgré sa carrière impressionnante, il ne m’a demandé qu’une chose : donner le meilleur de moi-même sans me conformer à une route prédéterminée. Ce qui m’inspire chez lui, ce ne sont ni ses titres ni ses distinctions, mais la communauté soudée qu’il a réussi à créer. Ce n’est pas qu’une question d’accomplissement mais d’obtenir le véritable respect de ceux qui l’entourent. C’est pour moi la vraie mesure du succès et c’est ce que je veux intégrer dans mon parcours.»
Kabir ignore encore s’il reviendra à Maurice à l’issue de ses études universitaires. «Vu la distance et les coûts, je n’ai pas beaucoup eu l’occasion de revenir à Maurice depuis que nous nous sommes installés aux ÉtatsUnis. Cependant, ce voyage est différent. En étant à Harvard, j’ai activement cherché à me reconnecter à ma culture et à mon héritage. Et être là en ce moment, à Maurice, entendre les gens parler kreol et redécouvrir la nourriture locale, c’est une expérience profonde. De ce fait, l’idée de retourner à Maurice à la fin de mes études commence à faire son bonhomme de chemin dans ma tête.» À la bonne heure…
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