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Interview

Somaya Joshua : «La croissance des projets mixtes constitue un levier majeur de l’immobilier»

24 juillet 2025, 17:00

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Somaya Joshua : «La croissance des projets mixtes constitue un levier majeur de l’immobilier»

Le marché immobilier mauricien a connu, ces dernières années, des changements importants – diversification des projets, demande d’espaces mixtes, nouveaux modes de vie et attentes des promoteurs. Les tensions géopolitiques et les enjeux climatiques génèrent des incertitudes, remettant en cause les stratégies d’investissement. Somaya Joshua évoque les tendances de l’immobilier, les évolutions du financement et les accompagnements pour répondre aux défis actuels.

Comment voyez-vous l’évolution de l’immobilier ces dernières années ?

Le secteur immobilier a connu une croissance exponentielle. Des développements notables ont vu le jour à Moka, Telfair, Cascavelle et Bagatelle, toutes des zones stratégiques. On observe une transition progressive du quartier financier et des affaires vers Ébène et Moka. Tous les actifs ont connu une dynamique, avec une augmentation marquée du résidentiel dans les projets mixtes et Smart Cities. La demande s’oriente vers des espaces bien conçus, intégrés et dirigés vers un mode de vie alliant logement, travail et loisirs.

■ Quels freins ou incertitudes pèsent sur les décisions d’investissement dans l’immobilier ?

Les changements de politiques, conjugués aux tensions géopolitiques et pressions macroéconomiques, ont engendré une incertitude à court terme, qui pousse à réévaluer la faisabilité des projets alors que le marché cherche à se réajuster. Malgré ces vents contraires, nous restons confiants dans la résilience à long terme du marché immobilier. Nous poursuivons notre collaboration avec nos partenaires pour relever les défis actuels, et contribuer à une croissance stratégique et durable du secteur.

Quelles sont les tendances du financement immobilier ? Y a-t-il une demande croissante pour ces types de prêts ?

Le financement immobilier tend à devenir plus structuré et adapté aux besoins spécifiques des investisseurs, qui sont plus diversifiés et mieux informés. Selon Absa Commercial Property Finance, les prêts sur mesure en fonction des objectifs stratégiques des promoteurs, sont très sollicités. Comme une demande marquée de financements structurés pour des projets réalisés en plusieurs phases tels que les quartiers à usage mixte, les résidences avec services ou les projets intégrés combinant logement, travail et loisirs. Les promoteurs recherchent des financements flexibles, pouvant s’adapter aux différentes étapes, qu’il s’agisse de construction ou de détention à long terme. Une implication dès les premières étapes permettrait d’évaluer la faisabilité et de mieux anticiper les risques. Une autre tendance concerne la montée en puissance des prêts liés aux critères environnementaux. Le financement durable, avec des objectifs mesurables tels que les certifications écologiques comme EDGE ou LEED ou les normes d’efficacité énergétique, suscite un intérêt croissant des promoteurs et investisseurs soucieux de la performance environnementale.

Voyez-vous un changement de comportement des investisseurs, comme par exemple, une préférence pour la location plutôt que l’achat ?

À Maurice, comme ailleurs, une évolution vers des modèles locatifs semble se dessiner. Tant chez les particuliers que chez les entreprises, la flexibilité tend à prendre le dessus sur la propriété à long terme. En réponse à cela, des promoteurs ajustent leur stratégie, en développant des projets de type build to-rent (construire pour louer) ou des résidences avec services. Ce changement ne traduit pas un recul de la demande en propriété, mais plutôt une diversification des modes d’occupation. Les investisseurs intègrent de plus en plus de critères – stabilité des rendements, profil des locataires ou risques de vacance locative – dans leurs décisions, témoignant d’une approche plus institutionnelle, axée sur les revenus.

Quelles sont les préoccupations des clients actuels ?

Les promoteurs immobiliers et propriétaires d’actifs évoluent dans un environnement économique complexe, qui influence leurs décisions à long terme. Les clients se montrent plus sélectifs, privilégiant des projets bien structurés, portés par une demande réelle et financièrement viables. La viabilité économique ne suffit plus : la capacité de projets pérennes devient un critère essentiel. Création de valeur à long terme, durabilité et adaptabilité figurent au cœur des préoccupations auxquelles s’ajoutent efficacité énergétique, résilience aux changements climatiques et fondamentaux solides pour rester pertinents dans les années à venir.

Quelles sont les priorités stratégiques d’Absa pour les prochaines années ?

L’immobilier demeure un axe stratégique pour Absa, qui entend renforcer sa présence dans son financement, encourager des solutions de logement inclusives et accompagner le développement durable du secteur. Absa souhaite également intensifier sa collaboration avec les promoteurs, les investisseurs et les décideurs publics pour contribuer à un marché immobilier plus résilient, diversifié et préparé aux défis futurs.

Le financement de projets mixtes (bureau ,«retail»,résidentiel) connaît un regain d’intérêt. Cette tendance est-elle pertinente ici ?

La montée en puissance des projets mixtes constitue l’un des principaux moteurs de croissance de l’immobilier local. Portés par les Smart Cities, ces projets redéfinissent les modes de vie urbains et reflètent les attentes des usagers finaux. Les propriétaires fonciers et aménageurs revoient la valorisation de leurs terrains pour des concepts intégrés. Pour les institutions financières comme Absa, cette dynamique représente une opportunité. Les projets mixtes rapportent des revenus diversifiés, une meilleure résistance aux aléas du marché et une création urbaine de valeur durable. À travers des solutions de financement flexibles et adaptées, Absa Commercial Property Finance accompagne des projets bien structurés pour répondre aux besoins futurs tant des communautés que des investisseurs.

Quels sont les nouveaux risques – géopolitiques, climatiques, économiques – à anticiper dans le financement immobilier ?

Les risques dans l’immobilier sont en pleine transformation, nécessitant une approche sur mesure pour leur gestion. Les perturbations du climat gagnent en importance. Bien que Maurice émette moins de 0,01 % des gaz à effet de serre mondiaux, le pays reste vulnérable aux aléas climatiques comme des crues soudaines, l’érosion des plages et montée du niveau de la mer. Ces risques affectent la viabilité à long terme des projets, non seulement à Maurice mais aussi dans d’autres zones côtières et urbaines d’Afrique, où de faibles émissions et une forte exposition aux chocs climatiques coexistent.

Par ailleurs, la digitalisation des transactions immobilières impose des stratégies rigoureuses pour prévenir les risques liés à la cybersécurité et à la protection des données, qui peuvent fragiliser la résilience opérationnelle et la confiance des acteurs si elles ne sont pas maîtrisées. Une vigilance accrue, incluant des analyses de scénarios et une collaboration étroite avec les parties prenantes, est nécessaire pour renforcer la résilience et garantir la durabilité du secteur immobilier.

En tant que femme leader dans un secteur très masculin, quel message souhaitez-vous porter aux jeunes talents des secteurs financier et immobilier ?

La représentation compte. Le secteur évolue, et un leadership diversifié est indispensable pour favoriser l’innovation et l’inclusion. Chaque parcours, chaque voix a de la valeur – et la vôtre aussi. N’hésitez pas à vous entourer de mentors, à chercher du soutien, à vous appuyer sur vos pairs. Et lorsque ce sera votre tour, pensez à redonner. Les études montrent qu’il existe un effet multiplicateur sur la performance lorsque les femmes progressent dans les organisations. Alors, engagez-vous pleinement : si vous avez une place à la table, ce n’est pas par hasard.

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