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Interview

Son Excellence Irada Zeynalova: «Si nous vous avons appelés ‘amis’ il y a 57 ans, cela ne changera pas»

9 mars 2025, 18:00

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Son Excellence Irada Zeynalova: «Si nous vous avons appelés ‘amis’ il y a 57 ans, cela ne changera pas»

Son Excellence Irada Zeynalova, ambassadrice de la Fédération de Russie à Maurice.

Depuis votre arrivée, vous avez tenu plusieurs événements culturels, dont la venue du célèbre Théâtre Gzhel ce week-end. Prévoyez-vous d’autres événements au cours de l’année, notamment des initiatives pour les artistes russes affectés par les sanctions ?

Nous avons un vaste programme culturel. Après la venue du Théâtre Gzhel, nous aurons des concerts du Conservatoire de Russie, puis une projection de film à l’Aventure du Sucre. Nous aurons aussi des expositions, dont une exposition exceptionnelle en provenance des collections privées de marins russes. À savoir que nous avons offert les droits du documentaire Mauritius 1975 : Friendship Beyond Cyclones à votre télévision nationale. C’est un cadeau pour Maurice. Tous les mois, nous proposons aussi la projection des derniers films russes à Trianon. Ce sont les films les plus populaires, sous-titrés en anglais et qui seront gratuits. Nous aurons aussi l’International Children’s Book Day, et nous proposerons une semaine d’activités avec la venue de libraires russes.

Nous prévoyons beaucoup d’activités culturelles, non pas à cause des sanctions, mais parce qu’il y a une nouvelle ambassadrice qui a décidé de faire bouger les choses. En Russie, nous disposons d’un bel héritage culturel que nous voulons présenter à Maurice. À mon arrivée, plusieurs personnes m’ont demandé pourquoi ne pas amener le ballet et la musique classique russe à Maurice. J’ai donc appelé Moscou et je leur ai expliqué qu’il y avait une demande et que vous vous souvenez de ce que nous avons fait durant l’ère soviétique. Ils ont décidé de me soutenir. Mais la plupart de ces activités proviennent de mes contacts. Je les appelle et ils sponsorisent les activités. Par exemple, la venue du Théâtre Gzhel est sponsorisée par le gouvernement de Moscou. Le budget alloué à Maurice n’a donc pas augmenté par rapport aux années précédentes. Nous mettons l’accent sur la culture, car nous devons d’abord nous comprendre avant de travailler ensemble.

Mettre en avant les événements culturels est-il aussi une manière de combattre la «cancel culture» visant les artistes russes en Occident ?

Il n’y a plus de «cancel culture». Vous ne pouvez pas annuler la culture, car la culture est la seule chose qui nous différencie des animaux. Même durant les pires moments de l’histoire, le monde a continué à échanger autour de la culture. Nous ne pouvons l’arrêter à cause de problèmes géopolitiques. Je suis fière de dire qu’aucune civilisation ne peut se passer de la culture russe, car tout le monde connaît Tchaï kovski, par exemple.

Au cours des XVIIIe et XIXe siècles, nous étions sous l’influence de la culture française et allemande, et la culture s’est développée autour de toutes ces influences. Aujourd’hui, nous ne pouvons pas nous passer de la culture russe, car si vous l’annulez, vous devez aussi annuler la culture européenne et, de là, il y aura une chaîne d’annulation, et cela ne peut se faire. Lors des derniers Oscars, le film qui a été nommé Best Movie a vu la participation d’acteurs russes. Cela montre que, probablement, nous revenons à une époque où le talent passe avant la nationalité.

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Plus d’une cinquantaine d’artistes feront le déplacement pour Maurice en vue du spectacle de ce week-end. Est-ce qu’une délégation politique ou économique russe accompagnera aussi ces artistes ?

Oui, nous aurons six personnes d’une délégation, non pas politique, mais d’affaires, qui feront le déplacement pour Maurice. Nous aurons des personnes du ministère du Commerce de Moscou et probablement aussi du Tourisme. Nous devons renforcer les liens entre Maurice et la Russie. C’est mon idée. Ce n’est pas de la politique.

Vous faites très peu de commerce avec la Russie, car vous avez vos propres fournisseurs, notamment l’Union européenne, l’Amérique et l’Inde, entre autres. Mais le monde se rapproche. La Russie travaille avec le Sud global, nous faisons partie du Sud global. Nous soutenons toutes les idées de décolonisation et de souveraineté. Nous n’avons aucun intérêt ici. Nous n’avons aucun passé colonial avec l’Afrique. Nous avons toujours soutenu les nations.

Mais je comprends parfaitement qu’ici, les gens n’ont pas une idée concrète de ce qu’est Moscou. Je comprends aussi, en tant qu’ancienne journaliste, que, dû à la propagande de l’Ouest, des préjugés existent, mais Moscou est un État très moderne et très sécurisé. C’est l’une des meilleures villes au monde.

Outre les événements culturels, quels autres projets sont étudiés pour renforcer les liens entre la Russie et Maurice ?

J’ai écouté le discours de votre président concernant le développement national et je peux fièrement vous dire qu’à chaque point énoncé, nous pouvons dire : oui, nous l’avons.

Concernant le transport, c’est une de nos expertises. Notre système de transport est l’un des plus importants au monde. Dans le domaine du digital, nous pouvons pratiquement tout faire. En ce qui concerne la sécurité alimentaire, la qualité de nos produits, qui sont pour la plupart organiques, est meilleure que celle des pays européens.

Dans le domaine de la santé, j’ai une amie médecin qui, à ma demande, a rencontré votre ministre de la Santé et a offert des conférences ici. Nous proposons aussi d’implanter un microplastic laboratory de certification internationale ici, et nos scientifiques feront le déplacement à la fin du mois de mars.

Nous pensons également que le problème du trafic de drogue ne peut être résolu par un seul pays ou un seul ministère. It’s a global threat. Trafficking is beyond borders. Nous pouvons empêcher le trafic de drogue via la culture, le sport et les activités sociales, et c’est ce que je souhaite démontrer à Maurice.

Je ne veux rien de Maurice, je veux aider à améliorer les choses. Et s’il y a des améliorations, les gens comprendront que la Russie est à pour aider. En Russie, on n’abandonne pas ses amis. Si nous vous avons appelés «amis» il y a 57 ans, cela ne changera pas. Maurice est un pays neutre et, peut-être à cause de cette neutralité, vous êtes sûrement sous pression, mais nous comprenons cela.

La situation géopolitique actuelle pousse-t-elle la Russie à accélérer sa diplomatie vers des partenaires non alignés ?

Bien sûr. It’s a crucial time for the world system. Le monde se restructure. Par exemple, nous sommes en train de renforcer les BRICS. C’est un point très important, car plus d’un tiers des pays sont sous la censure des Amériques. Vous aimez cela ? Nous, non. Ce ne sont pas les Nations unies, c’est le souhait d’un pays de punir d’autres pays.

Mais s’ils veulent agir ainsi, nous n’allons pas nous mêler de leur politique. Cependant, nous pouvons nous réunir pour un futur meilleur, pour un futur plus juste. C’est cela l’idée des BRICS. Nous n’imposons pas un système politique unique, comme la démocratie ou autre. Nous nous disons que nous pouvons tous être différents, mais nous devons travailler ensemble pour faire face aux menaces mondiales. Le globe est petit et nous sommes à presque un pas de sa destruction. We have to unite.

Nous avons la BRICS Bank of Development pour aider tous les pays à se connecter. Et nous voulons promouvoir la dédollarisation, soit faire du commerce sans passer forcément par le dollar. Le commerce est une garantie contre tous les malentendus. Si vous voulez faire partie des BRICS, votre pays peut soumettre sa candidature. Les BRICS regroupent 10 membres permanents et comprennent, entre autres, des pays comme l’Égypte, l’Afrique du Sud, l’Inde, le Brésil, l’Éthiopie, l’Indonésie et la Chine.

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