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Sous Trump, tout se vend (même les règles du commerce)
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Sous Trump, tout se vend (même les règles du commerce)

Les nouvelles en provenance de Washington, DC, tombent comme un couperet : Maurice figure parmi les pays les plus sévèrement touchés par les nouveaux droits de douane imposés par l’administration Trump. À partir du 9 avril, les exportations mauriciennes vers les États-Unis seront soumises à une taxe de 40 %, dans le cadre du plan «Liberation Day» visant à instaurer des tarifs «réciproques». Une décision brutale, prise sans préavis, dans un flou total sur les critères d’évaluation et sans explication sur les justifications spécifiques à notre pays.
Cette mesure intervient alors même que l’African Growth and Opportunity Act (AGOA) – principal cadre d’accès préférentiel des produits africains au marché américain – arrive à son terme en septembre prochain. L’incertitude autour de son renouvellement, dans un contexte de repli protectionniste des États-Unis, accroît l’angoisse des pays bénéficiaires. Maurice, dont une partie des industries textiles et manufacturières dépend largement de ces préférences commerciales, se retrouve doublement exposée. D’un côté, la menace d’une perte d’accès préférentiel. De l’autre, une taxe punitive appliquée unilatéralement.
Dans ce contexte, la réaction des autorités mauriciennes reste mesurée. À l’Hôtel du gouvernement, on parle d’une «erreur d’appréciation». On espère un correctif. On demande des clarifications. Mais le silence de Washington, lui, est assourdissant. Aucun détail n’a été fourni sur les éléments ayant conduit à fixer le tarif à 40 %. Aucune consultation préalable, aucun dialogue. Ce que Port-Louis redoute, c’est que cette mesure ne soit qu’un avant-goût d’une refonte plus large des relations commerciales États-Unis–Afrique, dans laquelle les plus petits paieront le prix fort.
Le timing est d’autant plus inquiétant que l’administration américaine ne fait pas mystère de sa volonté de remettre en cause les accords multilatéraux. Le président Trump a déclaré que «si vous voulez un taux zéro, fabriquez aux États-Unis». L’ouverture commerciale est ainsi réduite à une récompense conditionnelle et la politique commerciale transformée en outil de pression bilatérale. Dans cette logique, les accords comme l’AGOA, perçus comme trop généreux, sont remis en question, remplacés par une approche transactionnelle brutale.
Maurice n’a pourtant jamais été un partenaire problématique. Elle ne pratique pas de dumping, n’impose pas de barrières commerciales excessives, ne subventionne pas de manière déloyale ses exportations. Elle a, au contraire, joué le jeu du libre-échange, de la transparence et de la coopération. La décision américaine ressemble donc à une sanction sans motif et risque de compromettre des années de construction d’un partenariat économique équilibré.
Les conséquences seront immédiates : nos exportateurs perdront en compétitivité, des chaînes de valeur régionales seront perturbées, des emplois seront menacés. Dans un pays où l’industrie textile demeure un pilier pour l’emploi féminin, cette hausse tarifaire pourrait frapper là où cela fait le plus mal.
Le cas de La Réunion, visée par une taxe de 37 % malgré des volumes d’échange marginaux, renforce l’impression d’un plan bâclé, décidé dans une logique de rapport de force et non de réalité économique. D’autres pays africains, dont Madagascar (47 %) ou le Lesotho (50 %), sont également visés, sans cohérence apparente.
Dans un monde où le multilatéralisme est de plus en plus fragilisé, Maurice devra faire preuve d’une diplomatie agile. La solidarité régionale, notamment à travers l’Union africaine et la Commission de l’océan Indien, doit se manifester. Le moment est venu pour les États africains de parler d’une seule voix, et de rappeler aux États-Unis que la coopération ne peut se construire sur la menace et l’unilatéralisme.
Il ne s’agit pas ici d’opposer Maurice aux États-Unis, mais de rappeler un principe fondamental : le commerce n’est pas une guerre. Les droits de douane ne doivent pas être une arme. Et les petits pays n’ont pas à payer les factures des grandes puissances qui s’isolent.
Maurice mérite mieux qu’un tarif de 40 %. Elle mérite d’être entendue, respectée et traitée en partenaire. À l’heure où l’avenir de l’AGOA est en suspens, cette taxe tombe comme un coup de massue. Le silence de Washington ne peut être une réponse. Il est temps de rouvrir le dialogue. Over and above le Deal Chagos, d’autant que nous sommes en pleines consultations prébudgétaires… Et, financièrement, le gouvernement, dit-on, ne cesse de découvrir des squelettes dans les placards.
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