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Me Satyajit Boolell
«Souvent, la police savait quelles décisions le bureau allait prendre avant…»
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Me Satyajit Boolell
«Souvent, la police savait quelles décisions le bureau allait prendre avant…»

Depuis les déclarations de Navin Ramgoolam à l’Assemblée nationale lors de la dernière séance parlementaire, les fuites d’informations révélées par Missié Moustass, dont la première saison a été publiée sur Facebook le 18 octobre dernier, refont surface. Cependant, bien avant cela, Me Satyajit Boolell, ancien Directeur des poursuites publiques (DPP), avait publiquement dénoncé cette surveillance de masse. Il revient aujourd’hui sur les éléments qui lui ont mis la puce à l’oreille.
Une surveillance omniprésente
Dans «Résister», un livre interview comportant une série d’entretiens réalisés par Alain Gordon-Gentil et lancé en mars 2024, Me Satyajit Boolell avait été catégorique : la Financial Crimes Commission Act avait été adoptée dans le but unique de réduire les pouvoirs du DPP. Cette loi transfère à la commission la décision de poursuivre ou non les infractions financières, telles que la fraude, la corruption, le blanchiment d’argent et le trafic de drogue, au détriment du DPP. Me Boolell souligne un fait troublant : «Bizarrement, la Financial Crimes Commission (FCC) ne traite pas le financement du terrorisme.»
Il avait également alerté sur les écoutes téléphoniques pratiquées sous couvert de la lutte contre le terrorisme. «Les tables d’écoutes pour surveiller toutes nos communications au bureau du Premier ministre continueront dans l’opacité et l’illégalité totale», déclarait-il. Plus loin, il insistait sur la nécessité de réglementer ces pratiques : «L’interception des conversations téléphoniques et des e-mails doit être sérieusement encadrée. La police doit obtenir l’ordre d’un juge et justifier en détail les raisons d’un tel recours. Or, à Maurice, la surveillance s’opère dans le plus grand secret, sans limites ni contrôle, entraînant une intrusion dans la vie privée des citoyens, en particulier des opposants politiques.»
Dans sa réponse parlementaire, le Premier ministre a confirmé l’existence d’une surveillance de masse.
Des indices révélateurs
Interrogé sur la question, Me Satyajit Boolell explique qu’il avait perçu des signes évidents lorsqu’il était en fonction. «Souvent, la police savait quelles décisions le bureau allait prendre avant même qu’elles ne soient officialisées.» Et cela ne concernait pas seulement la police. Dans l’affaire MedPoint, tout ce qui se discutait en interne au sein du bureau du DPP semblait être écouté. «Nos adversaires avaient toujours un temps d’avance. Ils savaient ce qui allait venir et prenaient les devants en cherchant des documents et des témoins pour contrer nos actions», précise-t-il.
Cette surveillance généralisée s’opérait sous prétexte de lutte contre le terrorisme, mais elle a donné lieu à de nombreux abus. «Nous étions plongés dans le roman de George Orwell ! C’était très choquant», s’indigne Me Boolell. Il évoque également les visites du commissaire de police au bureau du DPP dans le cadre d’enquêtes en cours. «Étrangement, il était déjà au courant des décisions prises avant même notre rencontre.»
Face à ces indices, le bureau du DPP a tenté de limiter les conversations téléphoniques, mais cela restait difficile dans un monde où la communication est omniprésente.
Me Boolell insiste aujourd’hui sur la nécessité de réglementer strictement les écoutes téléphoniques et la saisie des équipements électroniques des suspects. «Les perquisitions doivent être précises. La police doit clairement indiquer ce qu’elle cherche. Elle ne peut pas simplement débarquer chez quelqu’un sans motif valable», conclut-il.
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