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Portrait

Tawheed Taujoo manie les ciseaux la nuit…

7 avril 2024, 20:15

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Tawheed Taujoo manie les ciseaux la nuit…

Il est 22 h 30 à la rue Ollier, à Rose-Hill. Les façades obscures des bâtiments sont indistinctes, se fondant les unes dans les autres. Sauf celle du salon de Tawheed Taujoo. Chez lui, tout est encore allumé. Que fait-il, ciseaux et tondeuses en main, à cette heure-ci ?
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«Ce sont mes heures de travail habituelles», répond le coiffeur de 25 ans. Il avance que cela fait six ans qu’il a son salon ici, et qu’il ouvre la nuit. La raison est simple. «J’ai commencé dans le domaine en 2016. À l’époque, je travaillais dans un salon qui avait des horaires normaux, de 9 h 30 à 17 heures. Mais souvent, il y avait des clients qui demandaient s’il était possible de venir après les heures de bureau car c’était plus pratique pour eux», explique Tawheed Taujoo. L’idée fait son chemin. En mai 2018, il cherche un emplacement pas loin de chez lui et ouvre son salon, qu’il opère après sa journée de travail. «Je finissais à 17 h 30. Je rentrais, mangeais, prenais une douche et à 19 heures, j’étais à nouveau au travail», dit-il. Il avait ce même rythme tous les jours. Il restait ouvert jusqu’à 2 heures du matin environ, et les clients venaient. Employés et étudiants y trouvaient tous une certaine facilité.

Mais après un an, il commence à fatiguer. Il décide de se consacrer uniquement à son salon. Il quitte donc son emploi de jour et s’occupe de son salon à plein-temps. Aujourd’hui, ses horaires d’ouverture sont de 13 heures à 23 heures. En théorie, du moins. Souvent, il est là jusqu’à minuit, voire après. Outre ses rendez-vous calés, il y a ceux qui se pointent et doivent avoir une coupe en urgence. Ils attendent après les clients qui ont rendez-vous. Certains confient qu’ils ont déjà attendu presque trois heures pour avoir leur tour. «Mais cela ne gêne pas, vu l’heure. Je préfère que cela soit la nuit qu’en journée, avec le travail il est impossible pour moi de venir», explique un client, qui habite dans le nord du pays et travaille à Flic-en-Flac. Depuis qu’il a découvert le salon de Tawheed, il ne vient qu’ici. Il faut dire que les coiffeurs de nuit ne courent pas les rues.
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Au début, Tawheed était seul. Désormais, il a un assistant qui l’aide, et ce n’est pas de trop. Surtout pendant les périodes de festivités. À l’approche de l’Eid, il est déjà prêt à rallonger ses horaires. Tout comme il le fait pendant les fêtes de fin d’année. «En plus, cette année, l’Eid sera précédée d’un jour férié. Donc, je vais fermer à 2 heures du matin», dit-il. Mais il a vu pire. En 2019, il avait ouvert à 10 heures du matin. Il a fermé le lendemain, à 5 heures du matin. «Le soleil se levait, il y avait des gens qui allaient à la prière du matin», dit-il. D’ailleurs, cela fait partie de ses meilleurs souvenirs. Mais plus question de refaire la même chose. «Il y avait encore du courage à ce moment-là. Quand j’avais fini de travailler, je devais aller chez ma famille, donner un coup de main pour cuisiner du briani et tout ça», se remémore-t-il. Aujourd’hui, il ne se voit pas faire la même chose, raison pour laquelle il compte bien fermer au plus tard à 2 heures.

Travailler avec le public ne laisse pas que de bons souvenirs. Il y a aussi tous les autres. Comme la fois où il était sur le point de finir. Il était environ 2 heures du matin, c’était son dernier client. Un cyclone approchait. «J’avais fini la tonte, le courant a été coupé», dit-il. Il a fallu finir aux ciseaux et avec une tondeuse sans fil dans une lumière très faible. Aujourd’hui, il en rit, mais sur le moment, la situation ne lui semblait pas très comique. Mais ces horaires n’ont pas d’impact sur sa vie personnelle ? Pas pour le moment. Tawheed Taujoo est toujours célibataire.

Mais lorsqu’il fondera une famille, ce ne sera pas la même chose. Il faudra changer de rythme. «J’y ai pensé. Je vais probablement ouvrir plus tôt et fermer à 20 heures au plus tard. J’espère que mes clients comprendront…»