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Agriculture durable

Terres d’Agroécologie veut être un moteur de transformation du modèle agricole local

12 juin 2025, 17:00

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Terres d’Agroécologie veut être un moteur de transformation du modèle agricole local

■ Parmi les principaux outils développés par Terres d’Agroécologie figurent une vocation commerciale, dont une plateforme e-market.

Terres d’Agroécologie est une association qui œuvre pour accompagner la transition agroécologique à Maurice et dans la région sud-ouest de l’océan Indien. Elle dispose d’outils conçus avec des partenaires techniques et scientifiques, des entreprises, des établissements publics et des organisations non gouvernementales. Ces initiatives sont cofinancées par des bailleurs internationaux et des parrains locaux.

Parmi les principaux outils développés par Terres d’Agroécologie, figurent une académie de formation agroécologique, en partenariat avec un réseau de fermes, un label de qualité agroécologique fondé sur un cahier des charges adapté aux réalités agricoles et environnementales mauriciennes et un ensemble de partenariats à vocation commerciale, dont une plateforme e-market. Cette dernière accueille, depuis cette année, les premières productions agricoles et produits transformés, issus de fermes labellisées.

L’un des projets portés par Terres d’Agroécologie est le Programme national de transition agroécologique (PNTAE). Un programme conçu pour être mis en œuvre en trois étapes. La première, prévue de 2025 à 2027, porte sur la formation professionnelle, la labellisation des fermes, selon des critères agroécologiques et la structuration d’une gouvernance favorisant un partenariat public-privé. La seconde étape, qui s’étend de 2027 à 2029, prévoit un appel à manifestation d’intérêt, la sélection de territoires pour accueillir des consortiums de projets pilotes, la création d’un fonds de dotation pour financer la transition, ainsi que l’installation et l’accompagnement technique des producteurs engagés. À partir de 2030, une évaluation d’impact sera menée, ouvrant la voie à l’extension du programme vers d’autres territoires, notamment Rodrigues, Agaléga et la région sud-ouest de l’océan Indien.

La première phase, déjà amorcée par l’association, comprend des briques stratégiques comme la formation et la labellisation. Terres d’Agroécologie a ainsi lancé une académie, en partenariat avec l’EPLEFPA Forma’Terra, qui attribue désormais son label agroécologique à des fermes locales à travers des audits de terrain et un accompagnement par des agronomes. Ces démarches, expérimentées et améliorées depuis trois ans, préparent aujourd’hui un passage à l’échelle suivante. L’association affirme sa volonté de contribuer pleinement à la transition agricole nationale, en collaboration avec le gouvernement mauricien. C’est dans cette optique qu’elle a cosigné, le 25 avril, un accord-cadre de coopération pour l’agriculture durable avec le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) International, la Direction de l’agriculture, de l’alimentation et des forêts de La Réunion, le Food and Agricultural Research and Extension Institute (FAREI) et la Chambre d’agriculture de Maurice.


Questions à…Bruno Dubarry : «Le modèle actuel est à bout de souffle»

620 x 330 (38).png ■ Selon Bruno Dubarry, président de Terres d’Agroécologie, les enjeux sanitaires, environnementaux et économiques imposent une transformation agricole.

Dans un contexte de crise agricole et environnementale, l’association vise à être un moteur de transformation du modèle agricole local, à travers une démarche structurée, progressive et inclusive. Pour en savoir plus, «l’express» a interrogé le président de Terres d’Agroécologie, Bruno Dubarry.

🟦Quel est votre constat du modèle agricole à Maurice et quels sont, selon vous, les signes les plus préoccupants ?

Le modèle agricole mauricien repose fortement sur l’intensification, la monoculture et l’importation d’intrants (semences, fertilisants, traitements). Ce modèle a montré ses limites face au dérèglement climatique : érosion de la biodiversité, absence de vie dans le sol, dépendance aux intrants chimiques, vulnérabilité latente de la sécurité alimentaire et nutritionnelle, sans parler de la volatilité des prix. Les effets sur la santé publique et animale sont aussi préoccupants, avec une utilisation excessive de pesticides, d’herbicides et de fongicides, ainsi qu’une alimentation majoritairement pauvre en nutriments.

🟦Malgré cette situation, pensez-vous qu’il existe un terrain favorable pour engager une transition agroécologique à grande échelle ?

Oui, à condition de favoriser le terrain pour la transition, autant du point de vue conceptuel que pratique, organisationnel et financier. Par ailleurs, le contexte décrit précédemment et les conditions de production agricole à Maurice étant grandement soumises à des aléas internationaux – climatique, géopolitique, économique, démographique – nous n’avons pas d’autre choix que d’engager une transition, c’est une nécessité et non une alternative marginale. Il existe un intérêt croissant des producteurs, consommateurs et institutions, et le programme que nous proposons est un cadre structurant et progressif pour penser et agir ensemble à toutes les échelles.

🟦Quel rôle la recherche, les universités ou les centres de formation peuventils jouer dans cette transition ?

Ils sont essentiels pour l’appropriation de l’agroécologie en permettant de produire de la connaissance à partir d’expérimentations et de diffusion des résultats. Ils contribuent à terme à disposer de modèles adaptés et que l’on peut répliquer à Maurice et dans la région. Le programme national que nous souhaitons faire émerger prévoit des hubs mêlant production, formation et recherche appliquée, intégrés dans des territoires dédiés à l’agroécologie. L’assistance technique et l’amélioration continue sont essentielles.

🟦Vous portez le message que «Maurice est mûr pour un Programme national de transition agroécologique (PNTAE)». Quels constats vous amènent à cette affirmation ?

Le modèle agricole actuel est à bout de souffle. Les enjeux sanitaires, environnementaux et économiques imposent une transformation. Le PNTAE répond à ces urgences avec une approche systémique, des objectifs clairs, des phases planifiées, ainsi qu’une volonté d’inclusion des acteurs locaux et à terme régionaux. Sur le terrain nous constatons une dynamique qui va dans le sens de développer en plusieurs localités ces espaces tiers de production, d’expérimentation, d’apprentissage et de mutualisation des moyens.

🟦Ce projet pourrait-il servir de base à un programme de coopération régionale ? Et quels pays de la région pourraient être partenaires d’une telle initiative ?

Maurice ne peut agir seul sur cette thématique et les échanges avec d’autres pays et acteurs nourriront notre propre transition. Le PNTAE contribuerait à une dynamique régionale qui mobilise déjà des acteurs de terrain comme les organisations paysannes, les associations et fédérations d’acteurs de l’agroalimentaire, les organismes de recherche appliquée, de l’enseignement agricole et les acteurs institutionnels de la coopération régionale. Les territoires ayant déjà enclenché ou en réflexion pour une série de projets et programmes nationaux sont Madagascar, La Réunion et Maurice, les récents projets auxquels Terres d’Agroécologie a participé comme APTAE-OI sur l’appropriation des pratiques pour la transition agroécologique dans l’océan Indien en partenariat avec le CIRAD Réunion et la Chambre d’agriculture de Maurice, ainsi que l’implication d’une quarantaine d’organisations, dont évidemment le FAREI pour Maurice, nous ont montré l’intérêt d’impliquer l’ensemble des archipels dans notre région. Ce programme participerait à la sécurité alimentaire et nutritionnelle régionale grâce à des échanges de savoir-faire et la mutualisation des ressources méthodologiques, capitalisant sur ce qui a déjà commencé à travers des outils livrés par nos récentes collaborations.

🟦De quels types de soutien auriez-vous besoin pour faire aboutir ce programme ?

Le PNTAE est un programme qui doit reposer sur le cofinancement avec une première étape de fonds publics mauriciens, soutenus par des fonds de développement étrangers ; la contribution du secteur privé reprend des schémas existants comme la mise à disposition de terres agricoles pour accueillir ces expérimentations et la fourniture de matériels, tout en intégrant les outils de financement collaboratifs (incluant les résidents mauriciens et investisseurs particuliers, les ressortissants de notre diaspora aussi) pour soutenir des modèles économiques encore émergents avant de disposer d’offres adaptées venant des secteurs bancaire et de l’assurance. C’est pourquoi la constitution d’un fonds de dotation est nécessaire pour financer, sur le long terme, avec une stabilité suffisante, une transition agricole dont les risques doivent être minimisés autant que possible.

🟦Comment comptez-vous mesurer les résultats ou l’efficacité d’une telle transition ? Quel impact espérez-vous voir à moyen ou long terme sur l’agriculture mauricienne ?

Le programme vise à tester en situation réelle les différentes briques de cette transition avec le meilleur des accompagnements techniques et scientifiques. La première étape est importante pour mettre en place les conditions de réussite, la seconde permettra la mise en œuvre du dispositif sur plusieurs sites agricoles en simultané. Les indicateurs de performance pour les systèmes agricoles développés et testés seraient fondés sur des données socio-économiques – investissement, amortissement, revenus, charges, professionnalisation, formation suivie, label obtenu, entre autres – et bénéfices apportés à la biodiversité – composition du sol, interaction entre espèces, production et consommation de matières organiques, et efficience des systèmes avec les ressources en eau – pour permettre d’évaluer la durabilité des activités et la qualité de l’assistance technique fournie. Le programme PNTAE se voulant transitoire, les enseignements tirés permettraient d’éclairer les politiques publiques et projets d’investissements privés pour un passage à l’échelle nationale. En dix ans, il doit être possible de mesurer le poids croissant de l’agriculture durable dans toute la production nationale, la réduction des intrants chimiques dans celle-ci, la résilience accrue des systèmes agricoles face au dérèglement climatique, la part de produits issus de l’agroécologie dans l’industrie de transformation, les emplois créés et convertis à l’agriculture durable, entre autres.

🟦Quelles sont vos attentes par rapport au nouveau gouvernement en agroécologie et planification de la production agricole pour assurer une sécurité alimentaire saine ? Et quelles seraient les étapes clés pour faire évoluer le système agricole mauricien ?

Terres d’Agroécologie attend un engagement fort de l’État, notamment en matière de soutien aux producteurs, qui s’engagent dans la formation et la labellisation – cela passerait par un cofinancement de leurs frais d’inscription à notre parcours de formation en apprentissage «Agroécologie et Agripreneurs : Parcours et Pratiques», ainsi que la couverture de leur première année de labellisation, particulièrement les frais d’audits et d’analyses d’échantillons d’eau et de sol.

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