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Interview

Thierry Merven: «Nous avons été surpris par certains commentaires du Privy Council»

26 juillet 2024, 22:00

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Thierry Merven: «Nous avons été surpris par certains commentaires du Privy Council»

Thierry Merven, Group Chief Executive Officer de Beau-Vallon.

Après le jugement du Judicial Committee du Privy Council dans l’affaire opposant Eco-Sud au ministère de l’Environnement, le CEO du groupe Beau-Vallon réagit et apporte des clarifications sur le projet de développement qui se trouve au cœur de cette affaire.

Quelle est votre réaction officielle à ce jugement et quelles actions envisagez-vous de prendre ?

Le Privy Council, adoptant une interprétation plus large de notre législation, a en effet statué sur le fait que les ONG et associations de défense de l’environnement ont la légitimité, le locus standi nécessaire pour contester un projet. Nous avons toutefois été surpris par les commentaires des juges dans le dernier paragraphe du jugement (par 96), qui vont bien au-delà du point de droit jugé dans cette affaire. Ces commentaires semblent ignorer tous les permis déjà obtenus pour notre développement, certains datant de cinq ans. Il ne s’agit pas seulement de notre EIA, mais aussi des divers permis de construire (BLUP) et du clearance du comité Ramsar.

En émettant l’hypothèse d’un retour à l’état initial pour un projet qui a obtenu et respecté scrupuleusement l’intégralité de ses permis, ces commentaires remettent en question non seulement la crédibilité des autorités et institutions mauriciennes, mais affectent également la confiance des investisseurs, développeurs et acquéreurs de biens immobiliers dans l’île. Notre développement se retrouve aujourd’hui égratigné dans les médias, en raison de nombreux amalgames et de la diffusion d’informations erronées dans la presse et sur les réseaux sociaux.

Concernant l’obtention de votre EIA, pouvez-vous garantir que toutes les procédures ont été respectées rigoureusement et comment répondez-vous aux allégations de manquements soulevées par Eco-Sud ?

Le processus d’obtention de notre EIA a été conduit par des experts indépendants spécialistes de l’environnement et a suivi toutes les étapes de validation par les autorités compétentes. Nous avons ainsi collaboré étroitement avec tous les organismes représentés au niveau du EIA Committee et le comité Ramsar pour garantir le respect de toutes les exigences légales et environnementales requises pour un tel projet. Les études menées ont couvert de nombreux aspects conformément aux normes établies par le ministère de l’Environnement. Ces études ont évalué, entre autres, l’impact sur le trafic routier, la gestion de la qualité de l’air et de l’eau, la biodiversité, l’impact sur les zones humides et le lagon, les mesures d’adaptation au changement climatique, la gestion des eaux usées et des eaux pluviales, le plan de gestion environnementale, la gestion des déchets et la consommation d’énergie, ainsi que l’impact social et économique du projet.

Nous avons soumis toutes les études et documents préparés par nos consultants, ingénieurs et spécialistes en biodiversité, à pas moins de 22 autorités, en sus du comité Ramsar, lesquelles se sont prononcées favorablement au développement de notre projet.

Les Law Lords ont critiqué le fait que vous avez poursuivi les travaux malgré les procédures légales en cours. Comment justifiez-vous cette décision ?

Nous sommes dans un Etat de droit où les permis délivrés ont toute leur légitimité et où prévaut «la présomption de régularité», principe universel qui s’applique à tous les permis, une fois délivrés par les autorités compétentes. Nous avons poursuivi les travaux en stricte conformité avec les permis obtenus, lesquels sont le résultat d’un processus rigoureux comme expliqué précédemment. Pendant les cinq années suivant l’obtention de notre permis EIA, aucune demande d’injonction contre le projet n’a été formulée devant l’ELUAT.

Vous sera-t-il possible de remettre la zone en état en cas de jugement défavorable de l’ELUAT ?

L’affaire n’a encore jamais été entendue sur le fond, il est vraiment prématuré de spéculer sur une telle hypothèse de même que sur le bien-fondé des contestations. Nous avons toujours agi de bonne foi, respectueux de nos devoirs et obligations, et avons déjà investi de manière significative dans des mesures de protection et de restauration environnementale.

Eco-Sud sous-entend que votre projet met en danger les zones humides et le lagon. Pouvez-vous fournir des éléments réfutant ces allégations ?

Notre projet de Pointe d’Esny Le Village a au contraire été conçu avec une attention particulière à la protection des zones humides et du lagon. Nous ne cessons de le dire ; dès le début du projet, des mesures strictes ont été intégrées pour préserver ces écosystèmes fragiles. D’ailleurs, le projet a été le premier dans l’île non seulement à protéger intégralement une zone humide et à la restaurer, mais aussi à intégrer un dispositif d’adaptation au changement climatique (le dispositif Triton), qui assure également la protection de ces mêmes wetlands.

Ce dispositif comprend six bassins enterrés en amont des wetlands pour gérer les eaux pluviales, prévenir les inondations et assurer une filtration naturelle de l’eau avant qu’elle n’atteigne les zones humides et indirectement le lagon. De plus, notre projet bénéficie du financement du programme SUNREF, un mode de financement vert de l’Agence française de développement, réservé aux projets respectueux de l’environnement. Ceci a été possible après que des études et audits approfondis ont été faits par des experts indépendants mandatés par des institutions internationales et des bailleurs de fonds.

Quelles mesures précises prenez-vous pour garantir la restauration des zones humides et comment assurez-vous que ces efforts respectent les conditions stipulées dans votre EIA ?

Nous avons commencé la restauration des zones humides et des zones tampons avant même d’entamer la construction des infrastructures. Nous avons retenu les services d’un spécialiste en biodiversité afin d’élaborer et de mettre en œuvre un plan de gestion et de restauration des zones humides. Ce plan a été validé par le National Parks and Conservation Services (NPCS), qui assure la gestion de nos parcs nationaux. Nous recevons régulièrement la visite des officiers du NPCS pour vérifier le bon déroulement des travaux de restauration.

Depuis janvier 2022, une première partie des zones humides et des zones tampons est en cours de restauration. Les futurs résidents du village contribueront financièrement, par le biais du syndic, à la restauration et à l’entretien de ces zones, assurant ainsi la pérennité des efforts de restauration. Ce plan de restauration comprend plusieurs étapes clés :

•Enlèvement de la végétation exotique envahissante : nous avons ciblé les espèces végétales exotiques qui compromettent l’intégrité des écosystèmes locaux.

•Réintroduction de plantes endémiques : À la finalisation du projet, nous aurons réintroduit 7 000 plantes endémiques adaptées au climat de la région pour recréer un écosystème dynamique constitué d’espèces locales. À ce jour, plus de 600 arbres, arbustes et palmiers indigènes ont été plantés et près de Rs 8 millions ont déjà été investies dans ce plan de restauration. Nous respectons strictement les conditions stipulées dans notre EIA.

Toujours est-il que la construction près de ces zones sensibles et des buffer zones a été fortement déconseillée par plusieurs experts et rapports depuis plus de 10 ans. Avez-vous fait une étude pour connaître sa composition (caves souterraines, sol poreux, faune qui y habite, etc.) pour pouvoir restaurer par la suite ?

La législation actuelle autorise un développement au-delà d’un “buffer zone” de 30 mètres des zones humides. Nous avons bien entendu respecté cette distance, et avons été même au-delà dans le cadre du projet, en identifiant un poumon vert regroupant les différentes zones humides et sa zone tampon afin de créer un espace protégé de 30 arpents d’un seul tenant. Nous avons d’ailleurs intégré à notre poumon vert, une zone humide additionnelle qui n’était pas répertoriée dans la liste des Environmental Sensitive Areas (ESA).

Comment répondez-vous à l’inquiétude des parlementaires qui ont abordé cette affaire dans une PNQ récente, et comment allez-vous coopérer avec les autorités pour résoudre ces préoccupations ?

Nous prenons très au sérieux les préoccupations soulevées par les parlementaires et nous sommes engagés à coopérer pleinement avec les autorités pour dissiper ces inquiétudes. Force est de constater cependant qu’il y a encore une fois de nombreuses inexactitudes ou contre-vérités qui sont véhiculées. Je précise à nouveau que nous avons toujours agi dans le respect des lois et des règlements en vigueur dans le cadre de ce projet et que nous continuerons à le faire.

À ce propos, je me permets de rappeler quelques éléments pour bien comprendre la chronologie de l’obtention de nos permis et autorisations: le projet a obtenu le clearance du Ramsar Committee depuis 2018, indiquant que le comité a bien été consulté.

Nous avons obtenu depuis 2019 la licence EIA qui contient une série de conditions avec lesquelles nous sommes en stricte conformité. Cet exercice ainsi que la production du rapport ont été effectués par nous, promoteurs du projet, comme le demande la loi. Les permis de construire (BLUP) ont été délivrés entre 2019 et 2023.