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Kronik KC Ranzé
Tout est affaire de contraste…
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Kronik KC Ranzé
Tout est affaire de contraste…

Bien sûr que l’on a le droit de grogner ! Les grognons ont d’ailleurs toujours aidé à faire avancer le monde. Bien sûr que l’on a le droit de critiquer! C’est un droit fondamental en démocratie et c’est un droit qu’il faut utiliser, au risque bien réel de le perdre, si on le néglige. En démocratie, on doit exiger des comptes et tenir, en permanence, ceux qui ont demandé à diriger le pays sur leurs orteils. Le faire comporte évidemment quelques risques, sauf si vous vous barricadez frileusement derrière des pseudonymes avant de donner votre ‘opinion’… libre et raisonnée ! Ne pas assumer ses responsabilités en démocratie, peut évidemment nous mener au règne des autocrates…
Cependant, on ne devrait pas, en toute équité, tout critiquer, tout le temps, sans nuance et sans perspective. Car cela équivaudrait évidemment alors à de la partisannerie d’écervelé. Les hommes politiques, et en particulier les dirigeants, savent bien que l’homme de raison ne saurait être propagandiste ou zélateur. C’est bien pour cela qu’ils préfèrent les partisans, l’émotionnel et, si possible, l’absence de lucidité. C’est plus commode. Du moins pour un temps. Mais en finalité, c’est tellement plus dangereux ! Les retours de manivelle étant alors plus que probables.
On grogne dans ce pays depuis les élections de novembre 2024 ? Pour sûr ! On a tellement promis que le focus était sur les bonbons annoncés, plutôt que sur les ‘Notes de Caution’ qui les accompagnaient. Ces dernières n’ont certes pas été aussi nombreuses que les promesses et elles sont – par définition – moins attirantes. Ainsi, l’électeur a plutôt tendance à faire le tri et à s’accrocher à ce qui lui plaît plutôt qu’à constater les difficultés qu’il faudra d’abord enjamber ou les efforts qu’il faudra faire, avant d’accéder à mieux. C’est d’ailleurs l’attitude plutôt standard de ceux qui croient aux miracles ou qui espèrent de l’argent facile, plutôt que d’avoir à étudier, à se décarcasser, à s’investir…
Combien d’entre nous, tous citoyens confondus, se sont demandé ce que coûteraient ces longues listes de cadeaux électoraux que l’on nous proposait des deux côtés ; du 14e mois au transport gratuit; de la réduction du prix du Kwh et de l’essence aux médicaments gratuits pour tous ; des Rs 5 000 par mois, par enfant jusqu’à l’âge de 18 ans aux Rs 2 000 par mois, par femme au foyer ; de la pension à Rs 20 000 (et éventuellement Rs 21 500 !) aux prêts logements à 0 %… ? Bien peu, je parie ! Combien d’autres se sont posé la question de savoir qui allait payer pour tout cela ?
On rêvait de Diego ? Ben, Diego est là et ne représente que 1,5 % du PIB annuellement, alors que le déficit budgétaire est… 6 fois supérieur à 9,4 % ! Diego va certes aider, mais ne va rien transformer de fondamental…
Qui se souvient que, dans son manifeste électoral, l’Alliance du Changement annonçait une Fiscal Responsibility Act pour gérer les finances publiques «de manière responsable» ? Que faut-il faire maintenant que le State of the Economy a décrit le véritable état des finances du pays ? Gérer de manière irresponsable ? Distribuer tous les cadeaux annoncés et continuer à gérer comme si nous étions bénis des dieux, imprimant de plus en plus de billets, avec de plus en plus de zéros ?
On ne pourra pas empêcher un peuple habitué aux gâteries de se plaindre… mais les tiroirs, y compris ceux des riches, ne sont pas sans fonds!
Par ailleurs, on oublie trop vite qu’on grognait aussi avant ces élections et, à mon humble avis, avec bien plus de justification ! En effet, il doit bien y avoir quelques raisons fondamentales et plutôt indigestes pour lesquelles un gouvernement, qui a dû, il est vrai, faire face au Covid et qui a beaucoup fait sur le plan social (negative income tax, pensions de vieillesse, salaire minimum), et qui a quand même laissé quelques travaux publics non négligeables (by-pass divers, SAJ bridge, métro…) s’est fait sévèrement lessiver… par 60-0 !
On peut bien grogner contre certaines nominations politiques déraisonnables du gouvernement présent, mais sous Lepep, cela a été bien pire ! Avec le temps, tout s’oublie… ? On a tempêté contre le garden party du 12 mars, le maintien du poste de viceprésident, le nombre anormal de conseillers de ministres et du nombre de ministres eux-mêmes, alors que le pays est ‘dan la bese’. C’est avec raison ! Ne serait-ce que sur le plan symbolique ! Les retards dans les nominations de nouveaux conseils d’administration et de CEO n’aident absolument personne et sûrement pas le pays. Licencier les nominés ‘politiques’ du précédent régime ne peut qu’être justifié si ces nominés ont surtout été à la solde, ou pour la cause, d’un parti plutôt que de l’Etat et à la solde d’intérêts particuliers plutôt que d’intérêts communs. Le ciment qui augmente ne fait pas plaisir bien sûr, mais ce prix a été contraint artificiellement sous l’ancien régime au point où la profitabilité devenait de plus en plus famélique et même négative depuis 2022. Le taux de perdition dans les tuyaux de la CWA augmentait de 58 % à 62 % en 10 ans, malgré force dépenses! Rs 11,7 milliards de drains devant être finalisés en 2024 n’étaient complétés qu’à 41 % en juin. Pour les 12 000 logements sociaux c’est pire, d’ailleurs. Les plans de pensions des corps para-étatiques affichent des ‘trous’ de Rs 149 milliards ! Les générateurs du CEB sont au bord de la rupture et les ‘black outs’ menacent. La CSG et la pension universelle courent rapidement vers la faillite. Les dilapidations de fonds publiques ont été légion (Air Mauritius, MIC, Molnupiravir, Pack n Blister, Silver Bank, Kuros, Safe City, Menlo, Verde, etc.).
La roupie vaut 46 % de moins qu’il y a dix ans ! On a oublié ? La balance des comptes courants est déficitaire. La balance des paiements de même. On trouve difficilement des devises en banque depuis assez longtemps, malgré les ‘réserves’ ! Ce n’est pas nouveau ! La productivité est en berne et n’a pas encore rejoint le niveau pré-Covid. Le déficit du Budget est à 9,4 %. Les ‘Special Funds’ de Rs 37 milliards de 2022 sont à sec. Totalement épuisés! La dette publique est à plus de 90 % du PIB… Les débâcles extrêmement coûteuses de Betamax, de la BAI, de Patel Engineering… nous ont beaucoup saigné. De nombreux corps para-étatiques et SPV roulent à perte et devront être financés centralement par les contribuables, bien sûr, plutôt que par les responsables de Lepep (Metro, NPF, CWA, WWA, NSLD, STC, Air Mauritius, Casinos, CNT, Rose Belle SE…)
Sur le plan des libertés, qui peut oublier les instincts totalitaires qui ont engendré le Prosecution Commission Bill qui n’avait comme but premier que l’éviscération du DPP, les amendements à l’IBA Act de décembre 2021, la MBC solidement enracinée dans son monopole de propagandiste du gouvernement et un Parlement qui, de session en session, ne favorisait ni les réponses précises aux questions parlementaires, ni une atmosphère de réflexion, de décorum et de dignité…
On continue avec ces raisons objectives de l’insatisfaction générale du public mauricien avant les élections générales ? Faut-il mentionner les rayons X de Missié Moustass qui illustraient de manière cruelle et sans appel, le type de gouvernement que l’on s’apprêtait à évacuer, de toute façon ?
Tout est effectivement une question de contraste ! Le gouvernement actuel est sans doute loin d’être parfait, a même fauté plusieurs fois, mais devrait toujours, pour le moment, bénéficier du contraste d’avec son prédécesseur, si la mémoire des faits n’a pas totalement disparu ! Le gouvernement actuel a même quelques bonnes mesures de changement à son actif et c’est sans doute à ses nouveaux attachés de presse, généreusement payés des fonds publics, d’en faire le bilan… et la propagande, plutôt qu’à la presse, exsangue, laissée derrière ?
Et si par hasard nos dirigeants eux-mêmes, tremblotant face à la grogne qui s’installe, étaient incapables de rappeler à la population les véritables raisons du 60-0 et ne portaient pas le changement fondamental (et dur !) promis à notre manière d’opérer, tentant plutôt de ‘passer entre les gouttes de pluie’ en ne fermant aucun des canards boiteux qui pullulent et qui sont souvent inutiles, en ne licenciant personne, en ne produisant pas bien plus pour l’exportation, en faisant fi de la productivité, en promettant, au contraire de recruter 3 000 fonctionnaires ou plus ici et là et de continuer à vivre au-dessus de nos moyens; ils auront choisi de faire comme les autres, de farfouiller, de masquer, de faire plaisir et de ne pas gouverner de manière responsable et de vouer ainsi ce pays à la géhenne !
Ce Budget qui arrive nous dira tout ! Il ne faut pas se laisser détourner de l’essentiel. La situation est grave et pourrait l’être encore plus. Il faut avoir le courage de trancher dans le fatras pour changer le cours des choses et se baliser un avenir solide à moyen terme…
Jusque-là, au moins, que nos gouvernants bénéficient du contraste objectif d’avec leurs prédécesseurs!
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