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Société

Travailleurs abandonnés : l’attente insoutenable des ex-employés de Star Knitwear

3 août 2025, 07:30

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Travailleurs abandonnés : l’attente insoutenable des ex-employés de Star Knitwear

Mercredi matin, c’est devant la Victoria House que la colère a éclaté. Une centaine de travailleurs, autrefois employés par la compagnie Star Knitwear, ont manifesté leur désarroi. Privés d’emploi depuis mai, sans ressources et sans réponses claires, ils réclament justice. Dans la foule, des visages fatigués, des regards remplis d’inquiétude. Mauriciens et travailleurs étrangers, unis dans la même galère, ne savent plus vers qui se tourner. Leur dernier espoir : Fayzal Ally Beegun, leur syndicaliste, en qui ils placent toute leur confiance.

«On veut juste notre dû», lance Raj (), qui a travaillé plus de 20 ans pour l’entreprise. Aujourd’hui, il est sans revenu et attend désespérément le salaire de juillet. Comme lui, Sheila s’interroge sur les démarches en cours.«On ne sait même pas si on sera éligibles pour le Workfare Programme. On n’a pas reçu notre lettre de licenciement, donc on est en chômage technique, mais sans aucun soutien»*, explique-t-elle, entourée de ses collègues.

«Difficile de recommencer à zéro»

Ce flou administratif vient s’ajouter à une angoisse plus profonde : que leur réserve l’avenir désormais ? Beaucoup ont dédié leur vie à cette entreprise. Trente ans pour certains, une vingtaine pour d’autres. «On avait notre routine, nos horaires. On bossait de 7 h 30 à 17 h 30, sans travailler les week-ends. Aujourd’hui, les emplois disponibles exigent des horaires étendus, des nuits, des week-ends… À notre âge, c’est difficile de recommencer à zéro.»

La peur de l’inconnu, l’absence de perspectives et surtout, une série de zones d’ombre autour de la faillite de Star Knitwear nourrissent leur colère. Des informations contradictoires circulent : certains parlent d’un arrangement trouvé avec l’ancien syndicat via le Redundancy Board. Mais les travailleurs, eux, rejettent l’idée de recevoir une compensation de seulement 15 jours par année de service. «Ce n’est pas suffisant pour des gens qui ont tout donné», disent-ils.

Ils dénoncent aussi un traitement à deux vitesses. Quand eux risquaient des sanctions pour la moindre erreur, leurs anciens employeurs, eux, ne rendent de compte à personne. «On est réduits à quémander notre salaire, comme des mendiants. C’est révoltant», s’indigne un autre ancien employé. Ce sentiment d’injustice, Fayzal Ally Beegun le partage. Syndicaliste engagé, il a rencontré récemment le ministre du Travail. Mais les nouvelles ne sont pas rassurantes.

Selon les informations obtenues, ceux qui touchaient un salaire d’environ Rs 20 000 pourraient être payés, tandis que ceux qui gagnaient Rs 50 000 n’obtiendront rien. «Comment ces familles vont-elles survivre ?» interroge Fayzal Ally Beegun, qui dénonce l’inaction des autorités. Le fait que les lettres de licenciement ne soient pas encore distribuées bloque également l’accès au Workfare Programme.* «Tout cela, alors que la compagnie est sous administration et qu’un Receiver Manager est censé travailler sur la vente des actifs. Où en est-il ? Les employés n’ont aucune visibilité.»*

Face à l’urgence sociale et humaine de cette situation, le syndicaliste annonce qu’il compte écrire au Premier ministre, également ministre des Finances. Il lui demandera d’effacer les dettes de la compagnie pour que les fonds issus de la vente des biens reviennent directement aux employés. «Il faut que cet argent serve à indemniser ceux qui ont tout perdu.»

En attendant une réponse, les ex-employés de Star Knitwear continuent à vivre dans l’angoisse et l’incertitude. Sans travail, sans compensation et sans reconnaissance, ils réclament une chose simple : qu’on respecte leur dignité et leur droit à une vie décente après des décennies de labeur.

(*) noms d’emprunts.

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