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Local Government Act
Un amendement en urgence pour protéger des proches de deux ministres ?
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Local Government Act
Un amendement en urgence pour protéger des proches de deux ministres ?
Le Local Government (Amendment no 2) Bill sera présenté en première, deuxième et troisième lectures mardi au Parlement.
Le conseil de district de Flacq ne veut pas déclarer trois sièges vacants et les remplacer. En attendant, un projet pour amender la Local Government Act (LGA) pourrait remettre au ministre Husnoo le pouvoir de décider quand et comment procéder. Mais il y a plus…
Lors des débats sur la LGA en juin dernier et afin de justifier le renvoi des municipales, le gouvernement avait annoncé qu’il irait de l’avant avec des amendements pour une réforme complète des administrations régionales. Mais voilà que six mois après, il vient en toute urgence avec un ‘petit amendement’ qui a toutefois une grande importance dans la conjoncture actuelle : le Local Government (Amendment no 2) Bill, qui sera présenté en première, deuxième et troisième lectures ce mardi au Parlement. Cet amendement express, qui concerne surtout l’article 37 (3) de la LGA, intervient comme par hasard dans le sillage de ce qui se passe actuellement dans des villages de l’Est, tombant sous le contrôle du conseil de district de Flacq. On vous explique.
Les sièges de Bibi Mariam Toofail de Brisée-Verdière, Louis Rubin Brosse et Sawan Racktoo de Trou-d’Eau-Douce n’ont toujours pas été déclarés vacants par le Chief Executive (CE) et ils n’ont pas été remplacés, cela bien que le président de leur groupe ait écrit à ce dernier pour dire que ces trois conseillers ne font plus partie de leur groupe, sous lequel ils ont été élus. Pourtant, les sièges de Shivkumar Gunggoo, du village de Poste-de- Flacq, de Shameersingh Askurn et Chetram Sangam (NdlR, connu comme ‘Jacket vert’) du village de St.-Julien avaient bien été déclarés vacants fin novembre 2023 et les conseillers remplacés. «Il est clair que le gouvernement a voulu stopper l’hémorragie en bloquant le processus, en attendant de changer les lois», lâche une source. Mais ces lois seront-elles rétroactives ? On ne le sait pas.
Une mise en demeure (MED) a même été servie le 1er décembre au CE du conseil de district de Flacq par le conseiller du village de Brisée-Verdière et président du groupe ‘Unity Group of Brisée-Verdière.’ Ce dernier, Lallbeeharry Gunness, demande au CE du conseil de district de Flacq (NdlR, les villages tombent sous la responsabilité du conseil de district respectif contrairement aux villes qui ont leur propre CE) de déclarer vacant le siège de Bibi Mariam Toofail car cette dernière ne fait plus partie du ‘Unity Group of Brisée-Verdière.’ Gunness a dû se résoudre à servir une MED au CE du conseil de district de Flacq car ce dernier n’a pas réagi à sa lettre datée du 27 novembre 2023, dans laquelle il demandait que ce siège soit déclaré vacant. Et à hier, soit le 2 décembre, cela n’avait pas été fait. Ni pour les deux élus de Trou-d’Eau-Douce.
Pour rappel, ces conseillers de village ont droit au vote lors de l’élection d’un président du conseil de district. Et l’on apprend que ces conseillers auraient choisi de soutenir un autre groupe de conseillers. En ce qu’il s’agit de Trou-d’Eau-Douce et Brisée-Verdière, il nous revient que les deux conseillers de district sont proches de l’actuel président du conseil de district de Flacq, Kishore Kumar Jeewooth, victorieux sur le fil lors de l’élection présidentielle de Flacq en décembre 2022 et largement soutenu par deux ministres en l’occurrence Deepak Balgobin et Vikram Hurdoyal. D’ailleurs Deepak Balgobin nous avait déclaré, peu après l’élection présidentielle de Flacq, qu’il beaucoup contribué à l’élection de Kishore Kumar Jeewooth. Au cas où il y aurait une motion de censure contre l’actuel président, il y a des risques qu’il perde sa majorité. Ce qui ne sera pas au goût des deux ministres.
Ainsi, pas satisfaits que leurs ‘poulains’ perdent leurs sièges, ces deux ministres auraient souhaité selon nos sources qu’il y ait des amendements à la LGA qui prévoit, entre autres, qu’au lieu que seul le président d’une équipe ait le droit de demander la révocation d’un conseiller qu’il estime être un transfuge, une telle décision doit désormais être prise par le leader ou le président, mais aussi par le secrétaire et deux autres membres de cette équipe. Soit une majorité de cinq sur neuf membres. De plus, l’amendement proposé confie le pouvoir au ministre des Administrations régionales de décider quand et comment remplacer les sièges vacants.
Pourquoi le CE de Flacq, Dheeraj Gopaul, a-t-il conservé ces lettres des présidents de partis, soit Gunness et Dardenne ? Contacté au téléphone, Dheeraj Gopaul nous a raccroché au nez dès qu’il a entendu le mot l’express. Selon nos informations, il vient d’être transféré vers le conseil de district de Grand-Port. Nous y reviendrons dans nos prochaines éditions.
De son côté, le ministre Deepak Balgobin a soutenu que la présentation du Local Government (Amendement no 2) Bill au Parlement est une décision collective du gouvernement. «Est-ce qu’un ministre peut mettre la pression sur un adjoint au Premier ministre ? Cela n’a pas de sens. Voulez-vous dire qu’on a accepté de changer une loi juste à cause de moi ? Je ne m’ingère pas dans les affaires internes du conseil de district.» Quant à Vikram Hurdoyal, il a simplement soutenu que ces informations étaient totalement fausses. Avant de dire la même chose que le ministre Balgobin, soit qu’il ne peut pas exercer de pression sur le ministre Anwar Husnoo qui est aussi adjoint au Premier ministre et qu’il ne s’immisce pas dans le fonctionnement du conseil de district de Flacq.
Cet amendement serait en tout cas mal accueilli par des conseillers même proches du MSM de la région de Flacq. Surtout ceux qui ont voté contre l’actuel président en décembre 2022. Ils envisagent de prendre une décision sur leur avenir politique dans les prochains jours.
Les jugements qui font autorité
Pour comprendre la loi existante, il faut lire les jugements du 19 mai 2023 des juges Iqbal Maghooa et Patrick Kam Sing, qui confirmaient qu’il suffit que le président ou le leader d’un parti ou groupe écrive au CE pour dire qu’un conseiller municipal ou villageois ne fait plus partie du groupe ou parti pour que son siège soit déclaré vacant et qu’il soit remplacé par quelqu’un de la liste de réserve. Dans ces trois jugements presque similaires, les juges expliquent que «la singularité des élections des conseillers villageois et urbains, contrairement aux élections du conseil de district, est qu’elle repose strictement sur l’appartenance à un parti ou groupe. Les conseillers qui sont élus le sont sous la bannière du parti ou groupe dans lequel il s’est enregistré comme candidat».
C’est semblable à nos élections législatives, diriez-vous, sauf pour une différence : aux villageoises et municipales, il ne peut avoir de candidat indépendant. Mais il y a aussi une autre très grande différence : aux villageoises et municipales, les partis ou groupes doivent fournir en vertu des articles 37 (3), 39 et 42 (2A) de la LGA une liste de réserve de candidats (qui ne sont pas des best losers et n’ont même pas à être candidats) qui seront appelés à remplacer tout élu qui sera déclaré par le président du parti ou groupe comme ne faisant plus partie du parti ou groupe. L’élu renié par le groupe perdra alors son siège au conseil du village ou de la ville. C’est le CE de la ville ou du conseil de district qui déclare le siège vacant et la personne désignée sur la liste de réserve prendra le siège déclaré vacant. La loi, rappellent les juges, est ainsi faite pour qu’il n’y ait pas de ‘transfugisme.’ Les juges ont souligné que le CE, n’ayant aucune obligation légale de questionner la lettre du président du parti, n’avait d’autre alternative que de déclarer les sièges vacants. Les trois cas sur lesquels se penchaient la Cour suprême étaient des conseillers de Curepipe qui se sont rapprochés du Rassemblement Mauricien de Nando Bodha : Anuraja Bhinda et Ashley Hari Mungapen, ex-élus du Muvman Liberater au conseil municipal de Curepipe et dont les sièges ont été déclarés vacants le 5 et 13 août 2021 respectivement et remplacés le 1er et 8 septembre 2021 ; et celui de Rajaratnam Maynanda du MSM dont le siège à Vacoas-Phoenix a été déclaré vacant le 5 août 2021 et remplacé le 1er septembre.
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