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Recrutement d’anciens policiers par le PMO
Patrick Assirvaden: «Un “bribe” avec l’idée d’avoir la mainmise sur un département»
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Recrutement d’anciens policiers par le PMO
Patrick Assirvaden: «Un “bribe” avec l’idée d’avoir la mainmise sur un département»
Lors d’une conférence de presse tenue le vendredi 15 septembre, l'ancien Premier ministre, le Dr Navin Ramgoolam, a évoqué le recrutement d’anciens policiers au bureau du passeport, disant surveiller de près cette décision qui, selon lui, ne serait pas une coïncidence. Il faisait référence à un communiqué émis par le bureau du Premier ministre (PMO) le 13 septembre, concernant le recrutement d’officiers de police à la retraite âgés de 55 à 65 ans pour apporter du renfort au Passport and Immigration Office (PIO) sous la tutelle du PMO, moyennant un salaire mensuel de 25 000 roupies. L’express a sollicité plus de détails auprès de Patrick Assirvaden, président du Parti travailliste, qui soulève des questions sur les modalités de recrutement.
Pourquoi cette décision, selon vous, ne serait pas une coïncidence ?
Il est clair qu’il y a un recrutement d’anciens policiers, avec l’idée d’avoir la mainmise sur un département. Ce recrutement en masse ne se fait pas par l’intermédiaire de la Public Service Commission (PSC), mais par le biais du PMO.
Vous parlez de recrutement en masse. Quelles informations détenez-vous ?
300 policiers à la retraite sont concernés, selon nos informations. Qui fera le recrutement au sein du PMO ? Est-ce que des conseillers du Premier ministre feront les interviews de ces personnes ? Nous avons un problème fondamental (…) Où est l’équité, l’équilibre, et qui définit les critères ? Le personnel recruté travaillera dans les bureaux du passeport. Pourquoi ne pas faire travailler les policiers en poste en heures supplémentaires si besoin est ? Nos jeunes sont également à la recherche d’opportunités d’emploi. Nous recrutons des personnes bénéficiant d’une pension et ayant déjà fait une carrière au sein de la police. Nou koné, ce seront probablement des petits copains et des copines qui en bénéficieront. Pour nous, cela équivaut à un «bribe» et nous allons voir qui est recruté et quel est son profil.
Vous êtes convaincu qu’il s’agit d’une stratégie purement politique pour avoir une mainmise, pratiquement avant les élections ?
C’est clair, cela ne vient même pas pratiquement mais bel et bien à la veille des élections. Aujourd’hui, nous contournons la PSC pour recruter des fonctionnaires, alors que nous devrions plutôt nous concentrer sur le recrutement des jeunes. Pourquoi ne pas plutôt proposer cet engagement à des jeunes qui maîtrisent l’informatique mais qui ne travaillent pas, et leur donner les 25 000 roupies mensuelles, si besoin est ? De plus, quelle est l’urgence de recruter en masse pour le bureau du passeport ? Il y a anguille sous roche.
Qui dit PIO dit aussi autorisation d’entrer et de sortir du pays, donc un élément primordial pour assurer la sécurité nationale…
Oui, cela pose un problème majeur. Un fonctionnaire en poste est régi par de nombreuses lois qui stipulent qu’il ne peut pas utiliser les informations dont il dispose pour faire ce que bon lui semble. En ce qui concerne ceux sous contrat (de recrutement), à qui doivent-ils rendre des comptes ? Au bureau du passeport ou au bureau du Premier ministre ? C’est grave ! 300 personnes, à la veille des élections, sur des critères très opaques…
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D'autres secteurs qui recrutent des retraités: Surveillants d’examens à l’Education et sages-femmes à la Santé
Hormis le PMO, les ministères recrutent également du personnel retraité sur une base contractuelle. Ceci, à titre temporaire, pour assurer le bon fonctionnement des services afin que le public ne soit pas pénalisé, explique-t-on à la PSC. Cela se fait par le moyen du Delegated Power, qui est conféré par la PSC à un ministère sur demande, lorsqu’il y a un manque de personnel. Le recrutement ne passe pas par la PSC, et le ministère publie une annonce, fixe ses critères et ses conditions. La PSC recrute des jeunes sur la base de leur qualification et compétences afin de combler un manque, les ministères embauchent des retraités avec de l’expérience, sur une base temporaire de six mois ou d’un an, qui peut être renouvelée, jusqu’à ce que le manque de personnel soit réglé.
N’y a-t-il pas de doute sur le niveau de transparence et sur qui obtient le poste lorsque c’est un ministère celui qui recrute directement ? «Cette disposition de délégation de pouvoir est légale, comme le prévoit la Constitution, et nous ne pouvons pas entraver le fonctionnement des services. Le principe reste que les personnes recrutées après la retraite doivent avoir les qualifications et l’expérience requises. Ce n’est pas n’importe qui qui est recruté.»
«Web notice» du MES pour embaucher des personnes retraitées pour la surveillance des examens.
Parmi les secteurs qui recrutent ceux à la retraite actuellement, l’Éducation et la Santé qui embauchent respectivement des enseignants sur une base contractuelle, et des sages-femmes sur une base saisonnière, parallèlement à la formation de nouvelles recrues. Par exemple, au niveau du ministère de la Santé, on recrute actuellement des sages-femmes retraitées mais âgées de moins de 70 ans, contre une rémunération de 770 roupies par jour, par séance de quatre heures. Parallèlement, 14 jeunes sages-femmes qui avaient commencé leur formation en 2021, obtiendront leur diplôme en octobre. En août 2024, 24 personnes suivant le même cours seront diplômées.
Des annonces récentes du ministère de l’Éducation révèlent la nécessité de recruter du personnel enseignant à la retraite comme enseignants suppléants, ou des fonctionnaires retraités pour travailler comme surveillants lors des examens du Mauritius Examinations Syndicate (MES). Nous avons demandé au ministère combien de personnes retraitées s’étaient inscrites et quel était le montant de la rémunération offert, mais nous n’avons pas obtenu de réponse.
Avis de recrutement de sages-femmes retraitées pour pallier le manque de personnel.
Un enseignant qui travaille également comme surveillant durant les examens nous dit que cela représente environ 500 roupies par jour, et plusieurs de ces retraités embauchés font preuve de patience et de discipline à l’égard des élèves. Un parent dont la fille a récemment participé aux épreuves du PSAC confie toutefois qu’une «invigilator», âgée de plus de 65 ans, avait des difficultés évidentes à lire les instructions et a pris presque dix minutes pour trouver ses lunettes, ce qui a suscité des murmures d’impatience parmi les candidats, déjà tendus par l’importance de l’examen. «Elle avait du mal à déchiffrer les mots et à articuler clairement les phrases, ce qui a entraîné des moments de confusion parmi les candidats, qui étaient déjà stressés.»
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Le PMO et le Police Press Office muets
En l’absence du directeur du Government Information Service (GIS) au pays, afin d’avoir plus de renseignements sur le communiqué émis par le PMO, nous avons sollicité par téléphone le conseiller du Premier ministre, le Dr Zouberr Joomaye, qui nous a dit qu’il n’est pas apte à répondre à tout ce qui concerne le PIO, et que c’est le Police Press Office qui s’occupe du dossier. Un responsable de ce département, que nous avons alors appelé, affirme qu’il s’occupe des détails concernant les policiers qui exercent encore au sein de sa force et non ceux qui ont déjà pris leur retraite. La police fournit aux officiers un Discharge Certificate au moment de leur retraite, après quoi, tout ce qui concerne l’emploi revient à la firme de recrutement. «Tou letan zot dir tou zafer sé Police Press !» ironisera même une source policière. En passant, selon nos informations, des cellules du MSM diffuseraient cette annonce du PMO pour recruter des personnes.
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Ashok subron : «procédure contestable malgré sa légalité»
«Élections ou pas, et malgré sa légalité, le concept de Delegated Power est un abus de pouvoir», estime le syndicaliste Ashok Subron. «Toute procédure qui ne relève pas du PSC lorsque le recrutement est effectué par un ministère sur une base contractuelle, en soi, est contestable car elle donne un droit discrétionnaire à ceux qui détiennent le pouvoir au sein du ministère de décider qui recruter.»
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