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Questions à...José Lok Ok Choo

«Un développement portuaire réussi réside dans l’expansion des infrastructures»

7 février 2025, 18:02

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«Un développement portuaire réussi réside dans l’expansion des infrastructures»

José Lok Ok Choo, directeur général de Ports and Terminal Operators Ltd (PTOL) au Nigéria

José Lok Ok Choo, directeur général de Ports and Terminal Operators (Nig) Ltd au Nigéria, partage son expérience en gestion portuaire en Afrique. Il aborde les défis majeurs auxquels sont confrontés les ports africains, ainsi que les aspects essentiels à considérer pour leur développement et le renforcement de leur compétitivité, notamment l’innovation, la digitalisation et la collaboration entre les secteurs public et privé.

Parlez-nous de votre parcours et de votre expérience en gestion portuaire ?

Ma carrière dans le secteur maritime et logistique a débuté en l’an 2000 au sein du groupe A.P. Moller, dans sa filiale Maersk Mauritius Ltd, où je dirigeais les opérations des lignes maritimes pour Maurice, les Comores, les Seychelles et Madagascar. Au fil des ans, j’ai eu l’occasion d’acquérir une expérience pratique des opérations des lignes maritimes, de la gestion des ports et de la direction stratégique.

Qu’est-ce qui vous a amené à travailler en Afrique ?

En 2007, j’ai été expatrié en Afrique où j’ai occupé des postes de direction essentiels au sein de Maersk Line et d’APM Terminals dans plusieurs pays, notamment au Nigeria, au Bénin, au Togo, en Guinée, au Liberia, en Côte d’Ivoire et en Sierra Leone. Ces fonctions m’ont permis de naviguer dans divers environnements opérationnels, de collaborer avec des agences gouvernementales, des acteurs du privé et des partenaires mondiaux et de développer une compréhension approfondie des opérations de lignes, de l’infrastructure portuaire, de la gestion stratégique, du financement des projets et de l’excellence des processus. Cette vaste expérience m’a finalement conduit à mon poste actuel de directeur général de Ports and Terminal Operators (Nig) Ltd (PTOL), où je continue à piloter la modernisation, l’efficacité et la transformation portuaire dans l’un des ports maritimes stratégiques d’Afrique.

Quels sont les principaux défis que vous avez dû relever pour vous adapter à l’environnement commercial africain ?

L’Afrique est un continent au potentiel immense mais elle présente également des défis uniques, qui nécessitent une approche stratégique et adaptative. Les principaux obstacles sont la complexité des réglementations, les limites des infrastructures, les problèmes de sécurité et la diversité des dynamiques culturelles. Pour surmonter ces facteurs avec succès, il faut une compréhension approfondie des cultures locales et une capacité à s’aligner sur les normes mondiales. L’un des plus grands défis auxquels j’ai été confronté a été de veiller à ce que les normes opérationnelles internationales puissent être efficacement intégrées dans le secteur portuaire et logistique en pleine évolution en Afrique. Cependant, ma discipline de leadership a joué un rôle crucial pour surmonter ces obstacles. En favorisant une culture de l’influence, du mentorat et de la responsabilité, j’ai été en mesure de faire mes subordonnés directs et mes collaborateurs individuels s’aligner sur une vision commune.

Quelle est la stratégie qui a contribué à l’augmentation des revenus et à l’optimisation des opérations dans diverses organisations

Elle repose sur quatre piliers que je considère fondamentaux : la gestion stratégique, l’affectation des ressources, le développement commercial et l’optimisation des recettes. Ces éléments m’ont permis d’améliorer l’efficacité opérationnelle, de maximiser la rentabilité et de favoriser une croissance durable au sein des différentes organisations. À PTOL, par exemple, j’ai mis en œuvre des techniques de Lean Management et de benchmarking marketing, qui ont permis d’augmenter les revenus par 90 % et de réduire les coûts de 30 %. En outre, l’attention que je porte à l’alignement de la culture d’entreprise sur le leadership situationnel a joué un rôle déterminant dans la promotion d’un environnement très performant, en veillant à ce que la vision et les missions de l’entreprise soient non seulement mises en œuvre mais aussi adoptées à tous les niveaux de l’organisation.

Les ports africains sont en cours de modernisation… Quel rôle vous voyez-vous jouer dans cette transformation ?

La modernisation des ports ne se résume pas à la mise à niveau des infrastructures. Elle nécessite une approche holistique, qui intègre la gouvernance d’entreprise, la transformation numérique et l’intégration économique. Mon rôle dans cette transformation est de favoriser l’innovation, l’efficacité et la durabilité à long terme des opérations portuaires. Actuellement, je dirige les efforts visant à moderniser le PTOL pour en faire une installation portuaire de classe mondiale dans le cadre d’un autre contrat de location de 25 ans, en étroite collaboration avec la Nigerian Ports Authority (NPA). Compte tenu de la nature capitalistique du projet, un processus rigoureux de diligence raisonnable était essentiel avant de soumettre le plan d’affaires à la NPA afin de garantir la viabilité financière, l’évaluation des risques et l’alignement stratégique sur les références de l’industrie. Je suis fermement convaincu qu’en tirant profit des solutions numériques, en veillant au respect de la réglementation et en encourageant le commerce par l’intermédiaire de plateformes telles que l’African Continental Free Trade Area (AfCFTA), nous pouvons faire de l’Afrique une plaque tournante du commerce mondial, en débloquant de nouvelles opportunités économiques et en renforçant la compétitivité régionale.

Comment percevez-vous l’évolution du port de Maurice?

En comparaison avec celui que j’ai connu autrefois, j’ai observé une transformation considérable. Le port de Maurice a bien progressé, avec la mise en place de nombreuses infrastructures et plusieurs projets réalisés. Cependant, ces progrès ne sont jamais suffisants. Nous avons l’habitude de nous évaluer par rapport aux autres en effectuant des benchmarks dans la région. Malheureusement, le port de Maurice est resté un peu stagnant. Or, Maurice est la clé de l’océan Indien. Elle doit agir en tant que telle. Il nous reste du travail à faire pour nous positionner pleinement. Nous sommes situés à un carrefour stratégique, un point de passage critique pour de nombreux navires. Aujourd’hui, avec la crise en mer Rouge, les navires, qui devaient transiter par le canal de Suez, sont contraints de passer par le Cap de Bonne-Espérance, pour ensuite remonter vers l’Afrique de l’Est ou l’Europe. Cependant, nous peinons à saisir ces opportunités et à réagir à temps.
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Ayant travaillé dans différents pays africains, comment comparezvous l’environnement commercial du Nigeria à celui d’autres pays, notamment de Maurice?

Le Nigeria possède l’un des environnements commerciaux les plus dynamiques, les plus complexes et les plus compétitifs d’Afrique. Contrairement aux économies plus petites, le vaste marché du Nigeria, sa diversité économique et son potentiel de ressources créent d’importantes opportunités de croissance et d’investissement. Cependant, pour naviguer dans son cadre réglementaire, ses lacunes en matière d’infrastructures et ses défis opérationnels, il faut faire preuve de résilience, d’adaptabilité et d’une approche stratégique bien planifiée. Pour mettre les choses en perspective, le Nigeria est 180 fois plus grand que Maurice, avec une population de 220 millions d’habitants. Le Produit Intérieur Brut (PIB) du pays est estimé entre 350 et 400 milliards de dollars mais le revenu par tête d’habitant reste aux alentours de 2 500 dollars, ce qui témoigne d’une économie importante mais inégalement répartie. En revanche, le PIB de Maurice s’élève à 14 milliards de dollars, avec un revenu par habitant beaucoup plus élevé d’environ 11 000 dollars, soutenu par une économie plus stable et axée sur les services. Actuellement, le Nigeria investit massivement dans les infrastructures portuaires, avec de nouveaux ports en eau profonde en construction et plusieurs ports existants en cours de modernisation pour accueillir des navires Panamax et Post-Panamax, réduisant ainsi les coûts d’exploitation et améliorant l’efficacité du commerce. Ces développements reflètent l’ambition du Nigeria à devenir un centre maritime majeur en Afrique de l’Ouest. Toutefois, la rivalité concurrentielle entre les ports africains est appelée à s’intensifier. Alors que les nations investissent dans l’expansion, l’efficacité et la transformation numérique des ports, seuls les ports les mieux positionnés stratégiquement et les mieux gérés prospéreront à long terme, quelle que soit l’intensité de leurs dépenses d’investissement.

Comment peut-on améliorer la performance de notre port ?

Pour renforcer la compétitivité du port face aux autres hubs régionaux, il est essentiel de mettre en place une stratégie à court, moyen et long terme. L’investissement doit être structuré et suivi avec rigueur. Un plan d’exploitation clair et un business plan solide, intégrant les dimensions opérationnelles et financières, sont indispensables. Pour le long terme, l’accent doit être mis sur la digitalisation, l’optimisation des processus et la mise en place de prévisions chiffrées pour améliorer la planification. Il est crucial d’identifier les inefficacités, de mieux structurer le leadership et de renforcer la gestion des ressources humaines afin d’assurer une coordination optimale. De plus, le respect des régulations doit être garanti par des suivis réguliers. Le développement du Freeport, le soutien aux entrepreneurs locaux, l’augmentation des activités de transbordement et l’extension des infrastructures sont des leviers stratégiques à considérer. Un positionnement clair des services portuaires, notamment du transbordement, permettra de maximiser les revenus, soutenu par une stratégie marketing efficace. Maurice doit aussi tirer profit de son bilinguisme et de ses talents, en s’inspirant des meilleures pratiques internationales et en développant des partenariats stratégiques. Ayant été témoin de l’évolution rapide des ports africains, je suis convaincu que Maurice a le potentiel d’émerger comme une porte d’entrée essentielle pour le commerce et la logistique, desservant l’océan Indien, ainsi que les pays d’Afrique de l’Est et de l’Ouest. Avec une bonne gestion stratégique, une bonne allocation des ressources, un bon développement commercial et une optimisation des revenus, le port de Maurice peut se positionner parmi les principaux ports du monde, attirer un plus grand nombre d’échanges internationaux et stimuler une croissance économique durable.

Ayant une grande expérience des opérations portuaires, quels conseils donneriez-vous au gouvernement et aux investisseurs privés qui cherchent à développer le secteur maritime en Afrique ?

La clé d’un développement portuaire réussi réside dans l’adoption d’une vision à long terme qui concilie l’expansion des infrastructures, la croissance du paysage et l’efficacité opérationnelle. Pour les gouvernements, la priorité devrait être de mettre en œuvre des politiques qui favorisent l’efficacité, la sécurité et le progrès économique. Il s’agit notamment de rationaliser les cadres réglementaires, d’investir dans la modernisation des ports et de veiller au respect des normes maritimes internationales. Pour les investisseurs privés, l’accent devrait être mis sur l’intégration de modèles d’entreprise durables en tirant parti de la technologie, de l’automatisation et des initiatives écologiques pour optimiser les opérations, maximiser la rentabilité, assurer des retours sur investissement durables et réduire les coûts. Plus important encore, la collaboration entre les secteurs public et privé est essentielle pour libérer tout le potentiel maritime de l’Afrique. En favorisant les partenariats stratégiques, une gouvernance transparente et des politiques adaptées, les ports africains peuvent devenir des plaques tournantes du commerce mondial. De manière plus générale, les activités des ports maritimes et des ports secs sont directement liées aux politiques gouvernementales, les initiatives stratégiques pouvant influencer les facteurs micro et macro-économiques d’un pays. Les gouvernements peuvent jouer un rôle central en étendant et en modernisant les zones logistiques, les chantiers navals, le soutage (bunkering) et les cales sèches pour créer un écosystème maritime complet, en améliorant l’infrastructure côtière pour soutenir la pêche, l’aquaculture et les industries offshore, en soutenant les petites et moyennes entreprises et les opérateurs de libre-échange pour stimuler la croissance du commerce, en renforçant les accords bilatéraux et multilatéraux dans le cadre de l’AfCFTA pour intégrer l’Afrique dans la chaîne d’approvisionnement mondiale. En adoptant une approche holistique et avant-gardiste, les ports africains peuvent se positionner comme des moteurs essentiels de la croissance économique et de la connectivité commerciale mondiale.

Votre livre «Sphere Puzzle of Knowledge» explore l’interconnexion entre savoirs et pensée stratégique. Qu’est-ce qui vous a inspiré à l’écrire et quel message souhaitez-vous transmettre ?

Mon livre est le reflet de mon parcours, tant professionnel que personnel. Il explore effectivement la nature interconnectée de la connaissance, de l’inspiration, de l’innovation et de la pensée stratégique, illustrant comment différentes disciplines et perspectives se rejoignent pour façonner les organisations. Je pense que la réussite dans n’importe quel domaine consiste à reconnaître les modèles, à s’adapter au changement et à s’engager dans un apprentissage continu. Tout au long de ma carrière, j’ai pu constater que la pensée structurée et les idées stratégiques peuvent conduire à la transformation, non seulement dans les entreprises mais aussi dans la croissance personnelle. Avec ce livre, mon objectif était de partager des idées précieuses, qui peuvent inspirer les professionnels de divers secteurs à penser de manière critique, à remettre en question les conventions et à améliorer leurs capacités de prise de décision dans un monde en constante évolution.

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