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Un devoir de résultats face aux urgences économiques et sociales

27 novembre 2024, 08:00

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Un devoir de résultats face aux urgences économiques et sociales

Avec la composition du gouvernement vendredi dernier, alignant les nouveaux ministres et des junior ministers, il faut s’attendre à ce que les grands dossiers tant économiques que sociétaux, largement débattus durant la campagne électorale, soient mis sur la table pour être analysés en urgence et trouver des solutions à court et moyen termes.

Consciente des attentes d’une population qui a confié son destin entre les mains de l’Alliance du changement après son écrasante victoire du 10 novembre, la nouvelle équipe gouvernementale n’a visiblement pas le droit à l’erreur car elle ne peut pas, après cette communion populaire qui s’est installée, la décevoir. D’ailleurs, la décision de certains ministres de se mettre au travail le lendemain même de leur prestation de serment ne peut que rassurer qu’ils «mean business» et feront tout pour perpétuer ce «feel-good factor» dans le pays.

Sans doute, il y aura des urgences à régler pour honorer les engagements pris par le nouveau Premier ministre, le Dr Navin Ramgoolam. L’annonce dès lundi du nouveau ministre du Commerce, Michaël Sik Yuen, sur la concrétisation d’ici samedi de cette mesure électoraliste sur la baisse des prix de l’essence et du diesel, s’inscrit dans la démarche du nouveau gouvernement de redonner du pouvoir d’achat aux Mauriciens. Cela devrait être positivement accueilli par les automobilistes et les opérateurs économiques, ce qui entraînerait mécaniquement une révision de prix d’un ensemble de produits liés à cette annonce. Le gouvernement de Ramgoolam devra débourser plus de Rs 2 milliards pour financer cette mesure jusqu’à juin 2025 et Rs 4,3 milliards chaque année d’ici 2030 au terme de son mandat, selon une étude d’Axys.

La passation du pouvoir entre Soodesh Callichurn et Reza Uteem au ministère du Travail et des relations industrielles laisse une épine dans les pieds de ce dernier. Qui se voit hériter du délicat dossier du réajustement salarial dans le privé, véritable pomme de discorde entre Business Mauritius (BM), l’instance suprême du secteur privé, et l’ancien régime. Le nouveau ministre doit rencontrer les dirigeants de BM prochainement pour écouter leur position sur cette problématique. Est-ce que le délai imposé par son prédécesseur pour que les salaires des 118 000 employés du privé soient réajustés avant la fin de l’année sera respecté selon les articles 94 et 106 de l’Employment Relations Act?

On le saura prochainement, alors même que le recours aux remuneration regulations sous ces articles n’est pas conforme à la loi, selon BM, qui conteste déjà en cour l’abus auquel un ministre peut faire usage en s’appuyant sur ces dispositions légales. En attendant l’avis juridique en janvier, BM rassure : les entreprises qui en ont les moyens peuvent réajuster les salaires de leurs employés. Tout comme le 14ᵉ mois annoncé comme un «one-off» par le nouveau gouvernement et qu’elles ont l’obligation de payer.

Challenge

Certes, sur le front environnemental, il faut s’attaquer à l’incendie au centre d’enfouissement de Mare-Chicose, un premier dossier brûlant pour le tandem Bhagwan/Bérenger et qui peut se révéler une véritable catastrophe écologique à l’échelle nationale si les moyens ne sont pas mobilisés à temps. Au même moment, Osman Mahomed, après son trajet à bord du Metro Express (MEL) en tant que ministre du Transport, découvre l’étendue des pertes de cette société, près de Rs 2 milliards au 30 juin 2021, même si la direction tente d’avancer plusieurs raisons pour justifier cet état financier, celles-ci ne tenant pas totalement la route, même si on peut concéder que ces résultats ont été réalisés dans le sillage du Covid et après deux confinements.

MEL doit néanmoins convaincre le nouveau ministre comment le comprehensive income de plus de Rs 500 millions peut être «factored in» comme des revenus découlant de ses opérations ainsi que l’appréciation de ses actifs ou celle du taux de change du dollar. Tout comme la direction doit expliquer pourquoi, après plus de quatre ans d’opération, trois bilans financiers se font toujours attendre.

Osman Mahomed aura du pain sur la planche pour réorganiser MEL sur la voie de la profitabilité assortie d’une gestion rigoureuse et ce, avec la promesse électorale de la gratuité du transport en commun, y compris le Metro Express. La société Axys a fait le calcul : Rs 3,3 milliards à trouver par l’État pour les six mois se terminant au 30 juin et une moyenne de Rs 6,7 milliards pour les cinq prochaines années fiscales.

Le plus gros challenge demeure évidemment la gestion économique du pays. En nommant à son bureau Gilbert Gnany, un économiste, dont les compétences sont reconnues sur la place, ayant été longuement associé au département de recherches et stratégie du groupe MCB, Navin Ramgoolam souhaite se donner les moyens pour reconstruire l’édifice économique du pays. Il a plus d’une fois ces derniers jours justifié son choix de garder le portefeuille des Finances «to clean the mess» avec les statistiques faussées et manipulées par l’ancien régime.

L’héritage économique post-Padayachy, que son bureau livre en ce moment, assisté de Gilbert Gnany, une fois en poste, et de l’équipe encadrant le junior minister aux Finances, Dhaneshwar Damry, devrait indiquer l’ampleur des dégâts causés. Ce qui permettra au nouveau locataire du bâtiment du Trésor «to compare notes» avec l’audit que le nouveau gouverneur de la Banque de Maurice, Rama Sithanen, poursuit au 18ᵉ étage de la BoM Tower. Plus particulièrement celui de la filiale Mauritius Investment Corporation, où la boîte de Pandore qu’il a ouverte risque de lui réserver des surprises.

Avec la nomination de Rajeev Hasnah au poste de First Deputy Governor (FDG), qui doit être officialisée prochainement et d’un second adjoint, dont le nom n’est pas encore connu et qui doit être interne à la banque, le gouverneur est bien armé pour accélérer son exercice de remise en ordre de la maison. Il sait que les solutions aux nombreuses mesures annoncées par l’Alliance du changement, liées à la cherté de la vie, passent par une politique monétaire en cohérence avec la politique fiscale du ministère des Finances. Entre Rama Sithanen et Gilbert Gnany, il y a professionnellement une personal chemistry, qui pourrait aboutir à des résultats économiques concrets assez rapidement.

La population ne va certainement pas attendre 100 jours pour assister à une transformation de sa vie. Elle s’impatiente de voir les changements promis, maintenant que la période de grâce dont bénéficie le nouveau régime ne va pas durer éternellement. Les nouveaux ministres, tout comme les nominés à des postes de responsabilité, ont ainsi un devoir de résultats.