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Féminicide à St-Pierre

Un drame de trop, une inaction qui interpelle

12 juillet 2025, 10:00

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Un drame de trop, une inaction qui interpelle

■ Bibi Nawsheen Chady (en médaillon) a perdu la vie dans le paisible quartier de Cemetery Road, à St-Pierre, mercredi.

Le quartier paisible de Cemetery Road, à St-Pierre, a été secoué par un drame bouleversant, ce mercredi 10 juillet. Bibi Nawsheen Chady, âgée de 37 ans, a été victime d’un féminicide, perdant la vie dans des circonstances d’une extrême violence et laissant derrière elle deux enfants âgés de 12 et 11 ans. Son époux, Safwaan Chady, 38 ans, a été arrêté peu après les faits. Pour la famille de la victime, ce drame n’est pas un accident tragique, mais le résultat d’une série d’alertes ignorées et d’une inaction institutionnelle.

Un crime annoncé

Les faits glaçants entourant ce féminicide révèlent une vérité accablante : la mort de Bibi Nawsheen aurait pu être évitée. La veille du crime, elle avait été battue par son mari et avait trouvé refuge chez ses parents. Son père, Raffick Eckburally, s’est rendu au poste de police de St-Pierre dès 9 h 30 le jour du drame pour signaler les agressions. Pourtant, malgré les signalements, les policiers ont déclaré qu’aucune action ne pouvait être prise sans une plainte formelle de la victime ou de la mère de l’agresseur. Une réponse qui aujourd’hui résonne comme un abandon. Vers 13 heures, alors que Safwaan Chady la battait à nouveau, les caméras de surveillance installées au domicile ont permis au frère de ce dernier d’assister à la scène en direct. Il a immédiatement alerté la famille, mais lorsqu’ils sont arrivés sur les lieux, il était trop tard.

Une tragédie qui se répète

Ce drame vient s’ajouter à une liste déjà trop longue. Selon les données du Gender-Based Violence Observatory of Mauritius, près de 24 féminicides ont été recensés dans l’île depuis 2020 et 5 758 cas de violences domestiques ont été enregistrés en 2024. Plus préoccupant encore, près de 70 % des victimes avaient alerté leur entourage ou les autorités avant l’acte fatal, souvent sans qu’aucune mesure concrète ne soit prise. Le cas de Bibi Nawsheen Chady illustre une nouvelle fois le décalage entre les procédures existantes et la réactivité des forces de l’ordre face à des situations à haut risque.

Une enquête interne de la police ouverte

Face aux accusations d’inaction portées par la famille de la victime, nous avons contacté le Police Press Office, qui nous a confirmé qu’une enquête interne est actuellement en cours. Elle vise à déterminer si des failles dans l’intervention policière ont contribué à l’issue tragique. Cette démarche vise, selon les autorités, à établir les responsabilités et à améliorer la gestion des cas de violence conjugale à l’avenir.

Réaction de la ministre : consternation et engagement

Intervenant publiquement, la ministre de l’Égalité des genres et du bien-être de la famille, Arianne Navarre-Marie, a exprimé sa tristesse tout en soulignant la nécessité d’agir : «Ce qui est arrivé à Mme Chady, n’a laissé personne indifférent. Malheureusement, ce cas n’a pas été rapporté à mon ministère. J’en ai pris connaissance à travers les médias. De 2020 jusqu’à présent, il y a eu 24 femmes qui ont perdu la vie dans de telles circonstances et l’an dernier, 5 758 cas de violences domestiques ont été enregistrés.» Elle a précisé que ses équipes sont sur le terrain : «Au moment où je vous parle, les officiers de mon ministère ainsi qu’un psychologue sont sur place à St-Pierre pour soutenir la famille. Nous faisons tout afin que les enfants se sentent soutenus et bien entourés.»

Un appel à l’action national

Elle a également évoqué des mesures à venir : «Nous travaillons actuellement sur une nouvelle loi pour amener des mesures plus sévères contre les violences domestiques et rendre les agresseurs responsables. Une campagne de sensibilisation ciblée est en cours dans les communautés, et nous finalisons une politique nationale sur la famille, pour garantir sécurité, respect et bienêtre à tous les membres.» La ministre a rappelé l’importance de signaler toute situation suspecte : «Nous avons une hotline, le 139, pour dénoncer les agressions et j’invite toute personne victime ou témoin à signaler les cas.» La société mauricienne ne peut plus tolérer que des femmes meurent dans l’indifférence. L’histoire de Bibi Nawsheen Chady doit être un catalyseur de changement, une prise de conscience collective et le point de départ d’un engagement national renouvelé contre les violences faites aux femmes.

Violences domestiques

Quelques chiffres à retenir

⚫ 24 féminicides à Maurice depuis 2020

⚫ 5 758 cas de violences domestiques recensés en 2024

⚫ Une réforme législative en préparation pour renforcer les sanctions

⚫ Une politique nationale sur la famille en cours de finalisation

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