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Retour au parlement en 2023

Un loudspeaker expert en standing orders et expulsions

3 janvier 2024, 21:00

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Un loudspeaker expert en standing orders et expulsions

L’Assemblée nationale a siégé pour une trentaine de séances du 28 mars au 20 décembre 2023. Des séances tenues dans un climat hostile et délétère marqué par un blocage systématique de la parole des députés de l’opposition et pas moins de 35 expulsions par un président de la Chambre autoproclamé «bouncer» et «goalkeeper» du gouvernement… Nous revenons avec quelques perles et actions brutales dans ce «cirque» du déni de la démocratie…

28 mars : «Trying to put order in your mind»

Xavier-Luc Duval (XLD) : * «Don’t get excited»* au Premier ministre, Pravind Kumar Jugnauth (PKJ), qui s’énerve pendant sa PNQ sur l’affaire Franklin.

Shakeel Mohamed au speaker dans une polémique sur minutes of proceedings et summons : «I am trying to put order in your mind.»

4 avril : «Carry him away»

Après un échange sarcastique de «Huh» entre le speaker Sooroojdev Phokeer et Paul Bérenger ce dernier lance : «I was saying you are making noises kouma zako». Ce qui lui vaudra d’être expulsé, avant son collègue Rajesh Bhagwan, menacé d’expulsion manu militari par le Serjeant-at-Arms, qui dira : «Mo pé ale mwa mo pas pou ekout sa soular la». Le speaker : «He’s becoming dangerous. Carry him away.»

11 avril : «Souser, batiara»

Suspension d’Arvin Boolell à qui le speaker de l’avoir diffamé sur une radio privée. Paul Bérenger lui lance «souser» et un autre député «batiara». PKJ renchérit avec «souser».

Patrick Assirvaden «Laissez-moi terminer ma question. Pourquoi vous êtes irrité ?» dans une question sur le CEB. Joe Lesjongard : «Parce que je suis au courant, car responsable de l’énergie.»

18 avril : La parole confisquée

XLD au speaker qui ne lui donne pas la parole : «I caught your eye half an hour ago!»

25 avril : «To pé pran mo létan»

XLD dans une PNQ sur l’ICAC : «To pé pran mo létan.» PKJ : «You want to control my reply now!»

9 mai : «Do not cross the bridge»

Ismaël Rawoo parlant du Caudan Bridge, dévie de son discours pour parler de politique. Le speaker : «Do not cross the bridge!»

16 mai: «Tret madam koumsa»

Le speaker à Assirvaden : «Don’t move from your place. You have been moving so many times. You are in Parliament. Be civilized in Parliament.» Un peu plus tard : Arianne Navarre-Marie au speaker : «Don’t shout at me. You keep shouting . Kapav tret madam koumsa. You are bullying women parliamentarians.» Un membre du GM : «Deor» Navarre-Marie : «mo atan deor.»

23 mai: «Never threaten me»

Lors d’une PNQ sur les State Lands, le speaker à XLD : «If you don’t have a point of order, you should apologise.» XLD : «Why are you threatening me?» Le speaker : «I am not threatening you.» XLD : «Who are you? Never threaten me.» Le speaker : «I am here to protect you. Put your point of order.»

5 juin : «I am your savior»

Maneesh Gobin intervenant sur le discours du budget. Un membre de l’opposition : «Al sipermarsé!» Gobin : «He speaks of supermarché. I do not know whether it is Sik Yuen Supermarket or another supermarket!» Le speaker à Osman Mahomed : «Don’t look at them I am protecting you. I am your savior.»

6 juin.

Patrick Assirvaden dans une question sur le CEB: «Le ministre peut confirmer que Rs 3,6 milliards des fonds du CEB ont été pris par le ministère des Finances pour mettre dans le Consolidated Fund et c’est pour cela que le CEB n’a pu payer Rs 400 millions dans les deux fonds de pension des travailleurs?» Joe Lesjongard : «Not at all Mr Speaker. Mais je pense que cette ampoule ne va pas s’allumer ? Ça, c’est clair.»

7 Juin : «We can’t hear you»

Patrice Armance pendant un clash entre Arvin Boolell et le speaker : «Mr Speaker, we can’t hear you» Un membre de l’opposition au speaker : «Can you shout please, we can’t hear you!»

8 juin : Bailleur de fonds

Sooroojdev Phokeer ne laissera pas Franco Quirin évoquer l’échec de l’Extended Programme et le «principal bailleur de fonds du MSM» dans son intervention sur le Budget. Plusieurs de ses collègues soulèvent des points de droit sur ses droits bafoués, mais en vain. Le speaker le suspendra quand il insiste sur le principal financier du parti soleil. «Bailleur de fonds du MSM ou MMM, this does not concern Parliament.»

12 juin : The laughing stock of the country

Critiques à peine voilées du speaker et du déroulement des séances. Patrice Armance : «We all know, I know, and you know (…) that Parliament has become the laughing stock of the country…»

14 juin : Protecteur de ministres

Patrick Assirvaden veut poser une question à Joe Lesjongard sur une décision gouvernementale lors des examens budgétaires. Le speaker le renvoie à la séance réservée aux questions parlementaires. Rajesh Bhagwan qui veut faire de même sur la Central Water Authority reçoit le même traitement et se fait par la suite expulser. Assirvaden : «C’est une protection des ministres, pas possible !» Bhagwan : «Vous protégez les gens du MSM.»

20 juin : Savoir lire la loi

Vifs échanges entre PKJ et Reza Uteem qui lui posait une question sur les dommages payés à Kailash Trilochun après que son contrat avait été résilié comme chairman de la Financial Intelligence Unit. PKJ : «Si vous lisez la loi, si vous le lisez bien, vous verrez. J’ai cité le jugement de la Cour suprême.» Reza Uteem : «J’ai tout lu. J’ai pratiqué plus de temps au barreau que vous. Je n’ai pas de leçon à prendre de vous.»

27 juin : Document officiel refusé

Osman Mahomed, connu pour son calme, exprime sa frustration quand le speaker l’empêche de déposer un document officiel alors qu’il pose une question à Steven Obeegadoo sur la National Social Living Development Company. Il sera suspendu pour avoir revendiqué son droit. Mahomed : «Je demande à l’honorable ministre, comment moi, député de l’opposition, je possède un document daté du 2 juin 2023 que le ministre prétend ne pas avoir, surtout lorsque nous parlons de fonds publics.» Speaker : «Je prends une décision ! Seuls les documents officiels sont acceptés, aucun autre document.»

4 juillet : Chatwa Ganoo

Joanna Bérenger ne ratera pas Alan Ganoo, qui dit au speaker avoir entendu Arvin Boolell maintenir que le PM mentait à la Chambre. Elle réagira vite avant de retirer ses propos. Cependant, elle sera suspendue en voulant aider Karen Foo Kune-Bacha qui s’était sentie menacée par Kailesh Jagutpal. Un peu plus tard, Tania Diolle devait saisir le speaker : «I heard hon. Ms Bérenger trying to intimidate hon. Ganoo, by uttering the words ’chatwa Ganoo’ to prevent him from making his point of order.»

11 juillet : Phrase enlevée du Hansard

Le speaker dit avoir écouté la bande sonore de la séance précédente et entendu Farhad Aumeer dire à Kailesh Jagutpal : «You are a disgusting liar.» Il demande au député de retirer ses propos. Ce dernier refuse préférant être expulsé. «I am sorry; I maintain what I said.» Il est plus tard suspendu sur une motion de PKJ. Mais cette phrase ne figure plus dans le Hansard puisque le PM a présenté une autre motion pour l’enlever.

13 juillet : «Vous êtes un vrai clown»

Le speaker suspend Osman Mahomed bien qu’il nie avoir traité Stéphan Toussaint de clown dans son intervention sur le Status of Artist Bill. Ce dernier avait demandé au speaker d’intervenir. «L’honorable Mahomed a dit que je suis un clown. Je suis fier d’avoir fait le métier de clown.» Osman Mahomed : «You have allowed something untrue to be reported in the Hansard.» Devant l’inaction du speaker, il finit par craquer : «Vous êtes un vrai clown !»

18 juillet: «You have become an expert»

Le speaker annonce la couleur: «… According to the Standing Orders, you cannot put a hypothetical question… Members are reminded that they have to read their Standing Orders. This will help you to put questions. It is your duty; it is your right to put questions but the point is that many members do not know how to put questions.» Rajesh Bhagwan de rétorquer : «You have become an expert!»

21 juillet : Adieu appartement

Kenny Dhunoo dit ne pas apprécier qu’Arvin Boolell ait critiqué son speaker lors d’une conférence de presse en parlant d’un projet d’achat pour le speaker d’un appartement luxueux de l’ex-BAI à Floréal. La Chambre réfère l’affaire au DPP. Phokeer, dans une annonce séparée, tente de faire croire que cette acquisition était normale. On apprendra plus tard que la démarche est abandonnée. Grâce à Arvin Boolell.

17 octobre : «Taken for a ride»

Répondant à une question d’Arianne Navarre-Marie sur les Chagos, le PM récite presque mot pour mot une réponse déjà donnée à la PNQ du 4 juillet 2023. Elle attire l’attention du speaker qui permet toutefois au PM de continuer. Elle se met à réciter la réponse, devançant parfois le PM. Ce dernier agacé lance : «Well, it seems that she is answering. So, let us listen to her!» Navarre-Marie objecte : «Inutile de continuer, je vais poser mes questions supplémentaires.» Le PM veut continuer: «Well, I have not finished!» Ce qui déclenche un fou rire de l’opposition. PKJ s’en prend à Paul Bérenger : «Aret riyé moustas!», qui lui répond «Pinocchio». Le speaker veut que Bérenger retire ce mot. Mais Phokeer ne veut pas le prononcer. PKJ continue sa récitation, Navarre-Marie aussi. *«I am being disturbed!»&, se plaint-il. La députée menacée d’expulsion demande à PKJ de «carry on». Celui-ci : «Well, I have to start again!» Après de longues minutes, Navarre-Marie peut enfin poser sa question sur le fait qu’il n’y ait toujours pas d’accord à ce jour. «Will the hon. Prime Minister state whether he has let himself be taken for a ride by the British authorities or is he taking us, the population, for a ride?» Ces mots fâchent PKJ qui insulte presque la députée. «She is ignorant of so many things!» Le speaker ne lui demandera pas de retirer ces mots. Et Paul Bérenger, Patrick Assirvaden et Rajesh Bhagwan seront expulsés pour avoir traité le speaker de «koson, sovaz» lorsqu’il interrompra la séance de questions supplémentaires qui visiblement embarrassaient Joe Lesjongard dans l’affaire CorexSolar.

24 octobre : But I want to reply!

PNQ sur le prix de l’essence à la pompe. Phokeer empêche XLD de comparer les prix à Maurice avec ceux de l’Europe. «No comparison. This is demagogy», martèle le speaker. Et la ministre Dorine Chukowry lui répond : «I want to reply, Mr Speaker, Sir.» Phokeer, tout penaud, la laissera faire.

31 octobre : You cut me off

Le speaker utilise une méthode radicale pour empêcher le leader de l’opposition de poser sa question : il lui coupe le micro. XLD proteste. «I am saying there is no politeness! You just cut me off without even telling me. I am speaking like a fool! You cut my microphone off!»

7 novembre : Expulsé sur un détail

Ehsan Juman est expulsé pour avoir refusé de s’excuser après avoir déclaré au journal l’express que le ministre Kailesh Jagutpal a rencontré trois religieux dans le Committee Room de l’Assemblée nationale alors que la rencontre avait eu lieu dans une autre salle. Une expulsion donc sur un point de détail, pas pour le point principal. Sooroojdev Phokeer, qui affirme avoir enquêté mais ne nie pas l’essentiel, à savoir que la rencontre a bien eu lieu !

21 novembre : At the discretion of the speaker…

PKJ utilise les 30 minutes de PMQT pour répondre à une seule question «plantée» d’Abbas Mamode sur le jugement du Privy Council dans l’affaire Suren Dayal. Le speaker refuse toute question supplémentaire. Protestation de XLD : «Have you ever heard of someone answering a question for 30 minutes and no supplementary question? Is that fair?» Et le speaker tranche en faveur du PM : «That question of allowing questions is at the discretion of the speaker, not the leader of the opposition.» Dictature ! crient en vain les membres de l’opposition.

28 novembre : Expulsé après s’être excusé

La PNQ sur le Victorian Urban Terminal mettait le ministre Husnoo en situation embarrassante. Intervention donc de Phokeer pendant que XLD posait une question supplémentaire. Sans s’arrêter, celui-ci fait signe de la main au speaker pour qu’il le laisse terminer sa phrase. Indignation de Phokeer : «You do not show me your hands like this! This is disrespect!» «Le respect doit être mutuel», lui rétorque XLD qui lui rappelle que le leader de l’opposition le mérite autant que le speaker. Intervention de Shakeel Mohamed qui lui dit : «Here we go. Put your hand down.» Phokeer exige des excuses et il s’exécute : «I unreservedly apologise for stating ‘put your hand down’!» Ne sachant plus quoi dire, le speaker assène : «So, you move out from the House !»

5 décembre : What kind of question is that?

Alors qu’Osman Mahomed demande au ministre des Finances des détails sur le projet immobilier de Palmar, le speaker intervient : «Do you have any interest to declare in this question?» Interloqué, Mahomed lui rétorque : «What kind of question is that?» Phokeer vient d’introduire une nouvelle exigence à l’opposition. En fait, il suit Joe Lesgongard qui le 21 novembre tente d’esquiver une question supplémentaire de Joanna Bérenger en lui demandant si elle a des intérêts à déclarer dans l’affaire CorexSolar.

12 décembre : Petits esprits

Farhad Aumeer est censuré pour avoir cité Honoré de Balzac : «La flatterie n’émane jamais des grandes âmes, elle est l’apanage des petits esprits qui réussissent à se rapetisser encore pour mieux entrer dans la sphère vitale (…)» car les mots «petits esprit» dérangent Phokeer. Sommé par Arvin Boolell de s’expliquer, il coupe court : «You don’t ask me why! You withdraw that quotation ‘petits esprits’…» Tout en renvoyant à Aumeer les mêmes mots qu’il veut bannir de l’hémicycle : «You will be the ‘petit esprit’ in this case…»

12 décembre : «Bourik bis»

Phokeer permet au PM de traiter Arvin Boolell de «bourik» en deux fois. Certaines fines oreilles affirment l’avoir même entendu proférer un juron. Mais le speaker n’aura entendu ni juron, ni «bourik».

15 décembre : «Not here to answer questions»

Lorsque Osman Mahomed demande au speaker pourquoi il lui interdit de commenter le rapport de l’Electoral Boundaries Commission alors qu’il l’a permis au PM, le speaker, à court d’arguments, réplique : «You do not have to question me. I am not here to answer questions!» Technique utilisée par Phokeer quand il ne peut invoquer les Standing Orders à sa rescousse.

19 décembre : Akil B., Bruneau L. ou Vimen S.

PKJ, évoquant les liens entre le PTr et le PMSD avec des «trafiquants de drogue» cite Akil B., Bruneau L. ou Vimen S. Le speaker le laisse faire alors que seules les initiales de non parlementaires devraient l’être. De plus, ces personnes mentionnées ne sont pas des trafiquants mais seulement suspectées. Ce précédent permettra-t-il à l’opposition d’en faire de même ?