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Un «miracle» Vaish à venir…

25 novembre 2023, 07:22

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Un «miracle» Vaish à venir…

En cette fin d’année 2023, soit 55 ans après l’Indépendance et malgré des décennies de nation-building, on croit toujours au miracle électoral Vaish. Du moins, c’est ce qu’on pourrait conclure à partir de la dernière prise de position de l’avocat et activiste politique Rama Valayden. Sinon, comment expliquer qu’un homme avec le track record de Rama Valayden, un homme qui a soutenu les causes les plus «progressistes» à Maurice comme à l’étranger, finisse par accepter qu’il faille absolument être Vaish pour pouvoir remporter les élections et diriger le pays ? Et que ce Vaish, dans un élan de générosité et de magnanimité, pourrait par la suite confier le poste de Premier ministre à un non-Vaish ? Un peu à la manière d’Anerood Jugnauth se retirant en 2003 pour permettre à Paul Bérenger d’accéder aux fonctions de Premier ministre.

La grande trouvaille pour accomplir ce miracle électoral se nomme Nandcoomar Bodha, Nando pour les intimes. Voilà un homme bien armé et qui parle bien, préférant au moderne slim-fit le vieux style bouffant-bouffant et monté sur «plateforme» de six pouces comme au temps des Beatles, qui prétend être construit de matière premier-ministérielle. Un homme qui a côtoyé sir Anerood Jugnauth pendant des décennies mais qui n’a nullement impressionné le nouveau roi soleil Pravind Kumar.

Évidemment, les méchantes langues ont dit que Bodha avait été envoyé dans les rangs de l’opposition par le grand stratège Anerood lui-même afin d’exacerber les divisions chez les «anti» et donner à Paul Bérenger une carte Vaish pour neutraliser Navin Ramgoolam. Cette stratégie a marché au début, avant que Paul Bérenger ne réalise qu’un cerf-volant monté en papier mousseline ne survivrait pas aux premières bourrasques venues. Le fait que Bodha n’ait fait aucune «révélation» – à la manière de Roshi Bhadain – pouvant embarrasser le MSM et la famille Jugnauth vient accréditer la thèse d’un coup savamment monté par sir Anerood.

Donc, armé de la bénédiction de Rama Valayden au lieu de celle du leader du MMM, voilà le diamant Vaish Nando Bodha parti sectionner à la fois les diamants Vaish Pravind Kumar Jugnauth (PKJ) et Navin Ramgoolam. Voilà des électeurs de Montagne-Longue à Palma en passant par toutes les régions du pays, du Nord à l’Ouest en passant par l’Est et le Sud, se voir offrir l’alternative au slogan «ni Pravind, ni Navin».

À vrai dire, l’équation entre les trois serait beaucoup plus compliquée qu’un simple choix de Vaish. Navin Ramgoolam n’a pas fait son entrée en politique sur une plateforme castéiste mais comme héritier d’un combat de plusieurs décennies menées par Maurice Curé, Emmanuel Anquetil, Guy Rozemont, Renganaden Seeneevassen et sir Seewoosagur Ramgoolam. Il ne s’est joint à la politique que cinq ans après la mort de son père. PKJ lui aussi, bien que bénéficiant du soutien direct de son père, n’a pas accédé au pouvoir en exploitant un label castéiste. D’ailleurs, ce ne serait certainement pas sur une plateforme castéiste qu’il a remporté les élections de 2019.

Pour remporter des élections à Maurice, il faudrait obtenir le soutien d’un large éventail d’électeurs, pas seulement des Vaish. Il n’existe aucune circonscription dans le pays où une joute électorale serait gagnable uniquement avec l’apport des Vaish. Il est vrai toutefois que dans certaines circonscriptions, forts de leur nombre, les Vaish disposent d’un poids non négligeable mais il est indispensable pour tout parti politique de fédérer aussi un grand nombre de voix non-Vaish pour gagner.

Il serait fort regrettable de noter que malgré des décennies dédiées à la construction d’une nation mauricienne, on fait toujours appel aux sentiments rétrogrades de castéisme comme arme politique. En fait, bien que le métissage ait été pratiqué sur une grande échelle bien avant l’Indépendance, la composante la plus importante du pays a elle aussi renversé les barrières de caste ou de groupes linguistiques indiens pour s’engager dans des élans de mixité incroyables, encouragés surtout par une amélioration du niveau de vie et une bollywoodisation/créolisation/occidentalisation inéluctable. Toutes les familles jadis traditionnelles et pratiquant l’endogamie se retrouvent maintenant bigarrées. L’exogamie serait maintenant la règle plutôt que l’exception.

Il serait intéressant toutefois de voir comment le tandem Valayden-Bodha tenterait d’exploiter la carte Vaish dans la perspective des prochaines élections. La carte la plus payante pour vendre le produit Bodha, à la place du label Vaish, serait la coopération régionale. En effet, mieux que Navin Ramgoolam et PKJ, un Premier ministre Bodha serait exceptionnellement productif en conduisant Maurice, à la place des Chinois et des Coréens, à exploiter au maximum les ressources naturelles énormes et fabuleuses de Madagascar, un pays-frère qui est aussi terre ancestrale d’un grand nombre de nos compatriotes.