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Stérilisation massive de chiens errants

Un projet qui ne mord pas

26 juillet 2025, 16:00

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Un projet qui ne mord pas

Malgré l’urgence de la situation, les propositions du Worldwide Veterinary Service pour gérer la crise des chiens errants à Maurice par un programme national de stérilisation massive sont systématiquement bloquées par les autorités compétentes depuis 2021.

On estime aujourd’hui à plus de 250 000 le nombre de chiens errants dans l’île : un chiffre alarmant qui ne cesse d’augmenter. Pourtant, la proposition structurée pour une campagne nationale, portée par la Worldwide Veterinary Service (WVS), est restée lettre morte. Rubina Jhuboo, militante de longue date pour la cause animale, pointe du doigt les autorités. «Le gouvernement et l’ancienne direction de la MSAW ont bloqué toute tentative sérieuse de mise en œuvre d’un programme de stérilisation de masse à l’échelle nationale depuis 2021, malgré les appels d’offres et les propositions soumises par la WVS», fait-elle ressortir. Elle dénonce aussi «une politique d’inaction où les autorités privilégient des campagnes avec des vétérinaires locaux, sans définir une stratégie à long terme.»

La stérilisation de masse, qui nécessite de traiter au moins 70 % de la population canine, est impossible sans l’aide d’experts étrangers. Ces derniers mobilisent des expert catchers, spécialisés dans la capture des chiens errants, et des vétérinaires formés à ce type d’interventions de grande envergure. Des organisations comme la WVS ont déjà fait leurs preuves avec des programmes similaires dans d’autres pays, contrairement aux vétérinaires locaux, qui ne disposent pas de cette expertise, souligne Rubina Jhuboo.

Obstacles administratifs

Les activistes dénoncent aussi les obstacles administratifs imposés aux vétérinaires étrangers. «Ils ont les qualifications requises, mais les institutions concernées adoptent une attitude inutilement rigide, cherchant systématiquement des prétextes pour bloquer les permis», regrette Rubina Jhuboo. Cette dernière souligne que les vétérinaires du pays n’ont pas la capacité pour mener des campagnes massives, tandis que les équipes étrangères peuvent stériliser jusqu’à une centaine de chiens par jour.

En 2022, la WVS, en partenariat avec une clinique vétérinaire locale, avait répondu à un premier appel d’offres lancé par la MSAW. L’organisation était alors le seul soumissionnaire, mais n’a jamais reçu de réponse, et la clinique partenaire s’était finalement retirée du projet. En septembre 2023, à la demande de la MSAW, la WVS a soumis une nouvelle proposition, également ignorée. En 2024, lors d’un autre exercice similaire, la WVS (seule candidate) a vu son offre rejetée, car jugée «non conforme» par l’organisation responsable du bien-être et de la protection des animaux.

Pour sa part, Eliza Usha Oodit, présidente du Pink Pony Charity Trust, estime que la MSAW ne peut être tenue pour seule responsable. Elle accuse le Veterinary Council, qui refuse également de collaborer. «Cette année, lors d’une réunion, un membre du Council a catégoriquement rejeté une proposition des vétérinaires étrangers, sans même chercher à comprendre le bien-fondé du projet», allègue-t-elle. Elle rappelle que des initiatives similaires, comme le projet Nou Toutou, mené à Belle-Mare il y a quelques années par Humane Society International, avaient pourtant fait leurs preuves. «Pourquoi refuser aujourd’hui une solution plus large, mieux structurée et gratuite ?», s’interroge-t-elle.

De leur côté, les activistes pour la cause animale estiment que ces blocages successifs ont pour effet de protéger les intérêts des vétérinaires locaux, au détriment d’une solution durable. Une source proche du dossier confie : «Tout semble avoir été fait pour favoriser les vétérinaires locaux, au lieu de mettre en place un véritable programme national. Pendant ce temps, la situation ne cesse d’empirer.»

La WVS souligne que sa proposition privilégiait une approche humaine et efficace, combinant stérilisation massive, éducation communautaire, recensement, réglementation des élevages et encadrement légal renforcé. Dans un de ses premiers rapports, elle dénonçait déjà la politique de «catch & cull» (capturer et abattre), jugée inhumaine, inefficace et décriée à l’international.

Malgré les appels répétés à la transparence et à la coopération, la collaboration entre les autorités et la WVS n’a jamais été concrétisée. Aujourd’hui, les défenseurs des animaux réclament un dialogue pour permettre aux vétérinaires étrangers de venir pour collaborer avec les institutions pour commencer, enfin, à redresser la situation alarmante de chiens errants à Maurice.

Contactées, les autorités concernées n’ont pas souhaité s’exprimer sur le sujet.

Les propositions de la WVS en chiffres

17 février 2021

Proposition pour stériliser 80 000 chiens pour un montant de Rs 24 millions, soit Rs 300 par tête.

4 novembre 2022

Premier appel d’offres de la MSAW (First Stage Bidding), pour une campagne de 5 mois visant environ 5 000 stérilisations à partir de février 2023.

Seul soumissionnaire : la WVS en partenariat avec une clinique vétérinaire locale.

Septembre 2023

Nouvelle proposition soumise par la WVS, à la demande de la MSAW, pour un projet pilote et un National dog population survey. Aucune réponse reçue.

Février 2024

La MSAW lance un nouvel appel d’offres, pour 3 500 chiens. La WVS est la seule soumissionnaire. Le prix proposé par chien est fixé à Rs 1 000. La MSAW rejette la proposition, la qualifiant de «non conforme».

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