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Tri des déchets
Un projet vanté mais jamais mis en pratique
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Tri des déchets
Un projet vanté mais jamais mis en pratique
Environ 1 500 tonnes de déchets sont envoyées chaque jour à Mare-Chicose.
Notre île commence à être submergée de déchets, notamment les non biodégradables, y compris à Mare-Chicose. Ce qui pourra nous sauver, si l’on ne veut pas réduire notre consommation : le tri des déchets.
Nos productions alimentaires, industrielles et artisanales sont en baisse. En revanche, s’il y a un secteur de production qui est en pleine expansion, c’est bien celui des déchets. Nous en envoyons environ 1 500 tonnes chaque jour à Mare-Chicose, 500 000 tonnes en 2022, composées à plus de 60 % de déchets organiques. Seuls 4 % de tous les déchets sont recyclés. La gestion de ce centre d’enfouissement coûte au moins Rs 1,8 milliard par an.
Cependant, de nombreux déchets, dont la quantité n’a jamais été estimée, traînent dans la nature. Les plus visibles sont ces carcasses de voitures, ces réfrigérateurs ou machines à laver dont on se débarrasse à la vue des caméras Safe City, ou encore ces sacs et autres contenants en plastique qui jonchent les routes et bouchent les caniveaux. Le moindre terrain vague est utilisé pour déverser toutes sortes de déchets, comme à Curepipe. L’emploi de quelques dizaines de personnes de MauriFacilities par la municipalité n’a pas ramené la propreté des années 70 à la ville.
Malgré le renfort de Mauri-Facilities et de firmes privées, Curepipe ressemble de plus en plus à une décharge à ciel ouvert.
Et que dire de nos lagons ainsi que de l’océan, affectés par ce trop-plein de déchets ? Les dégâts causés à la biosphère et aux paysages, ainsi que les avantages à tirer d’une économie circulaire, tout cela ne semble pas encore avoir alerté nos décideurs. Cela, même si dans les discours du gouvernement, de certains membres de l’opposition ou d’experts parfois auto-proclamés, on entend parler à longueur de journée et de l’année des généralités sans jamais affronter le problème à sa racine.
Pour réduire le volume de déchets qui polluent l’environnement, le mieux est de les trier à la source, c’est-à-dire par les ménages, les bureaux, les commerces et les usines. Le plus gros provient des ménages. En fait, le tri des déchets, qui permet d’économiser des ressources, est mieux pratiqué dans les pays riches. Notre pays, qui importe presque tout ce qu’il consomme, gagnerait pourtant le plus à adopter une économie circulaire, pour importer moins et créer ainsi de l’emploi. Nous avons tout à gagner aussi à recycler pour ne pas polluer notre petit environnement et nos lagons, qui constituent les attraits touristiques de notre pays.
Une partie seulement de ces déchets organiques déversés à Mare-Chicose est utilisée pour produire de l’électricité – soit 3 MW par an, nous avait dit Sotravic – à partir du biogaz émanant de ces déchets. Le reste est enfoui avec les déchets non biodégradables et prend de la place en attendant leur lente décomposition. Cela nécessite encore plus d’agrandissements à l’horizontale et à la verticale, et bien sûr, plus d’activités pour l’opérateur Sotravic. L’express du 22 juillet 2023 montrait les longues files d’attente des camions attendant de pouvoir décharger les ordures à Mare-Chicose. Sotravic ne semble pas en faire grand cas et n’a jamais expliqué cette situation d’embouteillage.
Cependant, de nombreux Mauriciens font déjà des efforts, même en l’absence d’un système de collecte séparée par les autorités, en apportant volontairement leurs déchets aux points de collecte installés par des organisations non gouvernementales (ONG), comme Mission Verte à Curepipe. Pour cela, il faut bien sûr avoir un moyen de transport et la volonté de le faire. C’est pourquoi il serait préférable que la collecte se fasse à domicile par le camion de ramassage, pour également éviter de gaspiller du carburant pour se rendre au centre de collecte et, bien sûr, pour récupérer un maximum de ces déchets à recycler. Bien que de nombreux Mauriciens séparent leurs déchets devant leur porte, on peut voir les camions de ramassage mélanger le tout et les compacter ensemble pour les transporter à la station de transfert.
Que faire ? C’est le ministère des Collectivités locales, et non celui de l’Environnement, qui pilote le projet de tri à la source. Des règlements seront introduits à ce sujet, mais nous n’avons aucune idée de leur contenu.
Sauvons la terre
Face aux difficultés pour mettre en place le ramassage de déchets triés à la source, les Mauriciens auraient pu commencer par réduire le volume de ce qu’ils jettent. De 60 à 70 % de ces déchets sont organiques et auraient pu être réutilisés pour enrichir le sol même où ils sont produits, ou empêcher son appauvrissement. Selon Joshita Lutchoomun de l’ONG Save Soil (voir l’express du 4 janvier 2023), ces déchets organiques devraient retourner au sol qui se dégrade, au lieu d’encombrer Mare-Chicose. Comment ? Par le compostage et le «mulching».
Joshita Lutchoomun nous explique que ce sol n’est qu’une couche de 13 à 25 cm, et contient les nutriments indispensables aux plantes et aux arbres. «Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, nous dit-elle, on perd environ l’équivalent d’un terrain de football chaque seconde. À ce rythme, 90 % de la couche arable (topsoil) sera à risque en 2050.»
C’est vrai, l’effort doit venir avant tout du citoyen…
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Huit ans de réflexion
Le 28 août, Anwar Husnoo a déclaré au Caudan Arts Centre : «Depuis 2014, cette initiative est inscrite dans les plans gouvernementaux. Cependant, nous ne pourrons réussir sans la collaboration du public.» Le ministre reconnaît donc que ce projet est en attente depuis 2014 et il met la population en cause pour ne pas avoir encore mis en place le tri des déchets qu’il n’a pas encore introduit !
Anwar Husnoo a également fait appel à la coopération des autorités régionales pour le projet de tri, mais il est conscient que celles-ci dépendent désormais du gouvernement central pour leur financement après la quasi-suppression de la taxe municipale. Il devrait également comprendre que les règlements et lois doivent être proposés et votés par le gouvernement. Car tout dépend des ressources financières et des lois en vigueur.
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Carcasses de voitures contre commission
Même les carcasses de véhicules devraient être recyclées, selon les promesses du gouvernement depuis 2014. En attendant, elles jonchent presque toutes les cours des postes de police de l’île. Un entrepreneur français souhaitait établir un site de démantèlement, de recyclage et de réexportation de pièces, mais il n’a pas obtenu le soutien du gouvernement. On soupçonne une demande de commission qui n’a pas abouti.
Il est important de noter qu’au Japon, l’un des plus grands et des meilleurs producteurs de véhicules au monde, on démantèle ces voitures pièce par pièce pour en récupérer le maximum. Certains Mauriciens, notamment des carrossiers et des mécaniciens, se sont même rendus au pays du soleil levant pour effectuer ce travail.
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Les leçons du privé
Pendant que les autorités tardent à prendre des décisions, le secteur privé a déjà commencé le recyclage. Par exemple, Phoenix Bev a collecté 102 629 kg de Polyéthylène téréphtalate (PET), 828 488 kg de verre et 18 965 kg de canettes en aluminium au cours de l’exercice financier 2022-2023. Le plastique a été compacté et exporté vers PolyPET Recyclers Ltd/Reso Green en Afrique du Sud, le verre est envoyé à Beemanique Stone Crusher qui le broie pour l’incorporer dans l’asphalte, et l’aluminium est remis à trois entreprises locales, à savoir Mafta International Ltd, DKD et The Mount Recycling
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Le tri en France
Le succès du tri en France dépend des municipalités (villes ou villages). Lorsqu’elle est dirigée par un maire écologiste, le tri est appliqué avec rigueur. Les ménages qui ne trient pas correctement leurs déchets voient leur poubelle laissée sur place avec un mot d’explication, afin de les encourager à bien séparer les produits organiques, métalliques, plastiques, verre, carton et papier. Tout est ainsi recyclé pour une deuxième, voire une troisième, vie, car «si le tri à la source n’est pas bien fait, cela entraîne des pertes de temps au centre de tri, qui doit à nouveau effectuer le tri, et cela peut contaminer les déchets recyclables».
Le camion bi-flux, comme ici en France, pourrait être une solution pour séparer les ordures.
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Sotravic depuis plus de 20 ans
En octobre 2021, l’express a expliqué comment Sotravic proposait des prix anormalement bas pour remporter les appels d’offres, et comment elle réalisait des variations, parfois de l’ordre de 200 %, au cours de l’année, ce qui lui permettait de compenser rapidement le manque à gagner, au détriment de ses concurrents. Cette entreprise exerce son influence à Mare-Chicose depuis 2003, sous tous les gouvernements. Il est d’ailleurs notable, au Parlement, que non seulement le gouvernement mais aussi l’opposition ferment les yeux sur les pratiques de cette société.
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