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Israël-Iran

Un vétéran mauricien décrypte les risques du conflit pour le monde… et Maurice

30 juin 2025, 14:00

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Un vétéran mauricien décrypte les risques du conflit pour le monde… et Maurice

■ Israël mise sur la haute technologie militaire, tandis que l’Iran privilégie la guerre asymétrique via missiles, drones et milices régionales.

Alors que les tensions entre Israël et l’Iran atteignent un nouveau paroxysme, la crainte d’une guerre ouverte secoue la communauté internationale. Pour mieux comprendre les enjeux de ce conflit aux répercussions potentielles mondiales, nous avons rencontré un Mauricien, ancien militaire des forces armées britanniques, stratège aguerri et analyste des conflits contemporains. Fort de 14 années d’expérience, avec des missions dans les îles Falkland, au Moyen-Orient et en Europe sous mandat de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), il a accepté de nous livrer, sous couvert d’anonymat, une lecture lucide, engagée et éclairée de cette crise géopolitique.

🔵 Une guerre aux racines idéologiques et stratégiques

Les causes du conflit ne se limitent pas à des désaccords politiques. Elles plongent leurs racines dans une rivalité profonde, idéologique et existentielle. «L’Iran ne reconnaît pas l’existence d’Israël et soutient des groupes extrémistes tels que le Hezbollah et le Hamas. En retour, Israël perçoit l’influence croissante de l’Iran dans la région et ses ambitions nucléaires comme des menaces existentielles.» La fracture est aussi confessionnelle : chiites contre sunnites, avec des visions concurrentes du leadership au Moyen-Orient. Ce n’est pas un simple désaccord politique, mais un cycle dangereux de méfiance, de peur et d’hostilité, difficilement réversible sans une volonté diplomatique sincère.

🔵 Le spectre d’une escalade globale

La grande crainte actuelle est celle d’une escalade incontrôlée, susceptible d’embraser toute la région, voire au-delà. Pour autant, l’ex militaire reste mesuré : «Une Troisième Guerre mondiale reste improbable, mais une mauvaise décision – comme une frappe sur les installations nucléaires iraniennes ou une attaque sur des villes israéliennes – pourrait faire basculer la situation.»

Les grandes puissances mondiales sont déjà impliquées. Les États-Unis soutiennent fermement Israël avec des aides militaires, du renseignement et une couverture diplomatique. La Russie, quant à elle, coopère avec l’Iran en Syrie, compliquant l’équation stratégique pour l’Occident. La Chine joue la carte de l’équilibre, motivée par ses intérêts énergétiques. «Ces puissances peuvent être des stabilisateurs… ou des accélérateurs du conflit. Tout dépendra de leur capacité à contenir la crise au lieu de l’alimenter.»

🔵 Deux forces, deux stratégies

Israël et l’Iran disposent tous deux d’arsenaux impressionnants, mais très différents. Israël mise sur la technologie de pointe : frappes aériennes chirurgicales, défense antimissile avancée (comme le Dôme de fer), cyberdéfense et potentiellement, une dissuasion nucléaire non déclarée. L’Iran, de son côté, compense sa technologie plus limitée par des stratégies asymétriques : missiles balistiques, drones, cyberattaques et, surtout, un réseau complexe de milices régionales, du Liban à l’Irak. «L’Iran ne cherche pas une confrontation frontale, mais use de profondeur stratégique et de tactiques indirectes. Israël, lui, vise la rapidité et la précision. Une guerre entre les deux serait brutale et sans terrain limité.»

Scénarios de guerre ouverte

Un affrontement direct serait une guerre hybride par excellence. L’ancien militaire en trace les grandes lignes : Israël frapperait rapidement par voie aérienne les sites nucléaires, utiliserait la guerre cybernétique et des assassinats ciblés pour désorganiser les forces iraniennes. L’Iran riposterait via ses proxies – Hezbollah au Liban, milices en Irak et Syrie – en multipliant les fronts. Des frappes de missiles, des attaques de drones et des perturbations navales dans le détroit d’Ormuz seraient probables. «Une invasion terrestre est peu probable. Les deux pays privilégieraient des stratégies indirectes, mais les conséquences civiles et régionales seraient colossales.»

🔵 Une onde de choc mondiale

Une telle guerre n’épargnerait personne. La stabilité économique et politique mondiale en serait bouleversée. «Le Moyen-Orient reste le cœur énergétique de la planète. Une perturbation du détroit d’Ormuz ferait flamber les prix du pétrole, provoquant inflation, instabilité des marchés, et tensions sociales jusqu’en Europe et en Asie.» Au-delà des prix, les alliances seraient mises à rude épreuve, des vagues de réfugiés pourraient apparaître et les attaques cybernétiques se multiplieraient. Même les nations éloignées géographiquement n’en sortiraient pas indemnes.

🔵 Quid de l’impact sur Maurice et l’océan Indien ?

À l’échelle de l’océan Indien, une telle guerre serait loin d’être un lointain écho. Pour Maurice, il prévient : «Maurice est vulnérable aux hausses des prix du pétrole et aux perturbations de la chaîne d’approvisionnement. Le tourisme, le commerce et la stabilité monétaire seraient directement affectés.» En outre, l’océan Indien pourrait se militariser davantage. Des déploiements navals de puissances comme les États-Unis pourraient s’intensifier pour protéger les routes maritimes. «Même un pays neutre comme Maurice verrait son environnement stratégique changer. Il faut s’attendre à plus de surveillance, de présence militaire et de pressions diplomatiques.»

🔵 Anticiper au lieu de subir

Face à un monde de plus en plus instable, le vétéran appelle les petites nations à anticiper, plutôt qu’à subir. «La résilience, c’est la clé. Diversifier ses sources d’énergie, ses partenaires commerciaux, surveiller la cybersécurité et renforcer la cohésion sociale pour éviter que les tensions extérieures ne pénètrent la sphère intérieure.» Sur le plan diplomatique, il recommande la neutralité active : participer aux forums internationaux, défendre la paix, mais sans s’aligner aveuglément. «Dans un monde globalisé, l’inaction n’est pas de la prudence : c’est une faiblesse. Il faut être informé, vigilant et agile.»

🔵 La diplomatie : un espoir encore vivant

Malgré les discours belliqueux, l’ancien militaire reste optimiste quant à la possibilité d’une désescalade : «Il existe encore une voie diplomatique, mais la fenêtre se referme. Des médiateurs comme Oman ou le Qatar peuvent jouer un rôle. Les grandes puissances doivent arrêter de penser en termes de rivalité et agir pour la paix.» Il préconise des mesures de confiance mutuelle : inspection des sites nucléaires, limitation des activités des proxies, ouverture de canaux de communication. «Même les ennemis les plus acharnés peuvent reculer du bord du gouffre. Le dialogue, pas la destruction, doit être la voie à suivre.»

🔵 Le rôle crucial des Nations unies

Enfin, il appelle l’Organisation des Nations unies (ONU) à se réveiller de sa torpeur : «Le monde n’a pas besoin d’un spectateur. Il a besoin d’un arbitre. L’ONU doit convoquer des pourparlers, envoyer des émissaires, protéger les civils et faire respecter le droit international.» Il insiste : l’inaction n’est pas de la neutralité ; c’est une forme de complicité.

🔵 Un appel à la jeunesse

Son message à la jeunesse est clair et percutant : «La guerre moderne ne se limite pas aux bombes. Elle est économique, numérique, psychologique. Elle est partout. Vous, les jeunes, avez le pouvoir de résister à la propagande, de défendre la paix et de construire un avenir meilleur.» Dans un monde où les conflits sont diffusés en direct, instrumentalisés et parfois, incompris, il invite les jeunes à rester critiques, engagées et solidaires. «Le vrai courage, ce n’est pas de faire la guerre. C’est de croire à la paix.»

J. M.

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