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La Valette

Un village intégré plongé dans l’oubli

6 septembre 2023, 22:00

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Un village intégré plongé dans l’oubli

Vu ce qu’est devenu le village dans l’indifférence des autorités, les habitants n’ont pas de quoi être fiers.

«Gouvernma mem mo krwar inn bliyé nou. Vi ki satéllit pa ti ankor mété, li pa antor li», ironise Ludovic Victor. Ce résidant de La Valette depuis 2011 joue une partie de cartes sous ce qui semble être un abribus abandonné, avec quelques habitants du quartier. «Samem nou pastan», lance ce jardinier qui est rentré tôt de son travail. Selon lui, chaque habitant a du potentiel à La Valette. «Éna dimounn mason. Mo krwar éna tou métié isi.»

Le village de La Valette avec maisons individuelles n’est pas visible depuis la route principale à Bambous. Pour y accéder, il faut remonter une route d’une longueur de 1,2 kilomètre, à pied ou en taxi «marron» ou alors attendre patiemment le passage d’un autobus à des heures précises, qui vous débarquera à des arrêts de bus délabrés et abandonnés qui ont besoin d’un coup de neuf.

À l’entrée du village, le jardin d’enfants avec son mur coloré sur lequel sont écrites des phrases comme «La Valette Integrated Village» ou encore «Nou Villaz Nou Fierté» aux couleurs du drapeau national, fait peine à voir. Des détritus jonchent la plaine, les jeux pour enfants sont dans un état d’abandon et le mur délabré a besoin d’une bonne couche de peinture. Pourtant, c’est le premier village intégré de la National Empowerment Foundation (NEF). Un modèle d’adaptation sociale pour les plus démunis, érigé par l’État et inauguré en 2009. Il s’inscrivait dans le cadre du programme de développement social intégré, lancé en 2006. Mais, aujourd’hui, ce village symbolise l’abandon ou même l’oubli. Et les habitants semblent être laissés pour-compte.

En déambulant dans les rues du village en fin de journée, nous croisons deux femmes qui papotent alors que des enfants en uniforme d’écoliers jouent à même le trottoir. «Avez-vous vu l’état du jardin d’enfants ?» lance l’une d’elles. D’ajouter: «Il n’y a pas d’activité pour les enfants. Faute d’un jardin d’enfants clôturé et avec des jeux en bon état, ils doivent jouer lor coaltar. Zot mem kraz vit kot vwasin kan zwé boul», se désole cette mère au foyer de 25 ans, résidante de La Valette depuis l’âge de 15 ans. Sa voisine déplore le manque d’infrastructure mais également un éclairage adéquat. Plus loin, des déchets s’empilent, signe d’une absence de benne à ordures. Près du terrain de basket abandonné également, deux containers abritent une supérette qui, malheureusement, était fermée.

Ludovic Victor s’insurge du fait qu’en 12 ans, les autorités n’ont pas pu construire un centre de jeunesse pour les jeunes du village. Il explique que par manque de loisir, il existe un rajeunissement de jeunes tombant dans les fléaux sociaux notamment l’enfer de la drogue. «Zanfan 12-14 zan mo dir ou», lance un des joueurs de cartes. Pour Ludovic Victor, les jeunes auraient pu se concentrer sur d’autres activités s’il y avait également un gymnase en plein air. «Si nou pa konsantré lor la (NdlR : les parties de cartes), nou osi nou tom dan sa fléo-la.»

Alexandra Clair, qui habite dans le village depuis 13 ans, déplore le manque d’autobus pour desservir le village. Ancienne employée de blanchisserie dans un hôtel, elle jouit aujourd’hui d’une pension d’invalide. «Ti fer complaint pou transpor. Prémié bis pas 6 h à 8 h 30 apré pran taxi maron.»

À La Valette, il y a ceux qui veulent une insertion sociale dans la communauté. C’est du moins ce que désire Ludivine Troussequin. Les études sont une priorité pour celle qui veut travailler dans le management ou dans le secteur de l’hôtellerie. La collégienne de Sodnac SSS de 20 ans, qui passera les épreuves du HSC en octobre, confie avoir grandi dans ce village. «Adolésans ti korek. Lanbians avan ti seryé. Bann zenn ti pé zwé. (…) Dan sant nou ti pé gagn enn ti gout 4 h. Nou fer bann ‘jeux éducatifs’, lapintir.» Elle se désole tout comme les autres que les jeunes, aujourd’hui, soient tombés dans la drogue ou sont même des chômeurs.